Pierre-Henri Thomas

Les quatre leçons de la faillite de Silicon Valley Bank

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Aujourd’hui, on crie donc de toutes parts: d’un côté, les banques ont engrangé de jolis bénéfices. De l’autre, le monde financier est ébranlé par la chute de plusieurs enseignes américaines.

Des banques concernées, deux (Silvergate et Signature Bank) doivent leur chute à leur lien avec le monde des cryptos. Pour la troisième, Silicon Valley Bank (SVB), c’est une autre histoire. Cet établissement finançait les start-up de Californie et d’ailleurs. Elle avait un bilan d’un peu plus de 200 milliards de dollars, dont 175 milliards de dépôts d’entreprises qui, profitant jusqu’il y a peu des taux zéro, avaient fait le plein de financement.

Mais la mécanique s’est grippée avec la hausse très rapide des taux d’intérêt depuis l’été dernier, qui a obligé SVB à rémunérer davantage ses clients. Pour ce faire, la banque a acheté un paquet d’obligations à plus long terme, plus rémunératrices mais aussi plus sensibles au mouvement des taux. La poursuite de la hausse de ces derniers a fini par l’écarteler: son portefeuille obligataire a commencé à perdre une valeur considérable. Et la clientèle, inquiète, a fini par retirer son argent. Pour rembourser les déposants, SVB a dû vendre ses obligations à perte et cette crise de liquidités est devenue une crise de solvabilité.

Si les banques centrales avaient pensé qu’un relèvement brutal des taux serait sans impact majeur, elles se sont trompées.

La première leçon à tirer de tout ceci est que si les banques centrales avaient pensé qu’un relèvement brutal des taux serait sans impact majeur sur une économie habituée depuis des décennies à des taux zéro, elles se sont trompées. Pour les institutions qui détiennent de grands portefeuilles obligataires, pour les activités (comme l’immobilier) sensibles aux taux, pour les entreprises, les ménages et les Etats très endettés, ce changement de cap est périlleux. Les banques centrales devraient être bien plus prudentes désormais.

Deuxième leçon: le régulateur américain a certes agi très rapidement, mais l’effet de contagion s’est quand même fait sentir. Pendant quelques heures, les autorités américaines ont en effet laissé entendre que les déposants ne seraient pas remboursés au-delà de la garantie légale de 250.000 dollars. Elles ont fait marche arrière ensuite, mais cette hésitation a poussé beaucoup de déposants à quitter les petites banques pour aller se réfugier auprès de mastodontes too big to fail.

Ces retraits ont donc fragilisé d’autres établissements aux Etats-Unis. Nous ne sommes toutefois pas comme au lendemain de la chute de Lehman Brothers. Le modèle bancaire européen, avec des banques mieux capitalisées qu’avant, avec des bilans encore constitués de prêts à la clientèle et avec peu d’interconnexions avec les banques américaines touchées (sinon par certains fonds de placement qui détenaient une petite partie de titres de SVB ou Signature) ne devrait pas être ébranlé. Ce serait autre chose si de grandes banques commençaient à vaciller.

La troisième leçon est un rappel, par l’absurde, de l’utilité des banques: la chute de SVB menace tout l’écosystème des start-up. Enfin, la quatrième leçon, c’est qu’au final, on a toujours besoin de l’Etat comme prêteur en dernier recours. Mais pour qu’à l’avenir, le contribuable n’ait pas l’impression d’être le dindon de la farce, mobilisé pour socialiser les pertes mais exclu des bénéfices, il faudra sans doute que les banques cotisent davantage encore pour renforcer les fonds de garantie censés protéger les déposants.

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content