Deutsche Bank dans l’œil du cyclone

Deutsche Bank © Belgaimage
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Rattrapée par la crise, la première banque allemande a affolé à son tour la planète finance.

Preuve que l’onde de choc de la faillite de la Silicon Valley Bank s’est rapidement propagée à l’Europe, la première banque d’Allemagne, Deutsche Bank, a vu son cours de Bourse dégringoler de plus de 8% vendredi dernier, soit quelques jours seulement après l’annonce du sauvetage de Credit Suisse. Le titre a même plongé jusqu’à 15% en séance avant de redresser la tête.

Dans un contexte marqué par une grande nervosité des investisseurs à l’égard du secteur bancaire, “la dégringolade n’apparaît pourtant pas comme justifiée”, aux yeux d’Eric Dor, le directeur des études économiques à l’IESEG School of Management de Lille. En difficulté depuis plusieurs années, le géant bancaire allemand a en effet réussi à redresser la barre au prix d’importantes restructurations. L’an dernier, il a dégagé un bénéfice net de plus de 5 milliards d’euros, soit sa meilleure performance depuis 15 ans. Une performance qui lui vaut de ne plus être considéré comme le maillon faible du système bancaire en Europe.

Mais pourquoi le prix des CDS (pour Credit Default Swaps) qui permettent de s’assurer contre le risque de défaut d’une banque s’est-il alors envolé? “Parce qu’il s’agit d’un marché très peu liquide pouvant être déstabilisé par quelques gros ordres”, indique Eric Dor. La banque allemande a-t-elle commis une erreur en annonçant le remboursement anticipé d’une obligation hybride (appelée Additionnal Tier 2)? “Certains investisseurs ont interprété ce rachat d’un instrument de capital, qui normalement est un signe de force, comme une posture artificielle pour dissimuler une faiblesse, alors que ce n’est pas le cas”, répond Eric Dor.

Nervosité

L’économiste souligne par ailleurs que Deutsche Bank est dans une situation bien différente de celle de Credit Suisse en matière de risques obligataires et de stabilité des dépôts. Selon lui, il n’y a aucune raison objective de s’attaquer au groupe bancaire allemand. “Deutsche Bank n’est pas spécialement devenu plus risqué à cause de la hausse des taux. Toutes les banques, européennes et américaines, petites et grandes, détiennent aujourd’hui des portefeuilles obligataires qui se déprécient fortement et mécaniquement sous l’effet de la hausse des taux. Mais il s’agit de pertes latentes qui ne se réalisent que lorsque les titres doivent être vendus avant leur échéance.”

En réalité, le principal risque aujourd’hui pour le système bancaire, c’est que cette nervosité des marchés s’amplifie et provoque une fuite des dépôts des clients qui, elle, mettrait non seulement Deutsche Bank mais aussi d’autres institutions en danger. N’oublions pas que ce qui a provoqué la chute de trois banques aux Etats-Unis et celle de Credit Suisse, c’est d’abord la peur de la contagion et les retraits massifs des clients.

En effet, une banque ne repose pas sur l’argent de ses déposants mais sur la certitude qu’ils ne réclameront pas tous leur argent en même temps. Même la surveillance la plus stricte et les coussins de fonds propres les plus élevés ne peuvent résister à une perte de confiance.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content