Nouveau bon d’État : frappe préventive des banques

Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Alors qu’un nouveau bon d’Etat se profile à l’horizon, le secteur bancaire met en garde contre les dangers d’une telle nouvelle émission et plaide pour un “bon d’Etat équilibré”, histoire d’éviter une nouvelle fuite massive de capitaux.

Les banques ne veulent pas d’un nouveau bon d’État à un an bis. Et elles le font clairement savoir. Dans un plaidoyer pour un “bon d’État équilibré” diffusé par la Fédération belge du secteur financier (Febelfin), le secteur fait part de ses préoccupations par rapport à une éventuelle nouvelle émission publique en mars : “L’émission du bon d’État en septembre 2023 a déclenché un déplacement massif de l’épargne et pourrait être considérée comme un test de liquidité inattendu pour le système bancaire”, fait valoir d’emblée Febelfin, espérant convaincre le gouvernement et le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) de ne pas réitérer une expérience qui risquerait de déstabiliser les banques.

Stress inattendu

Faut-il le rappeler, le bon d’État de septembre dernier a bousculé le secteur, lequel n’a visiblement guère apprécié de voir l’État belge lever 21,9 milliards d’euros sur les comptes en banque des particuliers. Une nouvelle émission dans les mêmes conditions aurait pour conséquence “d’éroder un peu plus les tampons de liquidités” et risquerait de “rendre certaines banques belges moins résistantes”, avertit Febelfin qui regrette les conditions dans lesquelles l’émission a été organisée pour forcer les banques à relever leurs conditions sur le livret.

Selon Febelfin, “ce bon d’État à un an a été présenté comme une alternative au livret d’épargne, alors qu’en principe il ne s’agissait pas d’un produit d’épargne mais d’un investissement”. Le précompte mobilier réduit de 15 % (au lieu des 30 % habituellement prélevés) n’a guère plus davantage. “Cela a créé des distorsions dans les conditions de concurrence, et ce tant pour les investisseurs que pour les émetteurs”, souligne Febelfin. Et puis, dit-elle, “le bon d’État a été émis sans montant maximum à lever, en passant sur les besoins effectifs de financement de l’État belge”.

Ne pas fausser la concurrence

Voulant éviter une nouvelle fuite de capitaux, le secteur a donc décidé de frapper de manière préventive. Il demande ainsi dans son plaidoyer au gouvernement que l’éventuel nouveau bon d’État à un an qui pourrait être émis en mars ne fausse pas la concurrence. Selon Febelfin, il faut des règles identiques pour tous. “Le bon d’État est un produit qui fait partie de l’offre des banques et qui permet aux gens, par exemple, de faire leurs premiers pas dans l’investissement. Il offre en outre une diversification intéressante. C’est pourquoi il est important que les conditions de concurrence soient les mêmes pour tous sur le plan fiscal. Or, ce n’était pas le cas lors de l’émission du bon d’État à un an en septembre 2023 puisque le précompte mobilier avait été divisé par deux et ramené à 15 %. Si une entreprise ou une banque émet un produit (comme un prêt obligataire, un bon de caisse ou un compte à terme) avec la même échéance, elle doit le faire à des conditions fiscales identiques. Nous espérons que ce principe sera respecté lors de la prochaine émission d’un bon d’État”, demande Febelfin.

La pression remonte

Plus globalement, cette nouvelle riposte des banques, après celle notamment qui les a vues augmenter légèrement les taux du livret en fin d’année pour contrer les bons d’État à 5 et 8 ans émis en décembre dernier, n’est pas anodine. Après avoir disparu des radars, la question de la rémunération de l’épargne est revenue sur le tapis en ce début d’année 2024. Récemment, le gouverneur de la Banque Nationale, Pierre Wunsch, au micro de la VRT, commentait le niveau toujours très bas des taux du livret d’épargne et reconnaissait que les banques belges avaient encore de la marge pour augmenter le rendement des comptes d’épargne.

Voici quelques jours, c’est Ecolo qui revenait à la charge sur la problématique de la rémunération du compte d’épargne en présentant en commission des Finances une nouvelle proposition de loi demandant la fin du système des primes de fidélité. Car “augmenter et rendre plus juste la rémunération de l’épargne des Belges est un sujet majeur pour Ecolo”, expliquait à ce propos à Trends-Tendances le député fédéral Ecolo Gilles Vanden Burre.

Bref, la pression sur les banques remonte. Malgré de (légères) hausses de taux sur l’épargne réglementée, la grogne ambiante à leur égard ne s’est pas évaporée. Bien au contraire. Reste à voir si le message des banques sera entendu par le gouvernement. Reste à voir surtout si les autres partis de la majorité de l’équipe De Croo feront le cadeau d’un nouveau coup médiatique à Vincent Van Peteghem… à trois mois des élections.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content