Marek Hudon (Solvay) sur le rapport de Fairfin: “Il est impossible pour les banques de tout contrôler mais l’effort est nécessaire”

Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Le professeur de finance durable et d’éthique des affaires à Solvay commente le rapport de Fairfin qui épingle plusieurs grandes banques du Vieux Continent pour avoir accordé des dizaines de milliards de financement à des entreprises qui vendent des armes à Israël. 

Selon l’ONG flamande Fairfin et 11.11.11, une vingtaine de banques européennes telles que Deutsche Bank ou Santander, ainsi que La Banque européenne d’investissement (BEI), auraient accordé ces dernières années un total de 60 milliards d’euros de financement à six entreprises qui fournissent des armes à Israël : Boeing, General Dynamics, Leonardo, Lockheed Martin, RTX et Rolls-Royce. 

“Irresponsable”, juge Fairfin qui pointe notamment le cas de BNP Paribas, la maison mère de BNP Paribas Fortis, dont l’État belge est actionnaire, et qui arrive en tête de liste. Depuis 2021, le groupe bancaire français aurait accordé plus de cinq milliards d’euros de financement (prêts bancaires, émissions obligataires, etc.) à des entreprises fournissant des armes à l’Etat hébreu. 

En tant que professeur de finance durable et d’éthique des affaires à Solvay, que vous inspire ce nouveau rapport de Fairfin ?

La thématique abordée par le rapport n’est pas complètement nouvelle. La finance éthique s’est construite en réaction à des projets controversés d’un point de vue sociétal. Un des tournants a notamment été le financement d’activités en Afrique du Sud pendant la période de l’apartheid.

Mais encore…

C’est depuis cette époque de l’apartheid en Afrique du Sud que s’est développé un mouvement d’analyse des politiques d’investissement des institutions financières sur des thématiques liées au respect des droits humains. Et plus récemment, avec la montée en puissance de la finance durable, sur les questions environnementales, et en particulier climatiques.

Et maintenant donc aussi sur la question du conflit israélo-palestinien ? 

Effectivement, c’est dans ce cadre-là que prennent place les analyses de FairFin en collaboration avec la coupole d’ONG 11.11.11, qui n’est donc pas une plateforme financière. Ce qui indique clairement le caractère éminemment politique de la question soulevée par le rapport de Fairfin, outre celle des colonies en Palestine.

Derrière tout cela se pose aujourd’hui aussi la question très actuelle du financement de l’industrie de la défense à l’heure de la guerre en Ukraine ?

Oui, mais derrière cette question d’actualité, il y a des réalités et des finalités différentes. Entre le financement de moyens de protection pour la police locale et le financement d’entreprises de pays étrangers actives dans le secteur de l’armement qui interviennent dans des conflits internationaux, ce n’est pas la même chose.

Et donc ?

Il est bien évidemment impossible pour les banques de sortir complètement de tout, de tout contrôler. Mais l’effort de contrôle n’en est pas moins nécessaire. Certains secteurs sont intrinsèquement plus sensibles que d’autres et méritent une attention particulière. C’est pour cela qu’il faut être bien prudent et que les processus de licence d’armes sont indispensables.

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