Cinq minutes pour comprendre: comment faire sauter la banque?

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Notre nouvelle chronique hebdomadaire: comprendre l’économie en s’amusant avec Pierre-Henri Thomas. Première fiche: voici comment fonctionne une banque (et pourquoi cela est si fragile).

Pour cette première fiche pratique, nous n’allons pas y aller de main morte. Nous allons voir comment mettre rapidement une banque en faillite. L’histoire récente va nous aider dans notre entreprise. Suivez le guide.

Pour mettre une banque en faillite, prenez une feuille de papier et tracez un grand trait vertical la séparant en deux.

A gauche vous indiquez : “actifs”; à droite : “passifs”. Une banque possède en effet des  actifs qui lui rapportent de l’argent et des passifs (on dit aussi des engagements) qui lui en coûtent. Ainsi, une banque classique a pour métier de récolter des dépôts, qu’elle doit rémunérer. C’est un engagement. Mais de l’autre côté, elle fait des prêts à la clientèle, ce qui lui rapporte des intérêts. Ces prêts sont des actifs.  L’idée est évidemment que la rémunération de ses actifs,  soit supérieure aux coûts de ses passifs.

Foi de banquier, la rémunération de votre livret d’épargne sera toujours inférieure au taux de votre crédit conso !

Le maître des horloges

Dans les banques, trois grands types d’opérations créent des actifs et des passifs. Il y a des opérations entre banques. Les banques qui ont trop d’argent en prêtent à celles qui n’en n’ont pas assez. Il y a des opérations avec les clients. Une banque récolte des dépôts et octroie des crédits. Et puis il y a des opérations sur titres : une banque peut émettre des titres pour se financer. C’est un passif. Et à l’inverse, elle peut acheter des titres. Ce sont des actifs.

Actifs et passifs sont les deux jambes qui font marcher les banques. Et pour coordonner la marche, les banques ont une personne spéciale, l’asset-liability manager.

C’est lui le maître des horloges. Formule d’autant plus appropriée que nous allons faire intervenir un paramètre déterminant : le temps. En effet, si vous achetez une maison en vous endettant sur 20 ans, vous devez naturellement vous assurer d’avoir sur ces deux décennies assez de revenus pour rembourser votre prêt. De même, une banque qui achète une obligation sur 10 ans et désire la garder jusqu’à la fin doit s’assurer d’avoir assez d’argent tout au long de ces 10 ans pour financer cet achat. L’asset-liability manager doit donc regarder non seulement le montant des actifs et des passifs, mais aussi la durée de chacun d’eux, pour être sûr qu’à tout instant, les actifs soient bien financés par les passifs.

Ça a l’air simple, cela ne l’est pas.  Si vous achetez des obligations sur 10 ans avec les dépôts des clients et du crédit bancaire à court terme, il faut être sûr que vos dépôts ne vont pas fuir le lendemain et qu’il y aura toujours une banque en surplus de liquidités qui va continuer à vous prêter de l’argent. Et si vous n’en êtes pas sûr, vous devez alors, pour assurer votre financement, émettre une obligation à dix ans ou contracter un prêt à dix ans.

Croc-en-jambe

Vous voyez désormais où nous voulons en venir. Pour faire tomber une banque, vous pouvez taper du côté de l’actif, en faisant en sorte que cet actif devienne pourri. C’est ce qui s’est passé en 2008, quand soudain, des banques se sont retrouvées avec des titres adossés aux crédits subprime.

Ou bien, comme cela s’est passé avec la Silicon Valley Bank (SVB), vous pouvez taper du côté du passif. Vous allez acheter des obligations sur 5, 10 ou 15 ans avec les dépôts de vos clients en ne voulant pas savoir que ces dépôts sont par nature plus volatils. Les déposants de SVB étaient des entreprises qui ont eu besoin de leur argent pour faire redémarrer leur entreprise après la crise du covid. Privée de financement, SVB a dû revendre les obligations qu’elle avait achetées, et elle a encaissé des pertes colossales.

Pour ceux qui s’en rappelle, l’histoire de Dexia est d’ailleurs similaire. Le groupe franco-belge  avait fait des prêts sur 10, 20, 30 ans à des communes ou des pouvoirs publics. Mais il avait financé une grande partie de ces actifs en allant sur le marché interbancaire à court terme. Dexia devait sans cesse renouveler ces crédits. Quand la crise des subprimes est arrivée, les banques n’ont plus voulu lui prêter. Et Dexia s’est retrouvé par terre.

Dernier détail. Pour faire tomber une banque, une pichenette suffit parfois : la psychologie des foules fait le reste. Si une banque a un problème et que celui-ci devient public, les déposants prennent peur (c’est le « bank run ») et les autres banques refusent de lui prêter. Il ne lui reste plus, alors, qu’à se faire racheter ou à mettre la clé sous la porte.

Avis aux autorités : il s’agit d’une fiction explicative, qui n’engage aucunement la rédaction de Trends Tendances. Nous n’avons rien à voir, ni avec la faillite de Dexia, ni celle de SVB. Ni celle de Credit Suisse…

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