Sonaca/LMI Aerospace: 400 millions, le prix pour atteindre Boeing et s’affranchir d’Airbus

Bernard Delvaux © Belga

La Sonaca lance une OPA sur LMI Aerospace, un fabricant américain de structures d’avions. L’opération coûtera plus de 400 millions d’euros. C’est le ticket d’entrée pour fournir Boeing et sortir l’entreprise wallonne de sa dépendance à Airbus. Au passage, Sonaca va doubler de taille.

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La Sonaca va presque doubler ses effectifs avec le rachat de l’américain LMI Aerospace, une entreprise basée dans le Missouri, qui fabrique des éléments de structure d’avions. Elle occupe 1950 personnes, alors que le groupe Sonaca en emploie actuellement 2500. Ces nouveaux emplois ne seront pas wallons -la Sonaca appartient à la Région wallonne-, mais l’opération a été jugée nécessaire par Bernard Delvaux, CEO de Sonaca, pour fournir de nouveaux clients comme Boeing. “L’addition de LMI Aerospace au groupe Sonaca conforte notre vision d’étendre nos capacités aux Etats-Unis” indique Bernard Delvaux dans le communiqué publié par LMI. “Sonaca et LMI se sont tous deux distingués dans l’industrie par leurs capacités à produire des éléments mobiles d’ailes, des panneaux d’ailes, des éléments de structure complexe, et ensemble nous serons capables d’améliorer notre avantage compétitif sur le marché global aéronautique.”

La trop grande dépendance à Airbus

L’opération vise surtout à gagner des clients que Sonaca cherche en vain à attirer depuis des années. La société est surtout dépendante d’Airbus, à qui elle fournit des bords d’attaque pour tous les avions de la gamme civile, elle vend aussi des éléments de fuselage au brésilien Embraer et au canadien Bombardier. Mais souffre de plusieurs soucis, notamment l’échec commercial de l’Airbus A380, dont le sort est incertain, des retards des nouveaux modèles de Bombardier (le CSerie), sans parler de l’approche d’Airbus qui consiste à demander une réduction des coûts quasiment tous les ans. Bernard Delvaux cherchait à diversifier la clientèle. Il avait lancé un projet dans ce sens, la production d’un petit avion d’entraînement, un monomoteur Sonaca 200, qui ne devrait pas peser encore bien lourd dans le chiffre d’affaires. Pour obtenir une diversification plus significative, il fallait trouver un moyen d’élargir la clientèle, en particulier aux Etats-Unis.

Qui est LMI Aersposace ?

Pour obtenir la clientèle de Boeing, le rachat d’un fournisseur est une approche rapide, mais coûteuse. La Sonaca va payer 14 dollars en cash par action (la cote est aujourd’hui de 9,19 dollars). Le coût d’achat s’élève environ à 173 millions d’euros pour les titres, et à 405 millions d’euros en intégrant la dette de LMI Aerospace, qui incombera à Sonaca après la clôture de l’opération. LMI Aerospace a dégagé 375 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2015 (351 millions d’euros), la Sonaca a réalisé 380 millions d’euros sur la même période. Plus de la moitié des ventes de LMI portent sur des avions commerciaux de grande taille, notamment les Boeing 737 Max, 787, 777X. L’entreprise fournit également un champion de l’aviation d’affaires, Gulsfstream, et compte aussi des clients dans le militaire. Son premier client (plus de 40% des ventes) est Spirit, un fabricant de structures d’avion fournissant Boeing. LMI est actif sur 21 sites, aux Etats-Unis, au Mexique, en Grande-Bretagne et dispose aussi d’une base low cost au Sri Lanka. Notons toutefois que LMI est moins rentable que Sonaca. En 2015, le bénéfice opérationnel du groupe américain s’élevait à 20 millions de dollars (19 millions d’euros) contre 38,6 millions d’euros pour le groupe wallon en 2015. Le cours de l’action a été divisé par deux ces trois dernières années. La direction de LMI a réduit les coûts et réorganisé la production pour relancer l’entreprise et rendre l’action plus attractive. Ces éléments ont dû rassurer Bernard Delvaux qui peut ainsi espérer acheter juste au bon moment.

Suivre la voie d’Asco

Sonaca suit la voie d’une autre entreprise belge, Asco (Zaventem), qui fournit à peu près tous les fabricants d’avions occidentaux de plus de 50 sièges (Airbus, Boeing, Bombardier, Embraer,…) en pièces hyperrésistante (attaches de réacteurs, rails pour faire coulisser les volets des ailes, etc..). Et qui a racheté plusieurs sociétés aux Etats-Unis et au Canada pour mieux service ses clients américains. La différence, toutefois, est que la Sonaca est une société à capitaux publics, alors qu’Asco est privé (famille Boas). Cette dernière n’est pas tributaire de décisions politiques. Les développements à l’étranger de la Sonaca sont donc plus délicats, toute sous-traitance à l’étranger est mal vécue par les syndicats wallons et suppose un accord au niveau du gouvernement wallon. L’actionnaire, la Région wallonne, a néanmoins fini par accepter l’ouverture d’une filiale dans un pays low cost, Aero Forming Transylvania, en 2016, pour rester compétitif face aux demandes de réduction de prix des constructeurs.

Elle accepte maintenant une opération plus audacieuse avec le rachat de LMI Aerospace, pour élargir le marché de Sonaca.

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