Briseuse de tabous

C’est une pile électrique qui parle très vite et fort. Mais c’est surtout une jeune femme engagée qui évoque son combat avec fougue et passion. En 2015, Zehra Sayin est devenue CEO de Special Olympics Belgium à 30 ans à peine. Et, aujourd’hui, son bilan au sein de cette association qui favorise l’intégration sociale des personnes handicapées mentales par le sport est impressionnant.
» J’ai étudié le marketing mais, ici, on ne vend pas des bouteilles de Coca-Cola, tranche d’emblée cette diplômée de l’Ephec qui a débuté sa carrière chez Xerox. On est dans l’humain. C’est un tout autre défi, mais il est plus passionnant encore car ma mission consiste justement en l’inclusion des handicapés mentaux par le sport via le génie du marketing. »
Redresser la barre
Quand Zehra Sayin reprend les rênes de Special Olympics Belgium, la situation est catastrophique sur le plan financier. Mais la jeune femme est ambitieuse et elle surfe sur une campagne qui a remis l’ASBL sous le feu des projecteurs médiatiques, à l’époque où elle était en charge du marketing sans en être encore la CEO. En août 2014, le Diable Rouge Kevin De Bruyne a en effet posté sur Twitter une photo de lui avec son visage retouché façon Trisomie 21, accompagné du commentaire suivant : » Seriez-vous toujours un de mes fans si mon apparence était celle-ci ? « .
Cette campagne de sensibilisation fait le buzz. Elle est non seulement le déclencheur d’une vraie prise de conscience au sein de la population, mais aussi l’étincelle d’autres actions de Special Olympics Belgium comme la campagne Play Unified qui a remporté un Effie d’or en 2017 aux prestigieux Effie Awards, une compétition qui récompense chaque année les actions marketing les plus efficaces en termes d’impact avéré.
» Lorsque je suis devenue CEO, mon premier objectif a été de rétablir l’équilibre financier de l’ASBL, explique Zehra Sayin. Je ne pouvais pas mener de campagnes de communication classiques sur des médias payants. Il a donc fallu être créatif et convaincre plusieurs vedettes du sport de se prêter au jeu d’un challenge pour susciter l’intérêt du public. Et cela a marché. »
Remarquée aux Etats-Unis
Bien décidée à casser les tabous, la jeune femme poursuit sur sa lancée et attaque cette fois le monde des sponsors. » Je leur ai fait comprendre que le handicap mental n’a plus rien à voir avec la pitié et que, à leur niveau, un soi-disant problème peut devenir une opportunité « , poursuit-elle. La campagne Dare to sponsor ( Osez être sponsor) est née et booste le nombre de partenaires officiels de Special Olympics Belgium qui passe de 40 au moment de son arrivée à la tête de l’ASBL à 110 en 2018, dont 11 gros sponsors qui ont chacun mis 75.000 euros (répartis sur quatre ans).
Aujourd’hui, l’équilibre financier de l’association belge est rétabli et même garanti jusqu’en 2020. Cerise sur le gâteau : le plan marketing de Zehra Sayin est désormais cité en exemple à l’international. Une douzaine de pays vont d’ailleurs s’en inspirer et, dans quelques jours, la CEO belge s’envolera même vers les Etats-Unis pour détailler son parcours et ses méthodes au siège de cette organisation fondée en 1968 par la soeur de John Fitzgerald Kennedy. » Special Olympics est aujourd’hui établi dans 178 pays à travers le monde, rappelle Zehra Sayin. L’immense majorité des CEO, 172 pour être précise, présentent un profil sportif. Nous ne sommes donc qu’une poignée à avoir un profil marketing comme le mien et l’idée, justement, est de changer les choses au vu de mes résultats. »
De là à briguer le poste de CEO de l’organisation mère ? » Nous n’en sommes pas encore là, sourit la jeune femme dont le mandat belge expire en 2021. Mais le défi me plairait. Qui sait ? «
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