Vincent Verbeke (CEO d’Engie Belgique) : “Il faut accélérer la transition énergétique, elle est inéluctable”

Le parc éolien offshore Norther, en mer du Nord. BELGA

La nouvelle stratégie #Energize2030 d’Engie comporte des objectifs très ambitieux en termes de capacités renouvelables et de flexibilité. Le groupe investira jusqu’à 4 milliards en Belgique. Le CEO d’Engie Belgique, Vincent Verbeke, en dresse les grandes lignes.

«Il faut accélérer la transition énergétique, elle est inéluctable», lance Vincent Verbeke lors de la présentation de la nouvelle stratégie d’Engie à l’horizon 2030. L’ingénieur de formation, 47 ans, est le nouveau CEO de la branche belge du groupe français depuis le 1er janvier, succédant à Thierry Saegeman.

Vincent Verbeke, CEO d’Engie Belgique.

Cette transition que le dirigeant qualifie d’ « inarrêtable » passe par des investissements « colossaux », de l’ordre de 4 milliards d’euros assumés par Engie pour mettre en œuvre tous ses projets dans les 6 prochaines années. Le net zero carbone étant visé à l’horizon 2045. « La transition à un coût, mais c’est encore l’alternative la moins chère, car ne rien faire serait une catastrophe pour la planète », estime Vincent Verbeke. La transition présente aussi des défis énormes en termes de faisabilité. «Je suis un grand optimiste. Face à ces nombreux challenges, je préfère voir le verre à moitié plein ». Il ajoute : « Toute transition est compliquée, mais la Belgique a de nombreux avantages sur lesquels capitaliser pour devenir au cœur de l’Europe le hub énergétique du futur. »

« La transition à un coût, mais c’est encore l’alternative la moins chère, car ne rien faire serait une catastrophe pour la planète »

Vincent Verbeke, CEO d’Engie Belgique

Augmenter les capacités renouvelables

La stratégie d’Engie sur les prochaines années repose sur trois grands piliers pour offrir une énergie à la fois « durable, fiable et abordable» aux clients industriels et résidentiels. Le premier repose sur le développement des capacités d’énergies renouvelables. Engie dispose à l’heure actuelle d’une capacité installée de plus de 700 MW en énergies renouvelables, ce qui en fait l’un des premiers producteurs d’énergie verte dans notre pays.

D’ici 2030, le groupe vise 2 à 2,5 gigawatts. “Sur terre, nous voulons ajouter 500 MW d’éoliennes – et donc doubler notre capacité – ainsi que 200 MW de panneaux photovoltaïques”, annonce le country manager. La capacité solaire triplera à 300MW. La capacité éolienne offshore passera, elle, à 1GW, via Ocean Winds (joint-venture avec EDP). Engie participera à l’appel d’offres pour la zone Princesse Elizabeth désignée pour la construction de nouvelles éoliennes en mer du Nord.

La transition énergétique passera par ce mix combinant le renouvelable via l’éolien onshore et offshore et le solaire, mais aussi en s’appuyant sur une grande flexibilité. Vincent Verbeke commente ce deuxième pilier. « Le vent et le soleil sont des sources d’énergie intermittentes, nous devons aussi nous appuyer sur la flexibilité apportée par les batteries et les centrales hydrauliques et au gaz bas carbone.”

Flexibilité

La capacité flexible est vouée à atteindre 5 à 6 GW d’ici 2030. «Nous optimisons notre portefeuille d’actifs existants et nous en développons de nouveaux », avance Vincent Verbeke. Et de citer parmi ces infrastructures, des projets déjà connus: le parc des batteries de Vilvorde (200MW) ou l’extension de la centrale de pompage-turbinage de Coo, la plus grande infrastructure de stockage du pays. D’éventuelles autres élargissements de cette centrale sont à l’étude. Des parcs de batteries supplémentaires (jusqu’à 400 MW) sont aussi prévus.

Dans ce contexte, les centrales au gaz, dont l’empreinte carbone fait pourtant débat, jouent elles aussi un rôle important. C’est le cas de la nouvelle centrale des Awirs à Flémalle d’une capacité de 875 MW. Même si aucun nouveau projet de centrale au gaz n’est prévu, Engie ne fait pas totalement une croix dessus. “Ce n’est pas que nous désirons ‘pousser’ le gaz, mais nous avons besoin de l’ensemble de ces technologies pour arriver à nos objectifs”, explique son country manager. Engie compte sur les gaz bas carbone et la capture de CO2 pour verdir, à terme, ses centrales.

L’alliance de la molécule et de l’électron

Troisième pilier: davantage de molécules bas carbone. ‘‘L’électricité représente aujourd’hui environ 20 % des usages finaux en Europe, expose Vincent Verbeke. La demande va augmenter significativement, car il faut électrifier les usages au maximum. Il est nécessaire de développer un maximum d’électricité décarbonée dans le système, d’où ce besoin énorme en énergies renouvelables et en flexibilité. Aucune technologie ne peut, à elle seule, permettre une transition énergétique fiable et abordable. A côté de l’électricité, nous sommes donc convaincus que nous aurons besoin de molécules et en particulier, de gaz décarboné. C’est pourquoi nous croyons à l’alliance de la molécule et de l’électron, qui combine les atouts du gaz avec ceux de l’électricité.”

Nous croyons à l’alliance de la molécule et de l’électron, qui combine les atouts du gaz avec ceux de l’électricité.

Le recours à des gaz verts et à faible teneur en carbone, avec l’appui de l’infrastructure de transport de Fluxys, est envisagé. Le groupe donne comme exemple le projet d’usine d’1 GW de production d’hydrogène vert qu’il mène avec Equinor à Gand (H2BE). De nouvelles activités de biométhane (0,4 TWh par an) sont d’autres pistes qu’évoque Vincent Verbeke, pour décarboner les processus industriels.

Responsabiliser les consommateurs

Autre challenge de la feuille de route: Engie a l’intention d’activer jusqu’à 1GW de flexibilité auprès de ses clients. Les consommateurs ont aussi un rôle à jouer en modifiant leurs habitudes, estime le dirigeant. « Il faut consommer l’énergie plus intelligemment, c’est-à-dire autoconsommer au maximum au bon moment et au bon endroit en s’aidant du vent et du soleil quand ces sources sont disponibles ». Les voitures électriques, par exemple, peuvent être rechargées de manière flexible ou même restituer leur énergie en cas de besoin, en fonctionnant telle une grande batterie. En Belgique, Engie prévoit d’installer 7.000 bornes de recharge d’ici 2030. 

« L’énergie doit être consommée plus intelligemment, au bon moment et au bon endroit”

Cela passe par le déploiement de compteurs intelligents sur tout le territoire national qui permettent d’obtenir une vue claire sur la consommation des ménages et des économies engrangées. Souci : la Wallonie est (très) à la traîne dans ce domaine par rapport à la Flandre et à Bruxelles. « Pourtant, l’incitant financier est le seul qui permettra aux ménages de changer leurs habitudes », est d’avis Vincent Verbeke.

« Nous aurons aussi besoin de tous nos partenaires pour mener à bien tous ces projets, que ce soit Fluxys, Elia, Ores, les gestionnaires de réseaux… ». Engie rappelle, par ailleurs, qu’elle accompagne les géants de la tech (Google, Microsoft, etc.) dans la réalisation de leurs objectifs de décarbonation, via des contrats corporate d’énergie verte appelés dans le jargon “Green Power Purchase Agreements” (Green PPA) (lire aussi notre article à ce sujet).

“Aucune discussion” sur une prolongation de 20 ans des centrales nucléaires

Sur le dossier compliqué du nucléaire, source d’énergie qui n’est, on le sait, clairement plus la priorité du groupe, Vincent Verbeke est beaucoup plus avare en explications. “La tâche sera très complexe, explique-t-il. “Cela n’a jamais été réalisé auparavant en Belgique”. À l’approche des élections, alors que des idées sont lancées ici et là pour prolonger les deux réacteurs (Doel 4 et Tihange 3) de 20 ans au lieu de 10, rien ne filtrera du côté d’Engie sur une telle prolongation. « Aucune discussion politique n’a lieu en ce moment sur le sujet. Ce serait un tout autre projet », assure le CEO d’Engie Belgique, bien décidé à ne pas s’épancher sur ce sujet épineux. Engie dit vouloir se concentrer pleinement sur la prolongation de dix ans. “C’est une priorité pour nous. Il y a déjà assez de travail. On prend nos responsabilités pour respecter nos engagements vis-à-vis de l’accord gouvernemental pour prolonger en toute sécurité l’exploitation des deux réacteurs pour 10 ans et pour mener à bien le démantèlement des autres centrales nucléaires.”

« Les règles doivent être simplifiées pour les permis. L’érection d’une éolienne peut prendre 7 ans !

Il en profite pour lancer un appel aux décideurs politiques en vue des prochaines élections: « Les règles doivent être simplifiées, pour les permis notamment. Je vais vous donner un exemple: l’érection d’une éolienne peut prendre 7 ans ! Il faut aussi rendre la Belgique plus attractive pour les investisseurs. Cela passe par un cadre d’investissement attractif stable dans le temps. » Inciter l’innovation est aussi crucial aux yeux du dirigeant. « Il faut faire progresser les technologies de stockage et de production de l’énergie verte ainsi que les matériaux circulaires ».

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