Dans une récente analyse, Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG, établit un lien direct entre les déficits publics belges et les taux d’emploi particulièrement bas en Wallonie et à Bruxelles. Selon l’économiste, il est possible de combler le déficit sans une politique d’austérité.
L’impact d’un taux d’emploi plus élevé sur les finances publiques peut difficilement être surestimé. Dans son étude “Les finances publiques de Wallonie, Bruxelles et Belgique dégradées par des taux d’emploi trop bas”, l’économiste Eric Dor (IESEG School of Management) démontre comment les caisses de l’État belge perdent des milliards en raison d’un taux d’emploi trop faible.
L’économiste rappelle le mécanisme en jeu. Les recettes des régions et communautés dépendent partiellement des impôts collectés sur leur territoire, notamment l’impôt sur les personnes physiques. Celui-ci est directement lié aux revenus générés par les résidents, composés principalement de revenus du travail. Plus le taux d’emploi est élevé, plus les recettes fiscales sont donc importantes.
10,8 milliards d’euros à portée de main

Actuellement en Belgique, 75,8% des 24-65 ans sont actifs. C’est le cinquième chiffre le plus bas de l’Union européenne. Seuls la Grèce, l’Espagne, la Roumanie et l’Italie font moins bien. Sur cette base, Eric Dor pose un calcul implacable : “Il est aisé de calculer que si le taux d’emploi de la Belgique, pour la population de 25 à 64 ans, était à la moyenne européenne de 78%, ce qui est peu exigeant, les recettes de l’ensemble des administrations publiques belges seraient supérieures de 10,8 milliards d’euros et leur déficit aurait été limité à 2,7% du PIB en 2024 au lieu de 4,5%. Le déficit serait ainsi déjà inférieur à 3% du PIB sans nécessiter de mesures d’austérité.”
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Des disparités régionales alarmantes
Dans la tranche des 25-54 ans, les écarts régionaux se révèlent importants. Pour l’année 2024, la Flandre affiche un taux d’emploi de 89,8%, ce qui la place à la 24ème position sur 92 régions européennes. À l’inverse, la Wallonie (80,5%) et Bruxelles (78,3%) se retrouvent en queue de peloton, aux 86ème et 89ème places.
Ces taux d’emploi réduits compriment les recettes publiques malgré une fiscalité déjà très élevée. Les revenus primaires par habitant en 2023 illustrent l’ampleur des écarts : 36.200€ en Flandre, 30.800€ à Bruxelles, 28.800€ en Wallonie. Entre provinces, les disparités vont de 25.600€ en Hainaut à 41.400€ en Brabant flamand.
Eric Dor identifie trois défis majeurs dans ce contexte.
Trois défis majeurs
1. L’accès difficile à l’emploi des populations nées hors UE
Bruxelles compte 35,7% de personnes nées hors Union européenne, contre 13,3% en Flandre et 14,1% en Wallonie. Pour tout niveau de qualification et région de résidence, la population née en dehors de l’Union a toujours un taux d’emploi inférieur.
Les raisons sont multiples, expose l’économiste : discriminations indues à l’embauche, connaissance insuffisante du néerlandais, du français et de l’anglais au départ de leur pays de naissance, inadéquation de leur formation initiale au marché du travail local.
- Des écarts régionaux significatifs
Toutefois, le taux d’emploi des personnes nées hors Union reste très supérieur en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles. En Flandre, le taux d’emploi global de ces personnes est de 69,4%, contre 62,1% à Bruxelles et 59,2% en Wallonie. Même pour les peu qualifiés nés hors UE, le taux d’emploi en Flandre (55%) reste supérieur à celui de Bruxelles (43,4%) et de la Wallonie (43,6%).
Eric Dor souligne qu’augmenter le taux d’emploi nécessite d’apporter une assistance particulière aux populations nées à l’étranger, là où leur proportion est forte. Les autorités publiques doivent activer des politiques appropriées pour aider cette population à accéder à l’emploi.
2. La polarisation des qualifications
Bruxelles présente, par ailleurs, une population fortement polarisée : 53,7% de diplômés du supérieur mais 21% de personnes peu qualifiées (au maximum le cycle inférieur du secondaire). En Wallonie, 19,7% de la population de 25 à 64 ans n’a qu’un diplôme du secondaire inférieur, avec un pic à 24% en Hainaut.
Le taux d’emploi augmente statistiquement avec le niveau d’éducation. À Bruxelles, il varie de 45,2% pour les peu qualifiés à 83,9% pour les diplômés du supérieur.
3. Le faible taux d’emploi des seniors
Les 55-64 ans affichent des taux très faibles dans toutes les régions : 58,3% en Wallonie, 61,8% à Bruxelles et 67,1% en Flandre. Bruxelles et la Wallonie se classent aux 77ème et 84ème places sur 91 régions européennes. Même en Flandre, le taux d’emploi des 55-64 ans reste médiocre en comparaison européenne.
Augmenter le taux d’emploi : une nécessité absolue
L’économiste est catégorique : “Aussi longtemps que le taux d’emploi en Wallonie et à Bruxelles est inférieur aux taux d’emploi de la Flandre, il est illusoire d’espérer que leurs habitants puissent se payer les mêmes services publics et d’enseignement que ceux de la Flandre.”
Augmenter le taux d’emploi en Belgique, et surtout à Bruxelles et en Wallonie, n’est donc pas une option mais une nécessité pour assainir les finances publiques sans recourir à l’austérité. Avec 10,8 milliards d’euros de recettes supplémentaires à portée de main, la solution existe. Reste à la mettre en œuvre…
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