Comment le port d’Ostende mise sur l’innovation et la durabilité

Myrte De Decker Journaliste TrendsStyle.be

La durabilité est profondément ancrée dans l’ADN du port d’Ostende. Pour survivre, ce petit port de niche s’est spécialisé dans l’économie circulaire et l’économie bleue, en s’appuyant sur l’environnement et l’innovation.

A la Stapelhuis Entrepot, l’activité est à nouveau intense. Après des années d’inoccupation, l’ancien entrepôt situé au cœur du port d’Ostende a été entièrement rénové. Derrière les murs chargés d’Histoire se cache désormais un bâtiment ultramoderne, équipé de tout le confort. Son dernier étage s’ouvre sur une terrasse ensoleillée offrant une vue panoramique sur l’ensemble du port, jusqu’à la mer du Nord.

Deux étages plus bas, TM Edison a été le premier à y installer son quartier général. Ce consortium, entre les entreprises DEME et Jan De Nul, a été chargé par Elia de construire l’île Princess Elisabeth, la première île énergétique au monde. Celle-ci se situera à quelques kilomètres de la côte.

Ce hub électrique doit relier les parcs éoliens offshore au continent et établir de nouvelles connexions avec le Royaume-Uni et le Danemark. Début 2023, le port et l’opérateur du réseau ont déjà conclu un accord de concession pour un site de 3 000 mètres carrés. D’ici 2025, ce dernier abritera un centre de services d’Elia. Il s’agira de la base d’opérations pour les inspections et la maintenance des parcs éoliens offshore.

En piètre état

Avant cette rénovation, le bâtiment historique était en mauvais état. Une situation assez révélatrice de l’état du port lui-même. En raison de plusieurs années de mauvaise gestion et de manque d’investissements, le port d’Ostende était à l’agonie en 2018. Lorsque le PDG Dirk Declerck a pris ses fonctions, il s’est bien vite rendu compte que la société qui géré le port autrefois manquait de vision: “C’est une chose de sortir du rouge, mais cela en est une autre de le faire d’une manière structurellement durable. Ostende n’est pas une plaque tournante mondiale comme Anvers. Les entreprises ne s’installent pas naturellement sur nos sites, nous devons donc nous démarquer en excellant dans certains secteurs d’activité.”

Un groupe de travail a ainsi défini cinq marchés :
– l’économie bleue (toutes les activités économiques liées à l’eau, de l’énergie offshore à l’aquaculture) ;
– le transport par transbordement et le vrac ;
– l’industrie circulaire, le transport par transbordement et les croisières ; et
– la pêche.

Ces secteurs sont soutenus par deux principes fondamentaux : la priorité donnée à la sécurité, à la santé et à l’environnement, d’une part, et le soutien à l’innovation et au développement durable, d’autre part. “C’est la base de notre engagement social, car nous ne pouvons pas continuer comme nous l’avons fait au cours des 100 dernières années”, a déclaré M. Declerck.

Quadruple hélice

“Nous avons été le fer de lance de l’industrie circulaire en 2018”, déclare M. Declerck. “À l’époque, tout le monde nous déclarait fous, aujourd’hui nous avons ici un cluster que les autres nous envient.”

Une entreprise qui s’est presque immédiatement installée dans le port est Renasci, rachetée depuis par le géant de la chimie Borealis. L’usine de recyclage transforme les déchets plastiques en un dérivé pétrolier qui servira lui de nouvelle matière première. Elle a récemment été rejointe par la start-up belgo-néerlandaise Advanced Plastic Purification International (APPI), qui transforme les plastiques inutilisables en matières premières pour de nouvelles applications plastiques. L’usine produira en grande partie sa propre énergie, sera totalement neutre en carbone et emploiera 110 personnes.

“Notre mission est de créer de la croissance économique qui débouche sur des emplois durables”, explique M. Declerck. “Un entrepôt n’employant que deux personnes n’a pas sa place ici. Et un nombre suffisant d’emplois est essentiel pour créer un port durable”. Depuis que M. Declerck a pris ses fonctions de directeur général, 15 entreprises durables se sont déjà installées ici, dont 11 sont pleinement opérationnelles et toutes avec une approche durable ou innovante.

Les succès ne sont pas tombés du ciel. Pour établir un modèle viable et durable, le port d’Ostende a collaboré avec la KU Leuven pour mettre en place en 2019 une quadruple hélice. Il s’agit d’une communauté au sein de laquelle les institutions, les entreprises, les pouvoirs publics et les citoyens unissent leurs forces. Cette communauté investit ainsi massivement dans la connaissance, la recherche et le développement. Bientôt, un secteur supplémentaire sera ajouté : à partir de septembre, le port s’associera à l’Université libre de Bruxelles pour une série de cours de master visant à préparer de manière durable les organisations à l’avenir.

“Dans les bandes dessinées, les chefs d’entreprise sont encore représentés comme des hommes à la recherche du profit, avec une grosse usine et des panaches de fumée noire en arrière-plan”, explique M. Declerck. “Cette image appartient vraiment au passé. La grande majorité des entreprises ont pris désormais des mesures en matière de sécurité, de santé, d’environnement et de climat. Un plan de développement durable n’est plus un simple gadget qu’il est sympathique d’avoir, mais un indicateur de performance essentiel (KPI). C’est dans ce domaine que nous voulons continuer à soutenir les entreprises”.

Économie bleue

Le port participe également au parc scientifique d’Ostende, un centre de connaissances de haute technologie entièrement consacré à la marine et aux activités maritimes. L’accent mis sur l’économie bleue n’est pas une coïncidence. Le port d’Ostende est la plaque tournante de l’éolien offshore dans la partie sud de la mer du Nord. C’est en partie pour cette raison qu’Elia a choisi ce site portuaire pour établir son nouveau centre de services et que le consortium TM Edison est basé à la Stapelhuis Entrepot.

La construction de l’île Princess Elisabeth en tant que tant que zone d’interconnexion et de distribution de l’énergie produite est le prélude à la zone Princess Elisabeth. C’est là que la prochaine génération d’éoliennes sera construite. Celles-ci devraient produire 3,6 gigawatts d’énergie supplémentaires d’ici 2030. Un gigawatt d’énergie équivaut à la consommation énergétique d’environ 1 million de ménages, ce qui permettrait de développer l’énergie verte. Par ailleurs, si la construction de ce parc éolien n’a pas encore été attribuée à une entreprise ou à un port – Dunkerque et Flessingue sont également dans la course – le port d’Ostende a l’avantage de disposer de nombreux services de soutien déjà établis sur ses sites. De plus, l’an dernier lors des Belgian Offshore Days, le port d’Ostende a reçu un prix décerné par la communauté des affaires pour son rôle dans l’économie bleue.

“Mais notre cluster « bleu » ne se limite pas à l’énergie éolienne offshore”, précise M. Declerck. “Ces dernières années, nous avons participé à trois projets européens axés sur les systèmes énergétiques à faible émission de carbone pour le transport maritime. ISHY, H2Ships et Inn2Power. Ils se sont concentrés sur le développement de l’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables. Comme nous voulons soutenir l’ensemble de la transition énergétique, nous facilitons donc également la construction d’une station d’avitaillement en hydrogène pour approvisionner les navires.”

Un port durable Un port durable commence par l’autorité portuaire elle-même, et M. Declerck admet qu’il y a encore du travail à faire dans ce domaine. Il faut d’abord rattraper le retard d’investissement en matière d’entretien et de sécurité, à imputer à l’ancienne autorité portuaire. “Il ne faut donc pas croire que nous sommes aveugles à nos propres domaines d’amélioration dans le port”, a déclaré M. Declerck. “Nous avons déjà formé des groupes de travail pour examiner nos opérations internes et les rendre plus durables. Ils définiront les mesures à prendre pour y parvenir. Par exemple, je rêve de numériser entièrement le port. Nous y travaillons. J’aimerais que nous soyons plus avancés, mais cela viendra petit à petit dans les prochaines années.”

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