Comment Lufthansa veut transformer Brussels Airlines
Une nouvelle phase s’esquisse pour la compagnie belge. Son actionnaire à 100%, Lufthansa, va l’intégrer davantage sous la marque low cost du groupe, Eurowings. Bernard Gustin, qui aurait préféré conserver la marque, est donné partant.
Changement en vue pour Brussels Airlines. Un conseil d’administration programmé aujourd’hui pourrait entériner des changements stratégiques pour la compagnie belge. Elle devrait être totalement intégrée dans le pôle low cost du groupe Lufthansa, la compagnie Eurowings. La marque Brussels Airlines pourrait disparaître sauf, sans doute, pour les vols africains. La décision pourrait tomber ce lundi en fin d’après-midi, au terme d’un conseil d’administration.
“Je m’étonne que l’on s’étonne”
C’est la conséquence du rachat à 100% de la compagnie par le groupe allemand, réalisé au début de 2017. Lors de l’annonce de l’opération, l’intégration au sein du pôle Eurowings était clairement annoncée. “A partir de 2018, Brussels Airlines sera entièrement intégrée au groupe Lufthansa et rejoindra le groupe Eurowings” indiquait la première ligne du communiqué publié le 15 décembre 2016. “Je m’étonne que l’on s’étonne” soupire aujourd’hui le patron d’une compagnie aérienne concurrente. Une année avait été laissée pour organiser une intégration plus forte.
Bernard Gustin défendait l’idée d’une compagnie hybride belge
Pendant un an, en coulisse, Bernard Gustin, CEO de Brussels Airlines, a défendu l’idée de conserver une compagnie Brussels Airlines telle qu’elle, forte de ses bons résultats et de sa rentabilité. En conservant au maximum la marque et un centre de décision belge. De toute évidence, cette position n’est pas celle de la direction du groupe Lufthansa, qui met la priorité dans le développement d’une compagnie low cost, Eurowings, court et long courrier, basée à Düsseldorf. Lufthansa cherche à affronter la concurrence de Ryanair et des low cost long courrier et cherche à apporter toujours plus d’avions à sa filiale à petit prix. Cette vision semble ne pas laisser de place au prolongement du plan stratégique hybride cher à Bernard Gustin. Il table sur une marque belge, des vols européens semi low cost, du long courrier plus traditionnel, et un gros business de vols en correspondances, alors qu’Eurowings pratique plutôt les vols points à points.
Vers un départ du CEO ?
N’ayant obtenu gain de cause, Bernard Gustin pourrait quitter les commandes, de même que le directeur financier, Jan De Raeymaeker, ainsi que l’annonce notre confrère La Libre Belgique. Les conséquences de l’intégration à Eurowings ne devrait pas toucher le personnel navigant. Il y aura toujours des vols à Bruxelles. Mais le sort du personnel du siège est une autre question, car dans la logique d’une prise en main par Eurowings, c’est le quartier général de cette dernière qui pourrait reprendre la main sur les fonctions centrales, dans la logique d’une compagnie intégrée. D’où l’inquiétude des syndicats. De Brussels Airlines il ne subsisterait alors que les liaisons africaines, qui ne sont pas low cost et relèvent d’accords entre états alors que les vos dans l’UE sont libéralisés. Brussels Airlines emploie 3500 personnes.
La stratégie Eurowings
Brussels Airlines avait prouvé qu’il y avait moyen de résister à l’offensive de Ryanair, qui est autrement plus forte en Belgique qu’en Allemagne. Elle a clôturé une année 2017 en forte croissance, avec 9,1 millions de passagers (+17,2%).
La compagnie irlandaise représente plus de 27% du marché belge contre 6% du marché allemand. Ces arguments, que reconnaît le CEO de Lufthansa, ne le pousse pas à accorder un statut particulier à Brussels Airlines, il met la priorité dans le développement d’Eurowings, qui transportait en 2017 environ 30 millions de passagers (y compris Brussels Airlines, dont les chiffres sont déjà intégrés dans ceux d’Eurowings dans les documents de Lufthansa). Eurowings se présente comme la troisième low cost européenne. Elle suit la logique multibase de Ryanair et a ouvert 12 bases, dont la dernière est Nuremberg. Bruxelles pourrait se transformer une base Eurowings.
Faute d’actionnaire belge
Un Brussels Airlines au destin belge aurait pu se développer. Si elle avait pu trouver des actionnaires dans le pays, prêts à soutenir son développement. Mais cela n’a pas été le cas. Fondée voici quinze ans sur les ruines de la Sabena en faillite, la compagnie avait été lancée avec des capitaux collecté auprès de plus de dix entreprises et invests publics. Elle a rapidement prouvé sa rentabilité, mais personne n’a été intéressé à investir davantage pour la développer.
La solution adoptée par les actionnaires de départ, et le président du CA, Etienne Davignon, a consisté à pérenniser la compagnie à travers un accord avec le groupe Lufthansa, qui a pris 45% du capital en 2008, et le solde du capital en 2017. Lors de la crise financière Brussels Airlines affichait des pertes. Elle a grandi en lançant des vols long courrier et a multiplié les lignes européennes, réduit ses coûts. Aucune banque n’avait accepté de prêter de l’argent à la compagnie belge, c’est Lufthansa qui a dû accorder une ligne de crédit, alors qu’elle n’était actionnaire qu’à 45%. Aujourd’hui elle entend manifestement mettre ces bonnes manières au service de sa stratégie low cost.
Une compagnie aérienne avec un ancrage fort à Bruxelles est particulièrement importante
“Il est particulièrement important qu’une compagnie aérienne belge forte soit présente à Bruxelles afin de fournir un soutien aux activités touristiques, tant pour les vacanciers que pour les voyageurs d’affaires, vers un maximum de destinations, européennes et étrangères”, précise le secteur. Selon le secteur du voyage, il est crucial que Brussels Airport et Bruxelles, capitale de l’Europe, puissent “continuer à se développer en tant que centre névralgique européen et garantir une connectivité optimale”.
Le secteur souligne “l’importance d’une politique équilibrée de l’aviation, à la fois à court terme et à long terme; des lignes directrices stables sont nécessaires afin de promouvoir le développement durable du secteur”. Ce dernier estime par ailleurs que “l’importance économique et stratégique de l’aviation et, par extension, du secteur du tourisme, est trop souvent sous-estimée”. Le secteur du voyage appelle à la sérénité dans ce dossier. Le communiqué a été signé par les organisations ABTO, BTO, FBBA, UPAV, VLARA et VVR.
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