Les 104 millions de Birkenfeld

a touché 104 millions de dollars pour avoir dénoncé au fisc américain les pratiques de son employeur, la banque suisse UBS. © REUTERS

Quand on évoque la vente d’informations au fisc contre récompense, un nom s’impose : Bradley Birkenfeld. Il restera célèbre pour avoir, en 2009, dénoncé au fisc américain les pratiques de son employeur, la banque suisse UBS, qui favorisait l’évasion fiscale auprès de ses clients. UBS payera une amende de 780 millions de dollars, tandis que le whistleblower (lanceur d’alerte rétribué) en touchera 104 millions en septembre 2012. Compte tenu des impôts et des commissions versées aux avocats l’ayant secondé, il lui en resta environ 45 millions, estime un spécialiste de la question. Soit un peu moins de 1,5 million… par mois de prison. Ayant été complice de l’évasion dénoncée, Bradley Birkenfeld avait en effet été condamné à 40 mois de prison ferme ; libéré fin juillet 2012, il en fit donc 31. Il ne s’était pas mis à table spontanément, mais après avoir été arrêté en revenant de Suisse.

Le Whistleblower Office de l’Internal Revenue Service, soit le bureau de dénonciation du fisc américain, serait-il donc la poule aux oeufs d’or pour tout citoyen détenteur d’une information privilégiée ? Oui et non. D’abord, le pactole perçu par Bradley Birkenfeld est très exceptionnel. L’an dernier, pas moins de 418 personnes ont perçu une récompense de l’IRS, pour un total de 61,4 millions, soit un peu moins de 147.000 dollars ” seulement ” en moyenne. Avec les 103,5 millions distribués à 99 bénéficiaires en 2015, la moyenne dépassait par contre le million.

Ensuite, l’IRS n’est pas seul à pouvoir rétribuer des informateurs, et parfois grassement. C’est également le cas de plusieurs autres organismes, dont la Securities & Exchange Commission (SEC), qui contrôle les marchés boursiers américains. Son dernier fait d’arme notoire remonte à septembre 2016, quand elle attribua 22,5 millions de dollars (sur une amende de 80 millions) à un ancien cadre financier du groupe chimique Monsanto, pour avoir dénoncé des annonces trompeuses concernant les ventes du Roundup. En juin de la même année, la SEC avait offert 17 millions à deux anciens cadres de Deutsche Bank l’ayant mise au courant de fraudes comptables. L’un d’eux, Eric Ben-Artzi, est apparu au grand jour, car il a expliqué au Financial Times son refus de toucher sa part. La récompense la plus élevée offerte par la SEC remonte à septembre 2014 : 30 millions à un dénonciateur étranger ; rien d’autre n’a filtré sur l’affaire.

Autre piste : les whistleblowers agissant dans le cadre du False Claims Act peuvent espérer des rétributions fort élevées. Cette loi permet aux citoyens de dénoncer des malversations commises au détriment de l’Etat. En septembre 2016, le groupe pharmaceutique Pfizer arrivait à un accord avec le département de la Justice concernant les pratiques frauduleuses de Wyeth, société rachetée en 2009. Montant de la transaction : 784,6 millions. Dont 98 millions à se partager par les deux citoyens ayant dénoncé le scandale !

Enfin, si l’IRS n’est pas nécessairement la poule aux oeufs d’or, c’est qu’il n’a pas toujours semblé très empressé de faire appel aux whistleblowers pour traquer la fraude fiscale. Alors que des efforts avaient été entrepris pour assouplir et accélérer les procédures, les effectifs du Whistleblower Office sont, l’an dernier, tombés de 61 à 37 personnes ! Le sénateur républicain Grassley s’est ému de la situation en termes virulents : ” La direction de l’IRS semble se lever chaque matin en cherchant comment saboter le programme de whistleblowing, aussi bien en justice qu’au niveau des récompenses “. Par orgueil, pour ne pas faire de l’ombre à ses propres services, ou par manque de volonté de traquer la fraude ? Il n’y a pas qu’en Belgique qu’on se pose certaines questions…

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