Ceci. Exactement ceci. Le fait qu’à ce moment précis, vous preniez le temps de faire une pause, de vous asseoir, voire – qui sait? – de vous allonger pour lire cette page. En l’an 2022, c’est devenu une forme de luxe. Nous avons en effet peu à peu perdu le don de nous concentrer sur ce qui compte. Ou du moins sur ce qui nous rend heureux. Le journaliste Johann Hari l’exprime avec justesse dans son nouveau livre Stolen Focus: “C’est comme si notre société avait été aspergée de poil à gratter. Nous passons nos journées à nous gratter, nous frotter, et nous avons ainsi perdu notre capacité à concentrer notre attention”. Dès lors, nous
recherchons des façons de la restaurer. Le sport peut parfois se révéler d’une aide précieuse – c’est ce qu’affirme l’entrepreneure de mode Virginie Morobé dans une nouvelle rubrique baptisée “Press Pause”. Les moments de détente se voient accorder une place de choix dans la nouvelle version de ce magazine. Sous la forme d’une interview, d’un trait de poésie ou d’une playlist relaxante. Soit de quoi relâcher la pression durant quelques instants.
J’éprouve moi-même des difficultés à ne rien faire. Du genre à être à l’affût, durant plusieurs semaines, d’une journée de liberté, et à se sentir coupable une fois le jour venu? Enchantée. Si je ne m’emploie pas à travailler ou à m’occuper des enfants, la nervosité s’empare de moi. La quiétude m’inquiète et pourtant, je ne cesse d’y aspirer. Je parais n’avoir jamais de temps à y accorder mais je consacre volontiers une heure à faire un tour sur Instagram.
La concentration? Un luxe. Soyez-en sûrs.
Mais les formes traditionnelles, matérielles, du luxe ne me sont pas étrangères non plus. Je suis assurément du genre à éprouver un bonheur intense à l’acquisition d’un nouveau sac à main, d’une belle paire de lunettes ou du pantalon parfait. Bien que cette consommation enthousiaste soit soumise à forte pression. L’eco-shaming jette une ombre sur le shopping insouciant. A raison? Sans aucun doute. De manière disruptive? Absolument. Le monde de la mode se détourne de l’habillement et prend, lui aussi, toutes sortes de tangentes – industrie du jeu vidéo, horeca, show-rooms aux allures de parc d’attractions… Qu’il s’agisse là de la solution au gigantesque problème des déchets, j’en doute. En revanche, l’attention accordée aux pièces vintage – telle la montre de Valéry Gijsemberg dans la rubrique My Precious – ne peut que s’avérer un état d’esprit bénéfique à la Terre. Tout comme les emballages des chaussures Morobé, entièrement fabriqués en matériaux recyclés. Il revient au secteur du luxe de jouer un rôle de chef de file dans l’ensemble du débat sur la durabilité. Car, reconnaissons-le, se trouver dans la possibilité de faire des choix et de prendre des décisions durables, est et demeure bel et bien… un luxe.
An Bogaerts – Rédactrice en chef Trends Style – an.bogaerts@roularta.be – @trendsstylemagazine