Aujourd’hui, les “bank runs” se répandent plus vite… la faute aux réseaux sociaux

© belga

Des messages inquiétants sur Twitter, des discussions angoissantes sur WhatsApp, et dans une moindre mesure la généralisation de la banque en ligne, ont participé à l’effondrement précipité de Silicon Valley Bank (SVB) et Signature Bank.

Les deux établissements ont été victimes de retraits massifs de la part de leurs clients, un phénomène de panique bancaire existant depuis longtemps et qui s’est souvent illustré par de longues files d’attente devant des agences. Cette fois-ci, tout semble s’être joué en accéléré. La prise de contrôle de SVB par les autorités vendredi est intervenue moins de 48 heures après l’annonce par la banque d’une première mauvaise nouvelle. Elle a été suivie deux jours plus tard par la fermeture forcée de Signature Bank.

Entre les deux, des entrepreneurs reconnus sonnaient l’alarme ou prodiguaient des conseils sur Twitter, à l’instar de l’investisseur Bill Ackman avertissant sur le réseau social samedi: “Si la FDIC (un régulateur bancaire, ndlr) ne garantit pas l’ensemble des dépôts, d’autres paniques bancaires démarreront lundi matin”. “VOUS DEVRIEZ ETRE ABSOLUMENT TERRIFIES”, a aussi tweeté le même jour un investisseur spécialisé dans la tech, Jason Calacanis.

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Des créateurs de start-up s’échangeaient les dernières rumeurs sur des groupes WhatsApp.

Sueurs froides

“Le mélange de technologies et de rumeurs qui se propagent rapidement a alimenté une crise d’une rapidité sans précédent”, estime Jonathan Welburn, chercheur au centre de réflexion Rand. Certes il était déjà possible de faire des retraits et des transferts en ligne lors de la précédente crise financière de 2008, reconnaît-il. “Mais l’adoption de ces technologies s’est depuis encore étendue”, dit-il à l’AFP.

Hilary Allen, spécialiste des nouvelles technologies financières à l’American University à Washington, est plus dubitative sur ce point. La capacité des clients d’une banque à retirer rapidement de petites sommes d’argent existe depuis longtemps, estime-t-elle. Et “il existe encore des difficultés à retirer de larges sommes”, avance-t-elle en mentionnant les apparents soucis rencontrés par certains clients de SVB jeudi à se connecter à leur compte en ligne ou à effectuer des transferts instantanés.

En revanche, l’impact des réseaux sociaux fait l’unanimité.

Le président républicain d’une commission parlementaire sur les services financiers, Patrick McHenry, a évoqué dès dimanche “la première panique bancaire alimentée par Twitter”, avant d’appeler à regarder “les faits et non les spéculations”.

Certains messages ont suscité des sueurs froides avant de se révéler trompeurs, comme ceux de l’investisseur Mike Alfred sur les apparentes difficultés opérationnelles de First Republic Bank publiés samedi sans preuve, et effacés par la suite.

Coupe-circuits?

Les marchés ont profité de l’utilisation grandissante des plateformes en ligne avec les “meme stocks”, des actions comme Game Stop ou AMC qui se sont envolées après des discussions sur le forum Reddit, remarque Hilary Allen. “Le revers de la médaille est que les réseaux sociaux peuvent également exacerber la perte de confiance et la panique”, dit-elle. Dans le cas de SVB, le mouvement a été amplifié selon la professeure par le profil particulier de nombreux clients: des entrepreneurs technophiles et très interconnectés.

Le sort de SVB, la deuxième plus grosse faillite bancaire aux Etats-Unis, s’est en tout cas dénoué en à peine deux jours quand la plus grosse, celle de Washington Mutual en 2008, s’est déroulée en huit mois, entre l’annonce d’une perte inhabituelle en janvier et sa défaillance fin septembre, rappelle Jonathan Welburn. “Même la faillite rapide de Lehman Brothers en 2008 a donné aux régulateurs quelques jours pour comprendre ce qu’il fallait faire”, écrit-il dans une note. “En 2008, Twitter et les iPhone étaient des produits naissants; il n’y avait pas de groupes WhatsApp, ni de fils de discussion Slack”, rappelle-t-il.

A l’ère des réseaux sociaux, les messages viraux et autres retweets “pourraient priver les régulateurs d’un temps essentiel”. Ces derniers vont probablement devoir inventer une “nouvelle façon de communiquer en ligne” lorsque de tels événements se produisent, avance Hilary Allen.

Il pourrait aussi être intéressant de créer des “coupe-circuits” qui suspendent les transactions en cas d’événement imprévisible, comme une cyber-attaque, un événement climatique ou une panique bancaire, remarque la professeure. Mais développer ce type de mécanisme est “très, très politique”, dit-elle. “Les régulateurs doivent commencer à penser à quoi il pourrait ressembler et dans quelles circonstances ils seraient prêts à le déployer.” 

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