Les ambitions belges de la Banque de Luxembourg

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Deux ans après l’ouverture de sa première implantation en Belgique, l’enseigne grand-ducale compte déjà près de deux milliards de capitaux sous gestion. Zoom sur un acteur qui s’affirme.

Chaussée de La Hulpe, numéro 120, à Bruxelles. C’est là, au 6e étage d’un immeuble ultra-moderne situé en face de l’hippodrome de Boitsfort, que la Banque de Luxembourg a élu domicile voici un an et demi. A l’intérieur, le décor et l’ambiance sont à l’image de la banque : sobre et moderne. Il y a bien quelques oeuvres d’art, censées symboliser l’excellence et la pérennité du patrimoine. Mais on est loin du décorum de la maison de maître que tant de banquiers huppés affectionnent. Les lieux sont d’abord fonctionnels. La route vers Arlon (E411) est d’ailleurs à un jet de pierre. Pas la première Avec des origines qui remontent à 1920, la maison peut se targuer d’être l’une des plus anciennes banques privées de la place grand-ducale. Spécialisée dans la gestion de patrimoine et la gestion de fonds d’investissement (au travers de BLI : Banque de Luxembourg Investments), elle n’est pourtant pas la première enseigne de ce genre à avoir inauguré des locaux en Belgique. Avant elle, d’autres acteurs étrangers de la banque haut de gamme ont franchi le pas pour s’installer chez nous. Rothschild, UBS, Lazard, Crédit Agricole : ils sont aujourd’hui nombreux à avoir pignon sur rue dans la capitale (et pour certains même en province) afin d’y courtiser les particuliers fortunés.

Conséquence de ce mouvement entamé dans le sillage de l’amnistie fiscale de 2004 ? A côté des acteurs belgo-belges (les Petercam et autre Degroof), on dénombre actuellement une bonne dizaine de maisons étrangères disposant d’une implantation en Belgique. Si bien que le marché apparaît comme fort encombré. Certes, ce dernier présente un beau potentiel. Mais la compétition est rude. Y séduire les millionnaires en euro n’est pas facile.

Ancrage régional Ce qui distingue d’abord la Banque de Luxembourg de ces nombreuses rivales ? Primo : sa forte identité grand-ducale, contrairement à d’autres filiales de banques privées étrangères, françaises ou autres. “La plupart des employés de la banque à Luxembourg sont luxembourgeois”, lance Philippe Depoorter, secrétaire général. Autre signe qui ne trompe pas. Fin 2010, c’est à Arlon, au fin fond de la Province du Luxembourg, et non à Bruxelles, qu’elle a décidé d’ouvrir une première antenne en Belgique. Motif ? “La région présente de jolis patrimoines qui valent la peine qu’on s’y intéresse, justifie Philippe Depoorter, secrétaire général. Elle a connu une évolution économique importante au cours des trois dernières décennies. De nouveaux besoins en matière de gestion de patrimoine y ont vu le jour, notamment pour des entrepreneurs et des cadres frontaliers qui connaissent pour certains très bien notre banque.” Bruxelles après Arlon D’un autre côté, la maison anticipe depuis longtemps la fin du secret bancaire. Elle encourage depuis plusieurs années ses clients belges (familles, entrepreneurs, etc.) à régulariser leur situation fiscale. Bien sûr, elle les accompagne dans cet exercice. Mais qui dit régularisation dit aussi bien souvent rapatriement des avoirs en Belgique. “C’est quelque chose dont nous nous sommes rendu compte à l’occasion de la première DLU, observe Luc Rodesch, membre du comité de direction. Souhaitant se mettre en ordre vis-à-vis du fisc belge, certains clients préféraient à ce moment-là avoir un banquier privé près d’eux. Ne disposant pas à l’époque d’implantation en Belgique, nous nous sommes alors retrouvés face à des clients obligés de nous quitter à contrecoeur. C’est de cette demande qu’est venue l’idée de les suivre en ouvrant un bureau à Arlon et ensuite à Bruxelles.”

Une proximité d’autant plus utile que “la clientèle belge est la plus importante”, complète Luc Rodesch, qui l’évalue à un tiers des actifs sous gestion de la banque. Soit environ 7 milliards d’euros, sur un portefeuille total d’une vingtaine de milliards.

Gestion en “bon père de famille” Outre sa forte identité régionale, l’autre particularité de la maison, c’est son appartenance à la puissante galaxie du Crédit Mutuel-CIC. Groupe mutualiste non coté en Bourse, ce dernier est un acteur majeur de la banque de détail en France. Avec quelque 30 milliards d’euros, “c’est un des groupes bancaires les mieux capitalisés d’Europe”, situe Luc Rodesch. “Il n’a pas été touché par la crise financière. Sa structure bilantaire est très saine. Plutôt que de payer des dividendes, il capitalise les bénéfices année après année. Au travers de sa maison mère, la Banque de Luxembourg est par ailleurs une banque qui appartient à ses clients. Ses métiers sont très classiques : la banque privée et les fonds d’investissement. Nous ne faisons pas du trading pour compte propre. Nous ne faisons pas de crédit aux entreprises, hormis à celles établies au Luxembourg.”

En fait de solidité et de stabilité, la maison met également en avant sa gamme de fonds d’investissement, relativement limitée mais aux performances de métronome. Il faut savoir en effet que la Banque de Luxembourg a été élue meilleur gestionnaire cinq années de suite par nos confrères de L’Echo et du Tijd. Il faut y voir le résultat d’une gestion prudente supervisée par le réputé Guy Wagner, explique Luc Rodesch. “Nous ne sommes pas nécessairement les meilleurs en période d’euphorie boursière. En cas de correction par contre, nous faisons généralement mieux que nos confrères. Notre gestion est relativement simple avec des classes d’actifs tout à fait traditionnelles. Nous ne nous sommes jamais aventurés dans des produits complexes ou dans des effets de mode. Nous privilégions le bon sens.” En clair : les fonds patrimoniaux, plutôt que les lignes individuelles de titres.

Petite cousine Et l’argent frais dans tout cela ? Deux ans après avoir franchi la frontière, le montant des avoirs gérés par la banque en Belgique s’élève actuellement à près de deux milliards d’euros. Combien provient de clients existants ayant rapatrié leurs avoirs en Belgique et combien provient de nouveaux clients ? “C’est pour bonne partie de l’argent frais”, se borne à indiquer Luc Rodesch. “Encore une fois, le petit Luxembourg belge est une bonne surprise”, insiste pour sa part Philippe Depoorter avant d’ajouter que “nous ne venons pas en Belgique pour simplement accrocher une enseigne.” “Nous avons la conviction que notre offre peut intéresser de nouveaux clients. Notre objectif est clairement de faire en sorte à l’avenir que tout Belge qui a des capitaux à placer, et qui cherche une banque spécialisée pour ce faire, pense à la Banque de Luxembourg dans la liste des quatre ou cinq noms qui lui viennent spontanément à l’esprit. Nous voulons être dans le top of mind des Belges qui ont de l’argent à placer.”

Et le fait que parmi les nombreuses filiales du CIC figure la Banque Transatlantique, également active chez nous dans la gestion de patrimoine, n’est-ce pas gênant pour grandir ? “Non, il y a de la place pour tout le monde, affirme Philippe Depoorter en guise de conclusion. “La Banque Transatlantique a ses racines en France, nous, c’est au Luxembourg. Voilà déjà une différence fondamentale. La politique multimarque du groupe Crédit Mutuel-CIC est intéressante et a montré qu’elle génère de l’activité.”

SÉBASTIEN BURON <

La Banque de Luxembourg, en chiffres, c’est :1 filiale à 100 % du Crédit-Mutuel-CIC, groupe mutualiste français

65 milliards d’euros de capitaux gérés (dont 20 pour le compte de clients privés)

7 milliards de capitaux sous gestion détenus par des Belges

2 milliards d’euros gérés par la banque en Belgique

2 centres de banque privée en Belgique (Arlon et Bruxelles)

14 collaborateurs en Belgique

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