Pétrole: la méfiance persiste, malgré l’accord Arabie-Russie

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La décision de Ryad et de Moscou de geler sous conditions la production de brut est dictée par leurs difficultés économiques, mais le royaume saoudien reste déterminé à défendre ses parts de marché, selon des analystes.

L’Arabie saoudite et la Russie, les deux premiers producteurs de brut au monde, ont annoncé au terme d’une réunion mardi à Doha avec le Qatar et le Venezuela, être prêts à geler leur production de pétrole à ses niveaux de janvier si les autres grands producteurs font de même.

Le Koweït et les Emirats arabes unis, des monarchies du Golfe membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), ont soutenu cette mesure. L’Irak, deuxième grand producteur du cartel, s’est dit aussi prêt à coopérer.

L’Iran, juste sorti d’un embargo pétrolier, a indiqué soutenir l’accord de Doha, mais sans aller jusqu’à s’engager à une limitation de sa production.

Depuis la décision prise en novembre 2014 par l’Opep, sous la pression de Ryad, de ne pas réduire l’offre pour soutenir les prix, la défense des parts de marché reste une priorité absolue dans un environnement toujours concurrentiel.

Mais la chute des cours du brut à un plus bas en 13 ans a durement affecté les économies de Ryad, de Moscou et des autres grands producteurs.

“Les Saoudiens ont noté que l’effondrement des cours est allé trop loin. Ils ont évidemment ressenti son douloureux impact, notamment la compression budgétaire en cours”, souligne Jason Tuvey de Capital Economics.

Austérité

Après un déficit budgétaire record de 98 milliards de dollars en 2015 et un nouveau déficit prévu de 87 mds cette année, Ryad a été contraint de prendre des mesures d’austérité, incluant une réduction des subventions sur les carburants et l’électricité notamment.

Le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse ses prévisions de croissance en Arabie saoudite à 1,25% en 2016, un plus bas en 7 ans, alors que Standard and Poor’s a abaissé d’un cran la note du royaume pour la deuxième fois depuis octobre.

“L’Arabie saoudite et les autres pays du Golfe ont certainement souffert des bas prix, mais ils ont de solides marges de manoeuvre financières”, estime l’économiste Abdelwahab Abou-Dahesh.

“Ils ont besoin de recettes pétrolières plus élevées pour réduire la pression sur les monnaies, les consommateurs et les dépenses publiques”, ajoute-t-il.

Le ministre saoudien du Pétrole Ali al-Nouaïmi, dont le pays à des réserves en devises de plus de 600 mds de dollars, a cependant affirmé après l’accord de Doha que l’effondrement des prix pétroliers ne posait pas un problème pour son pays qui peut s’y adapter.

La Russie a vu sa récession économique empirer avec la chute des cours, qui a lourdement affecté des pays de l’Opep, comme le Venezuela, le Nigeria et l’Algérie.

Méfiance

Mais l’Iran a accusé les plus lourdes pertes en raison des sanctions qui l’ont privé pendant de nombreuses années d’importants marchés dans le monde.

“Les énormes déficits budgétaires et les réductions des subventions qui ont suivi ont encouragé la conclusion d’un accord”, explique l’expert pétrolier Jean-François Seznec de Georgetown University.

“Le fait que la Russie et l’Arabie saoudite se parlent est un grand pas” pour les prix pétroliers qui ont progressé de 20% depuis l’annonce de Doha, dit-il.

La méfiance et la bataille pour les parts de marché demeurent néanmoins de sérieux obstacles à un accord durable et efficace.

“L’Arabie saoudite n’a tout simplement pas confiance en la Russie, ni en l’Iran. Moscou avait, dans le passé, failli à ses promesses et les Saoudiens doutent encore” de leur engagement, note M. Abou-Dahesh.

Le royaume “est allé à Doha par courtoisie pour les autres membres de l’Opep, sachant que l’Iran et la Russie ne se conformeront” pas à une quelconque décision, estime-t-il, soulignant que “la lutte pour les parts de marché va s’intensifier”.

L’Arabie et ses alliés du Golfe combattent la Russie et l’Iran, directement ou indirectement, en Syrie et au Yémen, une situation qui minerait un accord pétrolier, poursuit-il.

Mais, pour M. Seznec, un accord est possible du moment que toutes les parties ont besoin d’argent. “(Ils) peuvent réduire la production, accroître les revenus et continuer à se battre. Un vrai accord (pétrolier) pourrait faciliter un dialogue pour une solution en Syrie”.

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