Les sociétés de financement ont la cote pour les transferts dans le foot

Face au coût énorme des transferts de joueurs de football, des structures de financement plus flexibles que les banques traditionnelles ont fait leur apparition, capables de fournir rapidement les fonds nécessaires aux clubs.
C’est le cas de 23 Capital, société fondée en 2014 en Grande-Bretagne par Jason Traub et Stephen Duval, qui propose “des solutions de financement, exclusivement axées sur les secteurs du sport, de la musique et du divertissement”. Elle emploie une cinquantaine de personnes dans le monde et vient d’ouvrir des bureaux à Barcelone après New York et Los Angeles.
A son actif récemment, une contribution au financement des deux plus gros transferts du mercato estival 2019: celui de l’attaquant français et champion du monde Antoine Griezmann, de l’Atlético Madrid à Barcelone (120 millions d’euros) et celui de son successeur dans le club madrilène, la pépite portugaise Joao Felix, en provenance de Benfica (126 millions d’euros).
Depuis sa libéralisation dans le sillage de l’arrêt Bosman, en 1995, le marché des transferts est devenu gigantesque: les clubs des cinq grands championnats européens (Angleterre, Espagne, Italie, France et Allemagne) ont ainsi dépensé un montant record de 5,9 milliards d’euros durant l’été 2019, selon le cabinet Deloitte.
– Valeur immatérielle –
Mais si les chiffres donnent le vertige, une grande partie de la richesse de nombreux clubs réside dans “leurs joueurs, qui sont des actifs immatériels”, explique à l’AFP Jason Traub. “Dans le bilan financier d’un club de football, figure par exemple son stade, mais aussi tous ces actifs incorporels que représentent les joueurs”, poursuit le Britannique. “C’est donc une énorme quantité de capital immobilisé, des centaines et des centaines de millions d’euros.”
Or les établissements bancaires préfèrent les actifs tangibles aux actifs intangibles, plus difficiles à évaluer et à commercialiser. “Les banques, lorsqu’elles sont sollicitées par les clubs pour un prêt, ne prennent pas toujours en compte la valeur des joueurs. Cela signifie que les clubs sont poussés à rechercher d’autres fournisseurs financiers”, ajoute-t-il.
“Si vous entrez dans une banque et que demandez: +Écoutez, nous avons 800 millions de livres (949 millions d’euros) d’actifs incorporels, alors combien allez-vous nous prêter ?+ La discussion va tourner court. C’est là que nous entrons en jeu”, explique Traub.
Et c’est parfois l’ensemble du montant du transfert qu’il faut avancer, reconnaît le cofondateur de 23 Capital. “Naturellement, le club vendeur a besoin de l’argent tout de suite, afin de pouvoir acheter un autre joueur”, explique Traub. De son côté, “le club acheteur, pour d’autres raisons, veut étaler ses paiements”. Cependant, si elle fournit les fonds, la société n’est pas impliquée dans les subtilités des contrats des joueurs, précise-t-il.
– Far West –
L’essor de ces nouveaux modes de financement intervient alors que la Fifa a interdit en décembre 2014 la tierce propriété des joueurs (TPO, ou Third Party Ownership), qui permet à des investisseurs extérieurs d’acheter tout ou une partie des droits économiques d’un joueur, en d’autres termes d’aider un club à financer son acquisition, en contrepartie d’un pourcentage de l’indemnité de son futur transfert. Des sociétés comme Doyen Sport ou le fonds luxembourgeois Fair Play Capital s’étaient positionnées sur ce créneau.
Selon Traub, l’irruption d’acteurs comme 23 Capital a contribué à mettre fin au “Far West” du mercato, ce jeu de poker menteur où acheteurs et vendeurs se regardaient avec méfiance pour savoir qui dégainerait le premier. Une situation qui menait à des transactions tardives où le club vendeur n’avait souvent pas le temps de trouver un joueur de remplacement.
“Il fallait attendre qu’un premier club mette des liquidités dans le système. Ce gros montant payé par le gros club donnait alors au deuxième club assez de liquidités pour acheter. C’est ce que l’on nomme la théorie du ruissellement”, fait-il valoir.
La société de Traub aide ainsi les clubs à finaliser leurs transferts plus tôt.
Anticiper pendant l’été, mais attendre durant l’hiver. A quelques jours de la fin de mercato, programmée vendredi soir à minuit dans la plupart des grands championnats européens, Traub reconnaît que janvier est un marché très différent et moins prisé pour sa société.
Selon lui, “cette fenêtre constitue généralement pour les clubs une opportunité de bricoler”. “Traditionnellement, cela signifie que le club doit résoudre un problème: soit il doit se renforcer pour espérer se maintenir, soit il a besoin de remplacer un joueur blessé.”
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