Le CETA entre en application provisoire, malgré les protestations

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Malgré la contestation persistante des ONG et de certaines organisations professionnelles, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, le CETA, est entré en application provisoire jeudi dans sa quasi-totalité.

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Bruxelles et Ottawa voient dans cet accord dit de nouvelle génération — “le plus ambitieux” jamais signé par l’UE, selon la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström — un “modèle pour une coopération économique responsable entre les pays”.

“L’accord avec le Canada produira des résultats en terme d’emplois, d’échanges”, a insisté jeudi le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors d’un discours devant le Comité économique et social européen, jugeant “invraisemblable” la “résistance” en Europe contre les traités commerciaux en général.

“Je ne dis pas que je me fous de la résistance et j’écoute ceux qui font preuve d’analyse –presque totalement erronée– sur la chose (…) mais je ne les suis pas”, a-t-il ajouté.

Face aux tendances protectionnistes des Etats-Unis de Donald Trump et à la concurrence jugée déloyale de la Chine sur le marché mondial, l’UE et le Canada se veulent les porte-drapeaux d’un commerce “libre et équitable”, fondé sur des “valeurs communes”, dont ils souhaitent eux-mêmes “fixer les règles”.

Concrètement, le CETA supprime dès jeudi les droits de douanes sur 98% des produits échangés entre les deux zones et élargit certains services à la concurrence.

Il permet aussi la reconnaissance de 143 produits d’origine géographique protégée (AOP) au Canada, dont l’agriculture gagne à l’inverse un accès accru au marché européen.

Même si certains secteurs sensibles comme la viande restent soumis à des quotas, l’industrie européenne voit d’un très mauvais oeil l’arrivée sur son sol de produits canadiens élaborés selon elle dans des conditions inégales.

“Le Canada a des normes sanitaire et d’étiquetage plus faibles que l’UE et son agriculture industrielle est plus fortement dépendante des pesticides et des cultures génétiquement modifiées”, résume Greenpeace, qui fait partie des nombreuses ONG opposées au texte.

“Manque d’ambition”

Mercredi, plusieurs d’entre elles — les mêmes qui s’opposent à l’accord négocié par l’UE avec les Etats-Unis, le TTIP, actuellement au point mort — ont jeté leurs dernières forces dans la bataille.

Elles reprochent au CETA, qui concerne au total 510 millions d’Européens et 35 millions de Canadiens, d’affaiblir les normes sanitaires et environnementales.

En France, des députés de gauche et plusieurs organisations défavorables au Ceta ont présenté un rapport critique lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, demandant “solennellement la suspension de l’application provisoire du CETA et une réelle consultation des citoyens, à travers un référendum”.

Les opposants s’appuient aussi sur un autre rapport, rédigé début septembre par des experts indépendants à la demande du gouvernement français lui-même. Ses auteurs y regrettent un “manque d’ambition” du CETA sur le plan environnemental, soulignant que le climat est “le grand absent” du traité.

Ces experts notent aussi que le principe de précaution est absent du texte, ce qui laisse planer une “incertitude” sur une possible contestation par le Canada.

Les ONG critiquent par ailleurs les tribunaux d’arbitrages instaurées dans le CETA — comme dans chaque accord commercial — pour trancher les litiges entre un Etat et une multinationale qui s’estimerait flouée par un changement soudain de politique.

Cette inquiétude avait amené fin 2016 la seule région belge de Wallonie (sud du pays) à s’opposer au texte, retardant de quelques jours sa signature par l’UE après une crise diplomatique avec Ottawa.

Ces tribunaux n’entreront cependant en vigueur qu’une fois le texte définitif, c’est-à-dire quand il aura été voté par les 38 parlements régionaux ou nationaux de l’UE. Seuls six pays ont pour l’instant accompli la démarche: la Lettonie, le Danemark, l’Espagne, la Croatie, Malte et le Portugal, qui a voté en sa faveur mercredi.

Si un seul pays dit “non”, le texte cesse, en principe, de s’appliquer.

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