Le coup de gueule des patrons à la veille des élections: “Le Titanic est en train de couler”

Pas moins de 22 CEO d’envergure s’expriment dans ce numéro exceptionnel de Trends-Tendances, juste avant des élections cruciales. Ils expriment leurs craintes et leur colère, vives parfois, mais proposent aussi des solutions.

Les patrons se mobilisent. A quelques jours d’un triple scrutin fédéral, régional et européen crucial, Trends-Tendances leur a demandé quelles étaient leurs aspirations. Et à vrai dire, ce fut un déluge de réponses. Pas moins de 22 CEO ont pris le temps de nous parler, longuement, pour nous confier leurs craintes, leur colère parfois, mais aussi leurs espoirs. En espérant faire bouger les lignes, tant auprès des électeurs que des dirigeants.

“Ce sont les élections les plus importantes depuis que je suis né, insiste Fabrice Brion, CEO d’I-care, à l’issue de son interview. Or, la campagne est de bas niveau. Le Titanic est en train de couler, mais on discute de la façon dont on met les transats sur le pont.” Le Montois met en avant la nécessité d’une “révolution des mentalités”: “On cherche l’optimum plutôt que le maximum. C’est un état d’esprit. Il y a un manque de confiance dans le fait que des entreprises peuvent devenir des leaders mondiaux”. Son avis est largement partagé.

“Créer de la valeur”

“Notre enjeu, comme groupe social, c’est de créer de la valeur, de manière à permettre à chacun de vivre une vie de qualité, souligne François Blondel, CEO de KitoZyme. Ce qui me frappe aujourd’hui dans la campagne électorale et dans les débats, c’est que l’on perd cette perception. Le meilleur exemple, c’est l’obstination que l’on met à parler de la taxation des millionnaires. C’est une très bonne représentation du mauvais angle par lequel on prend les choses. Ce qui importe, c’est de trouver un projet mobilisateur et créer de la valeur, et pas ce dossier qui est polarisant, pénalisant et culpabilisant.”

© ImageGlobe
Les entreprises sont prêtes à prendre leur part de la création de richesses, mais aussi de la transition écologique ou du maintien de l’harmonie sociale.

Eric Domb, CEO de Pairi Daiza, ne dit pas autre chose lorsqu’il exprime avec amertume le manque de soutien des pouvoirs publics dans un dossier majeur concernant la mobilité. “Nous sommes prisonniers d’un discours idéologique, tenu par des responsables politiques peu conscients des réalités de l’économie de marché”, dit-il, en n’hésitant pas à parler d’une “haine de l’entreprise privée”. Ces confidences des patrons tournent souvent aux coups de gueule et à un appel radical au changement.

© James Arthur

Certains brandissent même la menace d’une délocalisation, théorique pour l’instant. “Sur 10 millions d’euros de cash, si je vais en Allemagne, j’en récupère 1 de plus, constate Thierry Huet, de la biscuiterie Desobry. Si je vais en Pologne, j’en récupère 4. Ça n’a plus de sens de comparer l’écart salarial avec les pays voisins.” Mais tous continuent à se battre pour une Belgique qu’ils aiment.

© BELGAIMAGE

Des propositions concrètes

Nos interlocuteurs ont à cœur de contribuer positivement au débat. Dans leurs interviews, on retrouve des lignes de force: soutenir l’innovation, simplifier drastiquement les contraintes administratives, revaloriser le travail et réduire les charges, réformer l’indexation automatique des salaires, voire taxer le capital immobile, mais en libérant les investissements au service de l’économie.

“L’industrie européenne perd du terrain, nous dit Ilham Kadri, CEO de Syensqo, qui fut à l’initiative de la Déclaration d’Anvers, un plan en 10 actions concrètes pour sauver notre compétitivité. Si nous voulons rester compétitifs par rapport aux autres acteurs mondiaux, nous avons besoin d’un cadre qui accueille favorablement les investissements de l’industrie en Europe.”

Avec des tonalités différentes, avec des nuances en regard de la situation de leur secteur, ces CEO osent s’avancer sur un terrain politique auquel ils ne sont pas toujours habitués. C’est la preuve que l’heure est grave. C’est, aussi, l’illustration que plusieurs d’entre nous ont avancé: les entreprises sont prêtes à prendre leur part de la création de richesses, mais aussi de la transition écologique ou du maintien de l’harmonie sociale.

La condition? Que les politiques abandonnent leurs discours populistes pour “prendre le taureau par les cornes”.

Le coup de gueule des patrons

Partner Content