Michael Anseeuw (BNP Paribas Fortis): “La prime de fidélité offre la meilleure protection pour l’épargnant quand les taux sont à la baisse”
BNP Paribas Fortis, qui regroupe notamment les filiales en Turquie (TEB) et au Luxembourg (BGL) ainsi que la société de leasing Arval, et maintenant aussi bpost banque, a publié, ce vendredi matin, un résultat net largement positif en 2023. L’an dernier, la première banque du pays a dégagé un bénéfice 3,1 milliards d’euros, stable par rapport à 2022.
Une performance que commente pour Trends-Tendances son CEO Michael Anseeuw qui revient également sur la saga du bon d’État et ses conséquences pour le secteur bancaire.
Comme pour les autres banques, l’explication de ce résultat se trouve dans l’environnement de taux favorable ?
Alors, bien sûr, il y a l’impact des taux d’intérêt. Les revenus ont progressé d’environ 10 %. Nous avons connu une très bonne année pour nos activités spécialisées telles que le factoring ou le leasing avec Arval. D’un autre côté, les dépôts ont diminué de 3%, notamment à cause du bon d’État. Les coûts ont connu une augmentation de plus de 8 % poussée par l’inflation et les investissements (IT, personnel, intégration bpost banque, etc.). Et nous payons un peu plus d’impôts qu’en 2022, environ 250 millions d’euros. Mais ce qui est important pour nous, dans un environnement tel que celui que nous avons connu en 2023, c’est que la croissance des revenus reste plus élevée que celle des coûts. Ce qui donne un effet ciseau positif sur le rapport entre les dépenses et les rentrées, lequel s’améliore pour descendre à 52 %.
Cet effet ciseau positif et les résultats engrangés ne sont-ils pas la preuve qu’une marge de manœuvre existe pour un meilleur taux sur le livret ?
Notre portefeuille de crédit a augmenté de 4,5 % pour atteindre 159 milliards d’euros. Dans le même temps, la croissance pour l’économie belge s’est limitée à 1,5 %. Cela veut dire que nous jouons notre rôle en tant que moteur de l’économie belge. La production de nouveaux crédits accordés aux clients professionnels (entreprises, indépendants) a augmenté de 10 %. Une entreprise belge sur trois est cliente de BNP Paribas Fortis. Quant à notre portefeuille de crédits en éléments durables, il a progressé de 11 %. Le Belge, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises, choisit de plus en plus des crédits durables (prêts à la rénovation et énergie pour les particuliers, investissements ESG pour les entreprises).
Mais encore ?
Si vous prenez notre portefeuille de prêts hypothécaires, accordé en Belgique, ce dernier s’élève à 66 milliards, dont 87 % sont à taux fixes. L’an dernier, les détenteurs de ces crédits hypothécaires ont payé 1,2 milliard d’euros à BNP Paribas Fortis sous la forme d’intérêts et de capital liés au remboursement de leur prêt. Si tout notre portefeuille de crédits avait été totalement constitué de prêts à taux variables, ils auraient dû payer 1,8 milliard d’euros. Cela signifie que, dans le contexte actuel de taux d’intérêt, les clients qui remboursent un prêt hypothécaire chez BNP Paribas Fortis ont pu conserver 600 millions d’euros en termes de pouvoir d’achat. Ce sont 600 millions d’euros qui n’ont pas été payés à la banque et qui ont donc soutenu le pouvoir d’achat des Belges.
La banque a donc absorbé la hausse des taux et pas les ménages : c’est parce que les prêts hypothécaires sont à taux fixes que le compte d’épargne rapporte moins ?
En tant que banque, vous gagnez beaucoup plus d’argent avec un portefeuille de crédits à taux variables qu’avec un portefeuille de crédits à taux fixes. C’est le cas pour les banques en Espagne où au Portugal où les prêts hypothécaires sont des prêts à taux variables. Les 600 millions d’euros qui ont été économisés par les ménages l’an dernier représentent une rémunération supplémentaire de 1 % sur les comptes d’épargne. J’ajoute que les clients qui épargnent ne sont pas nécessairement ceux qui empruntent. Ce ne sont pas les mêmes personnes. Ce sont plutôt les jeunes ménages qui remboursent un prêt hypothécaire alors que ceux qui sont en mesure d’épargner figurent parmi les tranches de la population plus âgées et plus aisées. Il y a donc un transfert de richesse potentiel entre ces deux groupes au sein de la population.
Les politiques veulent supprimer la prime de fidélité sur le compte d’épargne. Qu’en pensez-vous ?
Le fait que la majorité des prêts hypothécaires sont accordés à taux fixes fait que la Belgique a un modèle unique par rapport aux autres pays européens. Je pense qu’il faut tenir compte de cette spécificité et de cette stabilité quand on parle de supprimer la prime de fidélité. Everything is related one to another. Certaines banques ont un mix de funding qui est assez diversifié dans lequel l’épargne joue un certain rôle. Mais d’autres banques ont peut-être un funding dans lequel les dépôts d’épargne jouent un rôle plus important. Avoir moins de stabilité dans ce funding a plus d’impact que pour une banque qui dépend moins des dépôts des épargnants comme source de financement.
Lire aussi | Vers un livret d’épargne sans prime de fidélité?
Pourtant la Banque nationale n’y est pas opposée et dit que c’est une option à condition de prévoir une période transitoire ?
Le marché bancaire en Belgique est très fortement diversifié. C’est une richesse. Mais il faut faire attention au fait que certaines mesures peuvent avoir plus d’impact pour certains acteurs que pour l’ensemble du marché. J’ajoute que supprimer la prime de fidélité en période de baisse des taux ne serait pas avantageux pour les épargnants dans la mesure où c’est une garantie de taux pendant douze mois. La prime de fidélité offre la meilleure protection pour l’épargnant quand les taux sont à la baisse.
Est-ce que vous vous préparez déjà au moment où l’État remboursera les épargnants en septembre prochain et leur versera les intérêts liés au premier bon d’État à un an ?
Il y aura moins de monde en vacances dans la banque pendant le mois d’août, quand l’argent levé par l’État sera remboursé à ceux qui ont souscrit au bon à un an (sourire). Nous discutons déjà avec tous les clients qui ont acheté le bon d’État pour mieux comprendre pourquoi ils l’ont fait, cerner leurs besoins et leur faire une proposition commerciale. À quoi ressemblera précisément l’offre commerciale que nous pourrions leur faire, il est encore trop tôt pour le dire. Tout dépendra aussi de ce que fera l’Etat à ce moment-là, des décisions de la BCE et de l’évolution des taux. Mais il est clair que nous nous préparons.
Pour terminer, un mot sur l’intégration de bpost banque. Quels sont les premiers résultats ?
C’est un gros changement pour les clients et les collaborateurs de bpost banque. Ce fut très intensif durant les premières semaines. Mais la situation se normalise. La dynamique commerciale est en train de s’installer. Déjà aujourd’hui dans le réseau de la poste, nous avons vendu des crédits à la consommation, des assurances, etc. Nous avons même accueilli de nouveaux clients qui sont arrivés chez BNP Paribas Fortis via une agence postale.
Lire aussi| Préparez-vous à dire adieu à bpost banque
La migration en tant que telle s’est donc bien passée ?
Au total, trois millions de comptes ont été transférés et nous avons ouvert 560.000 nouveaux packs Easy Guide et Easy Go. Aujourd’hui, deux mois après la migration opérationnelle, nous comptons 2,7 millions de clients qui ont opté pour la formule Easy Guide et 1,3 million qui ont choisi pour la formule Easy Go, soit au total 4 millions de clients retail. La grande majorité des anciens clients de bpost banque ont choisi le pack Easy Go. Quelques centaines de milliers de clients BNP Paribas Fortis ont également choisi la formule Easy Go. Cela veut dire pour bpost qu’il y a plus de clients actifs à gérer dans les bureaux de poste, ce qui dans les premières semaines a engendré une pression importante dans certaines agences postales. There is more people that come to the branch, même si on voit clairement que les clients de bpost banque utilisent l’application mobile de BNP Paribas Fortis.
Lire aussi| BNP Paribas Fortis, banque à deux vitesses
Propos recueillis par Sébastien Buron
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici