La réduction du précompte mobilier qui s’applique aux bons d’État sera-t-elle l’objet d’une plainte à la cour constitutionnelle?

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine
Patrick Claerhout Patrick Claerhout is redacteur bij Trends.

Même si elles le voulaient, les banques n’ont pas vraiment tous les atouts en main pour porter devant la Cour constitutionnelle la concurrence déloyale que leur font les bons d’État. C’est en résumé le message de l’avocat fiscaliste Anton van Zantbeek (Rivus).

L’inégalité de traitement fiscal du bon d’État continue d’alimenter le débat. Pour rappel, Vincent Van Peteghem (cd&v), ministre des Finances, a exceptionnellement réduit l’impôt (le précompte mobilier qui s’applique aux bons d’État) à 15 % au lieu de 30% pour le nouveau bon d’État d’un an, lancé jeudi. Une manière de la part du politique de faire pression sur les banques afin de les obliger à proposer des taux d’intérêt plus élevés sur les comptes d’épargne. Le CEO de la KBC, Johan Thijs, avait été le premier à dénoncer la chose lors de la publication des résultats semestriels. Des sources anonymes affirment maintenant que la fédération bancaire Febelfin a l’intention de saisir la Cour constitutionnelle pour savoir si le principe d’égalité a été violé.

Karel Baert, administrateur délégué de Febelfin, nie que la fédération soit sur le point d’entamer une procédure judiciaire. D’ailleurs, il reste à savoir si Febelfin a des arguments à faire valoir pour cela. Il confirme cependant que des experts juridiques examinent la différence de traitement fiscal entre le bon d’État et des produits similaires, tels que les bons de caisse et les dépôts à terme.

Différents produits financiers

“Un compte à terme est un produit financier différent d’un bon d’État. La Cour constitutionnelle est très réticente à annuler des lois fiscales. Je le sais parce que j’ai déjà été amené à saisir la Cour constitutionnelle pour plusieurs affaires. Par conséquent, je doute fort que les banques puissent faire annuler l’avantage fiscal. Même si certains collègues avocats pensent le contraire et que la jurisprudence peut parfois être capricieuse”, déclare Anton van Zantbeek, qui écrit régulièrement sur l’épargne et les investissements pour Trends. “Les revenus des comptes d’épargne réglementés sont même totalement exonérés d’impôts jusqu’à 980 euros. Il s’agit là aussi d’un produit différent d’un compte à terme ou d’un bon d’État. »

Anton van Zantbeek pense donc que les banques ne pourront pas s’expliquer devant la Cour constitutionnelle. “Je pense que les investisseurs en bons d’État espagnols ou italiens, par exemple, auraient en théorie de bonnes chances de contester cette différence de traitement fiscal. Ils pourraient alors bénéficier d’un taux d’imposition réduit. Mais cela ne signifierait pas pour autant que les épargnants belges seraient spoliés ou devraient payer quelque chose en retour. »

Vers l’avenir

Le principe de la libre circulation des capitaux s’applique en Europe. Tout ce qui entrave cette libre circulation peut être poursuivi devant la Cour européenne. “Notre Cour constitutionnelle va alors confronter nos lois à ces libertés européennes et, en cas de doute, poser une question préliminaire à la Cour européenne”, explique Anton van Zantbeek. “La Cour constitutionnelle a déjà annulé un certain nombre de lois ces dernières années, comme la première version de la taxe sur les comptes-titres, mais jamais avec effet rétroactif. Dans chaque cas, il s’agit de l’avenir”.

Anton van Zantbeek ajoute qu’une procédure devant la Cour constitutionnelle dure facilement deux ans. Or cette réduction d’impôt est «un avantage temporaire accordé pour la période de septembre à décembre. Avant qu’une décision de justice ne soit rendue, cet avantage n’existera plus”, ajoute l’avocat.

Histoire de mettre les points sur les i. Pour l’instant, il ne s’agit pas d’un projet de loi fiscale, mais d’un avant-projet de loi qui a été approuvé par le Conseil des ministres et qui est soumis à l’avis du Conseil d’État. Même un avis négatif du Conseil d’État n’empêchera pas le gouvernement d’aller de l’avant concernant la réduction du précompte mobilier pour les bons d’État. Plusieurs projets de loi ont été présentés dans le passé, contre l’avis du Conseil d’État. Compte tenu de l’attention médiatique, ce serait un suicide politique pour le ministre des Finances, et par extension pour l’ensemble du conseil des ministres, de revenir sur cette réduction du précompte mobilier, passé à 15 % au lieu de 30 %.

Karel Baert de Febelfin conclut néanmoins : “Nous vérifierons si tous les principes juridiques ont été respectés. En effet, nous recevons aussi des questions de clients qui estiment ne pas être traités sur un pied d’égalité en tant qu’investisseurs. Mais entre cela et une action en justice, il y a tout un processus, comme la consultation de tous les acteurs du secteur. Vous n’entendrez pas le mot “Cour constitutionnelle” sortir de ma bouche. C’est tout à fait prématuré et incertain à ce stade. »

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