Un an après sa dévaluation choc, le yuan recule encore, mais n’inquiète plus autant

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Mi-août 2015, la Chine ébranlait les marchés en dévaluant brutalement le yuan. Un an plus tard, sa monnaie s’enfonce encore, mais les spéculateurs s’épuisent; la banque centrale n’a pas renoncé à son interventionnisme et les inquiétudes des investisseurs se sont grandement atténuées.

Dans la torpeur estivale, l’abaissement surprise par la banque centrale chinoise (PBOC) d’environ 5% en une semaine du taux de référence du yuan avait provoqué un coup de semonce sur les places financières, habituées au surplace de la devise.

Le yuan, étroitement encadré, est autorisé à fluctuer face au dollar dans une fourchette de 2% de part et d’autre de ce cours-pivot de la PBOC.

La décision avait aussitôt ravivé l’inquiétude sur la santé économique du géant asiatique et fait ressurgir le spectre d’une “guerre des devises” à coups de dévaluations compétitives.

Pékin s’est défendu d’avoir voulu apporter un soutien à ses exportateurs, expliquant qu’il s’agissait simplement d’un nouveau mode de calcul reposant sur les mouvements du marché des changes –mais sans convaincre.

Depuis, la devise chinoise n’a cessé de s’enfoncer, jusqu’à clôturer mercredi à 6,6430 yuans pour un dollar, non loin d’un récent plus-bas depuis six ans, tandis que le cours-pivot de la PBOC a dégringolé de 9% sur un an.

“Depuis plusieurs mois, la norme est une dépréciation graduelle du yuan qui ne bouleverse pas le marché des changes, et qui ne tourmente pas les investisseurs”, tempère Wei Yao, analyste de Société Générale.

Interventions massives

Autant que l’ampleur de la dévaluation de l’été 2015, “c’est la défiance des marchés envers la PBOC et l’opacité de ses intentions qui ont intensifié la pression sur le yuan”, ajoutaient les experts du cabinet Capital Economics.

“Un an plus tard, les investisseurs apparaissent plus détendus quant aux fluctuations du renminbi (autre nom du yuan)”, soulignaient-ils.

Désireuse de rassurer, la banque centrale a tenté d’améliorer sa communication déficiente à coups de brefs communiqués. Son discret gouverneur Zhou Xiaochuan, naguère invisible, est sorti de sa réserve en février pour assurer qu’il n’existait “aucun fondement pour une dépréciation persistante”.

Mais surtout, la PBOC est intervenue massivement sur les marchés pour enrayer le déclin du yuan et restreindre les colossales fuites de capitaux hors de Chine. Celles-ci ont atteint 1.000 milliards de dollars l’an dernier, selon Bloomberg, dopées par des investisseurs affolés de voir fondre la valeur de leurs actifs.

Depuis un an, l’institution a puisé dans les abondantes réserves de changes du pays pour racheter pour 440 milliards de dollars de yuans afin de soutenir le cours de la devise. Et Pékin a renforcé les restrictions sur les sorties de capitaux.

Une façon de signifier aux spéculateurs misant sur une chute continue du yuan qu’ils se casseraient les dents. “Les positions spéculatives restent maintenant limitées”, souligne Wei Yao. “Et les contrôles des capitaux paraissent avoir fonctionné”.

L’hémorragie a sensiblement ralenti: les banques chinoises ont certes vendu plus de devises étrangères qu’ils n’en recevaient au 2e trimestre, mais l’écart s’est réduit de moitié par rapport au premier trimestre.

Dilemme

La PBOC est cependant confrontée à un dilemme: elle vante ses progrès vers la libre convertibilité du yuan et la prise en compte des fluctuations du marché –engagement qui conditionnait l’entrée du yuan parmi les devises de référence du FMI.

Mais d’un autre côté, voulant renforcer l’usage international du renminbi, Pékin promet un yuan “stable” face à un panier des principales devises.

Du coup, la PBOC ajuste volontiers son cours-pivot à sa guise, “exerçant ponctuellement sa volonté pour guider le marché” et la direction du yuan, selon ANZ Bank.

En janvier, l’institution avait abaissé le taux de référence du renminbi durant huit séances consécutives, laissant redouter une dévaluation rampante… avant de le remonter.

En réalité, l’affaiblissement du yuan ne profite que très marginalement aux exportateurs chinois: les exportations du pays se sont d’ailleurs effondrées ces derniers mois.

Davantage qu’une stratégie délibérée de Pékin pour stimuler l’activité commerciale, le yuan pâtit de fondamentaux économiques, explique à l’AFP Liao Qun, économiste de Citic Bank International, pointant les “incertitudes” de l’environnement mondial.

Entre la remontée des taux américains (qui rend le dollar plus attractif) et la nervosité liée au Brexit (qui incite à privilégier les valeurs-refuges), le yuan devrait continuer de s’enfoncer: “Jusqu’à quand? Cela dépendra du moment où l’euro et la livre rebondiront”, souligne Liao.

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