Groupon peut-il encore se payer une nouvelle virginité ?
Nouveau site, nouvelles conditions à l’attention des commerçants, garde-fous contre les dérives. Groupon évolue pour faire face aux concurrents et surtout pour tenter de faire oublier l’image désastreuse qui colle à l’entreprise depuis plusieurs années. Est-ce encore possible?
Un menu dégustation de six plats au Sea Grill pour 120 euros. Plutôt attrayant quand on sait que l’établissement d’Yves Mattagne sis au rez-de-chaussée du Radisson de Bruxelles totalise pas moins de deux étoiles au Michelin ! C’est avec ce genre de deal que Groupon, spécialiste du social shopping sur le Net, entend monter en gamme… Et faire oublier l’image désastreuse que ce géant américain traîne derrière lui. Commerçants en faillite, clients mal reçus, deals hasardeux, offres douteuses pour de la chirurgie esthétique, utilisation abusive du nom de certaines sociétés à des fins de marketing… Les “casseroles” traînées par Groupon sont nombreuses et ont entaché l’image de la firme.
“Fini le concept d’un deal par jour”
Aussi, constatant qu’il risquait d’aller droit dans le mur, Groupon a visiblement décidé de changer. L’idée de la firme consiste à se positionner comme un site d’e-commerce, une place de marché pour commerces locaux, plus que comme un site de bons plans quotidiens. “Le business model d’un deal par jour est très loin, commente Cyril Jessua, managing director de Groupon Belgique. Nous nous positionnons désormais comme une véritable place de marché, avec des dizaines de propositions et disponibles à l’achat en permanence. Plus tard, il sera possible de réserver une table au resto ou un rendez-vous chez l’esthéticienne même sans deal”. Un moyen de faire face à la lassitude des internautes qui voient leur boîte e-mail envahie par les propositions de Groupon et autres sites de ventes privées.
Le site web de Groupon a dès lors subi un sérieux lifting : couleur verte moins criarde, design plus léché… Mais aussi, et surtout, un menu par catégorie et un moteur de recherche. Sans oublier une extension des catégories de produits proposés : Groupon commence à vendre des places de concerts, de spectacles ou des entrées pour des parcs d’attractions. La section billetterie n’est pas encore très fournie mais elle démontre la direction dans laquelle Groupon se dirige.
Commissions moins importantes ?
Et bien sûr, le haut de gamme pour attirer le public et rassurer l’ensemble des commerçants. Selon Cyril Jessua, pas moins de neuf restaurants étoilés belges travaillent déjà avec Groupon. “En admettant que ce soit bien le cas, répond Miguel Van Keirsbilck, secrétaire général de la Belgian Restaurants Association, cela représente toujours moins de 10 % des établissements étoilés. Cela reste marginal car dans l’ensemble, la plupart des restaurateurs ne peuvent pas se permettre d’abandonner à un intermédiaire une marge comme celle que Groupon demande généralement.”
Selon le responsable de l’association des restaurateurs belges, l’horeca nourrit la crainte de devenir dépendant d’acteurs intermédiaires, comme ce qui est en train de se passer pour le secteur hôtelier avec Booking.com. Il faut dire que le modèle initial de Groupon, en place depuis 2008, se révélait assez gourmand : Groupon imposait au commerçant d’octroyer une réduction d’au moins 50 %… et empochait encore environ 20 % de commission. Mais Groupon se montrerait aujourd’hui plus souple : les partenaires ne seront plus obligés d’octroyer un minimum de 50 % de réduction comme c’était le cas. Mieux, dans certains cas (exceptionnels ?), aucune réduction ne sera demandée. Voilà qui pourrait attirer un certain type d’établissements, plus huppés, qui ne souhaitent pas associer leur nom à la “grande braderie” Groupon. Comme le Sea Grill d’Yves Mattagne par exemple.
“Déjà trop tard”
Sur papier, cette nouvelle virginité qui passe par moins d’agressivité commerciale, un meilleur encadrement des commerçants et une extension de catégories paraît imparable. Et pas mal de commerçants utilisent encore Groupon, “pour une opération ponctuelle, le lancement d’une nouvelle activité ou d’un nouveau menu, analyse Miguel Van Keirsbilck. Ou alors, en vue de remplir des plages horaires plus calmes”.
Certains doutent, néanmoins : “Il faudra voir si, d’une part, ces changements ne vont pas mener à la perte de l’effet différenciant de Groupon, à l’heure où les alternatives se multiplient, analyse une spécialiste du marketing online pour restaurants. D’autre part, cette évolution risque d’arriver un peu tard après avoir pratiqué pendant plusieurs années la politique de la terre brûlée”.
Quoi qu’il en soit, il est temps pour Groupon de se renouveler : les concurrents se multiplient (Lafourchette.be, Restolastminute, etc.) et les pertes s’accumulent. Au troisième trimestre, Groupon affichait en effet une perte de 21,2 millions de dollars, presque 10 fois plus qu’un an auparavant, alors que ses revenus augmentaient de 27 %.
En Belgique, Groupon a enregistré un chiffre d’affaires en baisse de 16 à 13 millions d’euros sur l’année 2013 (derniers chiffres disponibles)…
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