Alain Moreau (MeDirect) : “Il vaut mieux être actionnaire d’une grande banque et client d’une petite banque”

Alain Moreau © DR
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

CEO de MeDirect, Alain Moreau commente les résultats historiques de la banque en ligne qui a dégagé l’an dernier un bénéfice de près de 8 millions d’euros. Il revient bien évidemment aussi, en tant que challenger, sur la question de la rémunération du livret.

Spécialisée dans les solutions d’épargne, MeDirect a dévoilé de très, très bons résultats pour 2023. L’an dernier, la banque en ligne et ses taux attractifs ont séduit 26 % de clients en plus. Il sont désormais plus de 100.000 à lui faire confiance, contre 79.000 fin 2022. Les dépôts d’épargne ont bondi de près de 50 % pour franchir la barre des deux milliards d’euros, alors que les autres banques belges ont enregistré une baisse de plus de 10 % en moyenne. Quant au volume de prêts hypothécaires, il s’est également envolé de plus de 20 % pour franchir également la barre des deux milliards d’euros (Pays-Bas et Belgique). Bref, 2023 est devenue pour MeDirect la meilleure année depuis sa création en Belgique, “tant sur le plan commercial que sur le plan financier”, souligne le CEO Alain Moreau.

Précisément, à combien s’élève votre résultat net pour l’année écoulée ?

Sur le plan financier aussi, 2023 a été une année fructueuse. Après une période difficile liée à la crise sanitaire, nous sommes revenus en positif, très largement d’ailleurs. L’an dernier, nous avons enregistré un bénéfice de 7,8 millions d’euros, contre une perte de 5,6 millions en 2022. C’est deux fois plus que le précédent record. C’est même le meilleur résultat de toute l’histoire de MeDirect depuis son arrivée il y a dix ans sur le marché belge. Donc, c’est vraiment une très, très belle année.

Alors que les revenus ont progressé de 44 %, grâce notamment à la hausse des taux d’intérêt, les coûts ont à peine augmenté de 6 % malgré l’inflation et des campagnes marketing. Comment cela se fait-il ? 

Alors que les revenus ont augmenté de près de 37 millions d’euros pour atteindre 53 millions, les coûts sont restés sous contrôle à 43,7 millions. C’est ce qui s’appelle la “scalability.” MeDirect est une banque digitale qui peut aisément grandir sans voir ses coûts augmenter. Nous n’avons pas d’agences, pas de chargés de relation, etc. Tout notre IT est développé à Malte.

Vous auriez donc pu vous montrer encore plus généreux avec les épargnants ?

Il y a une grande différence entre vouloir et pouvoir. MeDirect est quasiment la seule banque belge à pouvoir annoncer une augmentation des dépôts sur les comptes d’épargne réglementés. Nous avons été très offensifs sur ce terrain là, avec des offres qui figurent parmi les meilleures du marché. Toutes les banques ne peuvent pas en dire autant. Toutes auraient pu augmenter leurs taux, mais beaucoup n’ont pas voulu le faire. C’est la grande différence entre MeDirect et plusieurs autres (grandes) banques qui ont également annoncé des résultats historiques. Et donc, pour reprendre une expression bien connue, il vaut mieux être actionnaire d’une grande banque et être client d’une petite banque… comme MeDirect.

Les politiques veulent réduire voire supprimer la prime de fidélité sur le compte d’épargne. Qu’en pensez-vous ?

C’est une évidence absolue, le livret d’épargne ressemble quasiment à un produit structuré. Que reproche-t-on au secteur bancaire ? C’est son manque de compétition. Je ne suis pas le seul à le dire. Quelle est la manière d’augmenter la compétition sur un marché ? Le nouveau protocole bancaire qui limite à quatre le nombre de comptes d’épargne différents par banque est une bonne chose. C’est un vrai progrès. J’applaudis des deux mains. Mais pourquoi faut-il encore avoir quatre comptes différents pour un produit aussi simple que le livret d’épargne ? Si on veut vraiment augmenter la concurrence entre banques sur ce terrain-là, il faut supprimer la prime de fidélité et avoir un produit d’épargne le plus transparent et le plus simple possible, avec un taux unique.

N’y a-t-il pas un risque de déstabiliser certaines banques en supprimant la prime de fidélité , ce qui aura immanquablement un impact sur leurs sources de financement ?

Si vraiment il y avait un risque, vous auriez des primes de fidélité dans tous les pays en Europe. Or la Belgique est le seul pays d’Europe où un tel système existe. Le vrai problème, c’est que non seulement il n’y a pas de compétition entre les banques en Belgique, mais les banques étrangères ne peuvent pas venir sur le marché belge parce que c’est beaucoup trop compliqué pour elles de commencer à commercialiser un livret d’épargne en Belgique. Non seulement supprimer la prime de fidélité ramènerait plus de transparence et plus de compétition entre les banques présentes en Belgique, mais cela permettrait aussi à d’autres banques de venir chasser l’épargnant chez nous et de mettre une couche de concurrence supplémentaire.

Quid de l’avantage fiscal lié au livret : faut-il aussi le supprimer ?

Oui. S’il y a tellement d’argent sur les livrets d’épargne en Belgique, c’est à cause de son exonération fiscale qui bénéfice aux banques et non pas à l’épargnant. Les Belges sont obnubilés par cet avantage fiscal qui ne conduit pas à une bonne allocation de leurs liquidités. L’idéal serait d’accorder cet avantage à l’épargnant plutôt qu’à un seul produit.

Un mot sur le dernier bon d’Etat que vous avez décidé de proposer pour la première fois via votre plateforme et une petite prime en cas de souscription ?

Nous avons récolté pas moins de 20 millions d’euros, soit plus ou moins 10 % de ce qui a été levé par les banques. C’est énorme compte tenu de notre taille. Plus largement, grâce aux bons d’État, de nombreux épargnants ont réalisé que leur épargne n’était que faiblement rémunérée par leur banque. C’est la raison pour laquelle 22 milliards d’euros ont afflué vers le bon d’Etat à un an émis en septembre dernier. Mais en même temps, beaucoup d’épargnants ont également décidé de transférer une partie de l’épargne chez MeDirect. Les bons d’Etat nous ont amené des nouveaux clients.

Pour terminer, allez-vous également relancer le bon de caisse comme l’ont annoncé plusieurs banques ?

Non, ce n’est pas à l’ordre du jour. Avec nos comptes à terme, le client a les mêmes avantages qu’avec des bons de caisse. Allez voir sur notre plateforme, vous trouverez tous nos comptes à terme et leurs taux sans problème. 

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