Les banques restent avares en crédit

© Thinkstock

Les banques imposent des conditions plus sévères pour l’octroi d’un crédit professionnel. Ce sont surtout les garanties exigées qui constituent une pierre d’achoppement pour beaucoup d’entreprises. Tels sont, entre autres, les enseignements d’une enquête réalisée par “Trends-Tendances” en marge de l’élection du CFO of the Year 2014.

Les banques imposent des conditions plus sévères Plus de 800 chefs d’entreprise et directeurs financiers (CFO) ont pris part à l’enquête de Trends-Tendances sur les capacités financières et les sources de financement des entreprises belges. La moitié des entreprises participantes ont leur siège en Flandre, 20 % à Bruxelles et le reste en Wallonie. Les trois quarts emploient jusqu’à 100 personnes et la moitié ont un établissement à l’étranger. Une sur cinq réalise un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros.

Les bonnes nouvelles d’abord : 37 % des CEO et CFO ayant répondu à l’enquête estiment que leur position de trésorerie nette est positive et solide. Pour une majorité, elle est positive, mais les liquidités suffisent tout juste à la marche quotidienne de l’entreprise. Une marge de manoeuvre aussi faible est assez préoccupante. Tout comme le fait qu’une entreprise sur 10 fait face à une trésorerie négative.

Les entreprises qui disposent d’une trésorerie confortable entendent principalement consacrer cet argent aux investissements (72 %) ou le garder comme réserve tampon (47 %). Le remboursement des dettes (16 %) ou les placements (15 %) semblent moins attrayants.

La propension à investir est particulièrement notable en Flandre. Les trois quarts des entreprises flamandes planifient des investissements au cours des 12 mois à venir, contre les deux tiers des entreprises en Belgique francophone. Il s’agit autant d’investissements de renouvellement que d’expansion (46 % l’un et l’autre). Une entreprise sur cinq seulement (une sur quatre en Flandre) prévoit d’investir dans la recherche et développement. Parmi les entreprises ayant un établissement à l’étranger, cette proportion monte à une sur trois.

En ce qui concerne les entreprises sans projet d’investissement dans les 12 mois à venir, deux facteurs jouent un rôle négatif : les coûts salariaux élevés (35 %) et le climat économique incertain (27 %). Pour un quart des répondants, les bonnes opportunités d’investissement font défaut, tandis que 22 % n’ont pas assez de capital ou de financement à leur disposition.

Pour financer leurs opérations et investissements, 72% des entreprises ont déjà utilisé leur propre flux de trésorerie (autofinancement), mais elles sont aussi 64 % à avoir recouru à l’emprunt bancaire. Le leasing mobilier et le leasing immobilier sont également des solutions populaires, puisque 43 % des entreprises y ont déjà appel. On voit donc que le leasing s’est imposé comme une forme de financement alternatif intéressante, un constat qui s’applique également mais dans une moindre mesure aux autres solutions de location.Les autres formes de financement, comme le factoring, la Bourse ou l’émission d’obligations, sont nettement moins fréquentes. Moins de 10 % des répondants déclarent s’en servir. Le phénomène du crowdfunding reste totalement marginal : 3 % des entreprises seulement en ont fait l’expérience.

La plupart des entreprises, et surtout les grandes qui possèdent un établissement à l’étranger, confirment que le financement bancaire reste la source de financement par endettement la plus intéressante. Les petites entreprises, de leur côté, affirment qu’elles s’efforcent de mettre fin à ce financement bancaire.

Taux d’intérêt et garanties exigées Il est à noter que près de la moitié des entreprises (45 %) se plaint de ce que l’obtention d’un crédit professionnel auprès des banques est devenue plus difficile au cours des trois dernières années. Mais elles sont aussi 35 % à n’avoir rien remarqué. Le problème n’est pas tant l’enchérissement du crédit bancaire (13 % seulement s’en préoccupent) que le durcissement des conditions imposées par la banque, comme l’affirment 80 % des répondants. Près de la moitié estime que la procédure d’octroi dure plus longtemps et un tiers d’entre eux trouve qu’il y a beaucoup plus de discussions qu’auparavant.

Ces discussions concernent surtout les garanties exigées par les banques pour l’octroi d’un crédit. C’est la principale pierre d’achoppement pour pas moins de 54 % des répondants. Du côté francophone, ce chiffre monte même à 65 %. Le taux d’intérêt pratiqué est également une source importante de discussion. Près d’une entreprise sur trois constate que les négociations de crédit bancaire trébuchent sur ce point. Les termes du contrat et le manque de flexibilité pour le remboursement sont également des sujets d’irritation pour bon nombre d’entreprises.

Il reste néanmoins que 8 % seulement des entreprises interrogées se sont vu refuser un crédit bancaire au cours des 12 derniers mois. La moitié des entreprises concernées estiment que la faute en incombe à la banque, qui a fait une évaluation trop sévère à leurs yeux. Un quart n’a pu présenter de garanties suffisantes et elles sont 20 % à admettre que leur dossier était mauvais.

Un cinquième environ des entreprises, et encore une fois les plus grandes surtout, recourent à un financement alternatif. Pour beaucoup d’entreprises, ces alternatives (émission d’obligations par exemple) ne sont pas vraiment à leur portée ou sont trop chères. On notera cependant que 28 % affirment rechercher des alternatives au financement bancaire, sans en faire usage pour le moment. Cela pourrait signaler une future montée en puissance des sources de financement alternatif.

Prudence des banques Quant à savoir s’il existe une pénurie de crédit sur le marché belge, les avis sont partagés. Un peu plus de la moitié des entreprises le pense, mais avec une conviction toute relative. Une écrasante majorité (90 %) estime toutefois que les banques répercutent de manière insuffisante les faibles taux directeurs (des banques centrales). Cela signifierait que les banques ont mis à profit les baisses successives de ces taux pour augmenter leurs marges.

La Banque nationale de Belgique en avait déjà fait le constat. Dans son dernier rapport annuel, la BNB note que “les banques belges ont globalement maintenu élevées leurs marges commerciales sur les nouveaux crédits”, aux environs de 2,5 à 3 %.

Bien des entreprises s’accordent à dire que le nouveau cadre réglementaire des banques est trop strict et freine l’économie. Le renforcement des exigences en matière de fonds propres et de gestion du risque incite les banques à appuyer sur le frein. Et leur extrême prudence est illustrée par le fait qu’il n’est pas question d’un assouplissement des contrats de crédit.

Solidité des entreprises L’enquête donne un aperçu de la solidité financière des entreprises belges et la situation est plutôt positive. Seulement 29 % des entreprises interrogées ont moins de 25 % de fonds propres (en proportion du total du bilan). Plus de 30 % ont plus de 50 % de fonds propres (et gardent donc probablement trop de capital). Le reste se situe entre les deux.

Plus de 70 % des entreprises sont certaines que leurs fonds propres sont suffisants pour faire face à d’éventuelles difficultés. Elles prévoient donc presque toutes de les maintenir à un niveau élevé. Les entreprises dont la solvabilité est trop faible n’ont pas d’autre choix que d’augmenter le capital, mais 13 % se plaignent de n’avoir pas accès à des capitaux frais.

La grande majorité des entreprises considère qu’il existe surtout une pénurie de capital de départ et de capital-risque. Il vaut mieux, dès lors, que les entreprises conservent le plus possible de fonds propres. Concernant l’impact d’une éventuelle suppression de la déduction des intérêts notionnels, il n’y a pas d’unanimité. Pour la moitié des répondants, cela pourrait motiver une réduction des capitaux propres, mais l’autre moitié ne partage pas cet avis.

Patrick Claerhout

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content