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Après la Grèce… les Etats-Unis ?

Il a osé ! On sait la presse anglo-saxonne plus prompte à souligner les problèmes de l’Europe (continentale) qu’à balayer devant sa porte. Et pourtant, il a osé ! Il, c’est Niall Ferguson, chroniqueur au Financial Times.

Il a osé ! On sait la presse anglo-saxonne plus prompte à souligner les problèmes de l’Europe (continentale) qu’à balayer devant sa porte. Et pourtant, il a osé ! Il, c’est Niall Ferguson, chroniqueur au Financial Times. La semaine dernière, il n’a pas hésitéà titrer qu’une crise grecque se profilait en Amérique. Ajoutant que les obligations d’Etat américaines étaient pour les investisseurs un havre sûr… à la manière de Pearl Harbor en 1941. En généralisant son propos, Niall Ferguson précise que le problème est fondamentalement le même, en Islande comme en Irlande, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, la seule différence étant la taille. En d’autres termes, à défaut d’être tous des juifs allemands, nous sommes tous des débiteurs grecs…

Le propos n’est-il pas très excessif, voire totalement farfelu ? Farfelu, sûrement pas. L’explosion de l’endettement des Etats inquiète réellement les marchés, même si cela ne saute pas aux yeux. De fait, les taux d’intérêt ne s’emballent pas : les 3,2 % et 3,7 % respectivement affichés par les obligations d’Etat allemandes et américaines sont parfaitement en ligne avec leur évolution des dernières années. Explication : entreprises et particuliers se désendettent actuellement à un tel rythme, surtout aux Etats-Unis, que l’appétit accru des Etats ne suscite pas de pression.

Tout autre chose. La base des discours rassurants est le relativement faible endettement actuel de nombreux Etats. Sous-entendu : ils ont de la marge. En réalité, avec les monstrueux déficits budgétaires auxquels ils font face aujourd’hui, cette marge fond comme neige au soleil. Comme on l’a déjàécrit ici, la dette britannique devrait ainsi passer de 50 à 100 % du PIB en quatre ans à peine ! Voici un lustre, ce n’eût été concevable que pour une dictature africaine à bout de souffle.

C’est au travers de ces fameux credit default swaps (CDS) que transparaît l’inquiétude des investisseurs, ces primes d’assurance couvrant contre le risque présenté par le débiteur. Sans les prendre pour parole d’évangile, on peut à tout le moins considérer qu’ils reflètent globalement le sentiment du marché. Or, le niveau des primes a de quoi interpeller.

Premier point : même si ce n’est pas encore Pearl Harbor, la dette américaine n’est pas celle qui inspire le plus confiance. A 53 points de base environ par an pour une couverture de cinq ans, sa prime se compare très favorablement à celle de la Grèce (355), mais fait pâle figure face aux pays scandinaves, avec 43 pour le Danemark, 34 pour la Finlande et 20 à peine pour la Norvège. L’Allemagne est à 46 et la Belgique à 69, mais la Grande-Bretagne à 91… Les énormes déficits budgétaires de Londres et Washington se traduisent donc bel et bien sur les marchés financiers. Faut-il préciser que toutes ces primes souveraines étaient insignifiantes avant la crise financière ?

Second point : les CDS portant sur la dette souveraine se sont fortement dégradés par rapport à ceux relatifs aux dettes des entreprises. Les Américains au-raient tort de sourire en voyant que les CDS sur Hellenic Telecom affichent 112 à peine, contre 355 pour l’Etat grec. Aux Etats-Unis, les CDS sur AT&T pointent à 51,5 points, soit un peu moins que l’Etat (53). Et on trouve mieux encore : 42 pour Coca-Cola et Pepsico, et 27 seulement pour Exxon. Même topo dans d’autres pays, avec 91 pour la Grande-Bretagne mais 48 pour BP, ou encore 63 pour la France mais 47 pour Total. Si les obligations d’Etat continueront àêtre présentées comme du “papier sans risque”, et ceci pour de bonnes raisons fondamentales, il apparaît que le marché les saupoudre aujourd’hui d’un fameux grain de sel !

par Guy Legrand, directeur adjoint

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