Van Peteghem est-il en train de semer les graines d’une nouvelle crise bancaire ?
Si le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) décide la semaine prochaine de lancer un deuxième bon d’État d’un an fiscalement avantageux, il risque de nuire une fois de plus au secteur bancaire. Pourquoi ferait-il cela? Difficile d’y voir une autre explication qu’électorale.
On l’oublierait presque, mais Vincent Van Peteghem n’était-il pas le ministre qui devait lancer une grande réforme fiscale ? Moins d’impôts pour les travailleurs ? Un système fiscal plus juste qui mettrait aussi les riches à contribution ? Oui, mais voilà rien de tout cela ne s’est concrétisé. Cinq ans de travail à la poubelle. Heureusement, le lancement, en août, d’un bon d’État à taux d’intérêt élevé et à fiscalité avantageuse lui a sauvé la mise. Il sera la bouée de sauvetage de la popularité du ministre. Les citoyens pouvaient souscrire à un taux préférentiel de 2,81 % d’intérêts nets. Et dans les sondages, son étoile a grimpé. Au point d’apparaître parmi les politiques les plus populaires.
Un cadeau pour les riches
Les chiffres de la KBC montrent que c’est surtout les Belges les plus riches qui ont accepté le cadeau de Van Peteghem. Un client sur quatre disposant d’un compte de plus de 250 000 euros a souscrit au bon d’État. Parmi les clients disposant de moins de 25 000 euros d’avoirs, il s’agit d’à peine un sur cent. Le dépôt moyen par client était de 32 000 euros. “En réalité, ce sont surtout les clients aisés qui ont bénéficié du bon d’État”, précise encore Johan Thijs, administrateur délégué de KBC.
Thijs félicitera même Van Peteghem d’avoir atteint son objectif. Les banques n’avaient-elles pas fortement augmenté leurs taux d’intérêt ces dernières semaines ? N’était-ce pas la preuve que la concurrence jouait ? Malheureusement, ce même jour, il n’y a décidément pas de hasard, paraissait le rapport de l’Autorité belge de la concurrence. Or ce dernier arguait exactement le contraire. Les grandes banques y sont présentées comme un oligopole dominant le marché.
La semaine prochaine, Van Peteghem précisera à quoi ressemblera exactement ce nouveau bon d’État de décembre. S’agira-t-il, à nouveau, d’un outil destiné à concurrencer les produits des banques ? Y aura-t-il, à nouveau, un précompte mobilier réduit et une échéance d’un an ? Quoi qu’il en soit, le ministre laisse entendre qu’il souhaite maintenir la pression sur les banques pour qu’elles augmentent les taux d’épargne.
Les banques ne sont pas populaires
La grande question est de savoir pourquoi le gouvernement procéderait à une nouvelle émission comme celle du mois d’août. Il n’a pas besoin d’argent et des dettes en suffisance. Les investisseurs ont souscrit en masse au mois d’août. Ils n’attendront peut-être pas une nouvelle émission trois mois plus tard, même si les taux d’intérêt ont continué à augmenter depuis. Un nouveau bon d’État stimulera-t-il la concurrence entre les banques ? Probablement pas. Le premier bon leur a déjà suffisamment coûté cher. Une banque comme Argenta a été contrainte de proposer à ses clients des taux d’intérêt bruts de plus de 4 % sur un compte à terme temporaire, alors qu’elle prêtait à un taux inférieur. La KBC estime à 212 millions d’euros le manque à gagner lié à la ponction de 5,7 milliards d’euros sur les dépôts d’épargne.
Un deuxième bon d’État analogue à celui du mois d’août pourrait même exercer une pression encore plus forte sur les revenus et la rentabilité du secteur bancaire belge. Ceci alors qu’un mouvement de baisse des taux d’intérêt a déjà commencé et que la BCE a décidé de ne plus rémunérer les réserves obligatoires des banques.
Mais peu importe, les banques ne sont pas populaires et les électeurs ne sont pas sensibles à de tels arguments. Et ça Van Peteghem le sait.
Atteinte à l’autonomie de Belfius
Son attitude a également déjà conduit à de l’interventionnisme chez Belfius. Pour combler quelques trous dans le budget, le gouvernement a décidé que la banque, contrôlée à 100 % par l’État, serait autorisée à verser 220 millions d’euros de dividendes supplémentaires au Trésor l’année prochaine. Rappelons que Belfius a déjà versé un total de 2,1 milliards d’euros de dividendes ces dernières années. Pour cette année, le montant s’élève à 384 millions d’euros. Ce qui est grave, c’est que de telles décisions risquent d’éroder l’autonomie de Belfius. Comment se comportent la direction et le conseil d’administration lorsque l’actionnaire exige que vous payiez 50 % de dividendes en plus l’année prochaine ? Est-il possible de s’y opposer ? Cependant, les conditions économiques ne semblent pas être celles d’une croissance sans limites.
Ce qui nous rappelle que Belfius est l’héritière de Dexia Banque Belgique, la banque qui a dû être renflouée par le gouvernement en 2011 lorsque le groupe Dexia a chaviré. Et nous savons tous comment Dexia s’est retrouvée en difficulté : lorsque des politiciens siégeaient au conseil d’administration et exerçaient leur influence. Lorsque les mandataires communaux, aveuglés par la recherche du profit, n’ont plus su discerner les risques.
Conclusion : Plus qu’un avantage pour plusieurs milliers de travailleurs ordinaires, ce nouveau bon d’état pour les riches pourrait être à l’origine d’une nouvelle crise bancaire. Or ce seront les premiers qui paieront les dégâts si une banque est en difficulté. Car, oui, tout l’argent que les banques ont payé en impôts au cours des dernières années n’a pas atterri dans un fonds fermé, mais bien dans un Trésor sans fonds. Et qui se trouve être géré par le ministre des Finances.”
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