Ana Milena Hernández Palacios et le Belge Christophe Penasse du studio Masquespacio: «La normalité n’est pas pour nous»

Ana Milena Hernández Palacios et le Belge Christophe Penasse du studio Masquespacio enchaînent les récompenses. Trends Style a visité leur studio à Valence.

«Young talent of the Year» et «Interior designers of the Year» ne sont que deux des nombreux prix que compte le palmarès du studio de design Masquespacio de Christophe Penasse et d’Ana Milena Hernández Palacios. Christophe et Ana se sont rencontrés à Valence il y a une quinzaine d’années. Unis dans la vie, ils ont décidé d’unir aussi leurs forces et talents créatifs. Ana en tant qu’architecte d’intérieur, Christophe en tant que spécialiste en marketing et développement commercial. Le studio de design Masquespacio était né. Tout en couleur, passion et optimisme débordant. Et c’est toujours le cas, même si leur salon, qui a été leur QG pendant les premières années, a depuis été troqué contre un grand studio de design, créatif et coloré, juste en dehors de Valence. C’est là qu’ils travaillent avec leur équipe pour une clientèle mondiale et sur leurs projets personnels, à la frontière entre art et design.

CHRISTOPHE PENASSE «Ana et moi n’avons pas grandi dans des familles d’entrepreneurs, nous avons dû nous débrouiller seuls

Un optimisme débordant

Christophe ouvre le portail de leur nouveau studio de design, qui est aussi leur lieu de vie, et m’accueille chaleureusement. Le hotspot de Masquespacio se trouve en plein champ, juste en dehors de Valence. Je pénètre dans une pièce colorée où une membre de l’équipe rempote des dizaines de plantes pour leur donner une nouvelle place dans l’intérieur flashy. Dans le fond du studio photo, on prépare un important packshot. Ana n’est que concentration. Elle encadre l’équipe, mais prend aussi le temps de m’accueillir avec passion en espagnol.

«Parfois, la réalité nous rattrape vraiment», poursuit Christophe. «On nous propose des projets dont nous n’avions jamais osé rêver. Par exemple, nous avons récemment signé un projet de 20 000 mètres carrés en Thaïlande. Nous allons concevoir tout l’intérieur et l’atmosphère d’un centre commercial. Nous rentrons d’Arabie saoudite où nous avons visité des projets, comme le Fat Sal’s à Riyad et le MO et le 20 Grams à Al Khobar. Nous avons aussi développé le premier club pour Lynk & Co à Barcelone et au printemps, nous célèbrerons le lancement de notre partenariat avec le détaillant français Monoprix. C’est une façon pour nous de faire découvrir notre style de façon abordable à un public plus large. Il y aura certainement d’autres projets. Le principal dans les collaborations de grande envergure, c’est de rester fidèle à soi-même, à son style et à sa façon de travailler. Et trust me, il nous est arrivé très souvent de devoir dire non.»

L’entreprise de Yin & Yang

«Ana et moi sommes à cent pour cent yin & yang. Elle, c’est la créatrice Latina passionnée et moi, je suis le Belge terre-à-terre, plutôt axé sur les affaires. (rires) Et oui, vivre et travailler ensemble mène parfois à des situations explosives. Mais de moins en moins, car nous pratiquons consciemment la méditation et surveillons notre état d’esprit. De plus, notre cœur et nos intentions vont dans la même direction. Nous nous basons toujours sur notre intuition pour choisir nos collaborations. Les noms prestigieux ou l’appât du gain ne seront jamais le facteur décisif, mais plutôt la façon dont nous ressentons la communication et la passion de nos clients pour leur entreprise. Nous sommes très sélectifs, mais pas exclusifs. Heureusement, nous sommes toujours sur la même longueur d’onde à ce niveau. Nous évoluons ensemble.»

«Nous avons tout créé en partant de rien. Au moment où nous avons commencé notre relation en 2008, la crise financière en Espagne a eu l’effet d’une bombe. Ana étudiait l’architecture d’intérieur et travaillait dans un bar le week-end. J’avais un diplôme en marketing en poche et j’étais venu à Valence pour améliorer mon espagnol. J’ai aussi travaillé en tant que représentant commercial pour Makro, mais c’était loin d’être le boulot de mes rêves. Déjà à l’époque, j’étais époustouflé par la créativité d’Ana et j’avais envie de monter mon entreprise. Je lui ai proposé qu’on se lance ensemble. Heureusement, elle a dit oui. Il faut savoir que nous n’avons pas grandi dans des familles d’entrepreneurs. Ma mère a travaillé toute sa vie dans une blanchisserie et la famille d’Ana ne s’intéresse pas du tout à l’architecture d’intérieur. Nous avons dû nous débrouiller seuls. Je peux vous garantir qu’au début, nous avons fait énormément d’erreurs. Mais notre enthousiasme et notre dynamisme ne nous ont jamais fait défaut. Au début, nous avons fait imprimer des milliers de flyers décrivant les services que nous proposions. Nous les avons distribués nous-mêmes et c’est de cette façon que nous avons eu nos premiers clients. On nous commandait la rénovation d’une salle de bains ou d’un appartement, mais très vite, nous avons compris que ce n’était pas notre truc: trop peu de créativité et d’intérêt pécuniaire. Nous ne faisions presque pas de bénéfices.»

Foodies

«Comme nous sommes des foodies, nous avons décidé de changer de marché et de nous concentrer sur les restaurants. D’abord, de petits restaurants, puis de grands restaurants, et ensuite des bureaux et des boutiques. Nos projets font régulièrement l’objet d’articles dans la presse, ce qui décuple les demandes. Nous aimerions aussi réaliser des projets d’hôtels, mais c’est un autre marché. Nous sommes un studio créatif. Nous concevons tout l’aspect créatif et nos clients en assurent la réalisation avec leur équipe. Cela ne nous dit rien de gérer les rénovations. Elles peuvent rapporter beaucoup d’argent, mais tout autant de soucis. Elles nous écartent de notre objectif et sont source de stress. Nous voulons rester créatifs et libres dans notre façon de penser et d’être.»

«Nous avons toujours eu l’intention de percer au niveau international, mais c’est un travail de longue haleine, d’autant plus que nous écoutons nos intuitions et que nous n’avons pas de stratégie commerciale bien définie. Notre façon de travailler est simple. Nous présentons nos projets sur notre site web, sur les réseaux sociaux et dans la presse. Ce qui nous permet de nouer de nouveaux contacts. Il faut donc du temps pour percer. D’autant plus que nous travaillons dans plusieurs pays. Géographiquement, nous ne nous concentrons pas sur un seul marché. C’est plus stimulant, mais les progrès sont plus organiques et plus lents.»

Believe & dream big

«Nous avons toujours continué à croire en Masquespacio, même dans les moments difficiles. Aujourd’hui, les gens voient l’entreprise mondiale, mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que pendant les cinq premières années, nous avons dû survivre sur un seul salaire espagnol pour pouvoir réaliser ce rêve. Je suis passionné par la pleine conscience. J’ai 39 ans. Je m’interroge souvent: ‘Si tout va bien, combien de temps me reste-t-il et qu’est-ce que je veux faire du temps qu’il me reste? ’ Et la réponse est toujours créer et en profiter. C’est ce qui nous fait avancer. C’est pourquoi nous sommes de plus en plus sélectifs quand il s’agit des projets que nous acceptons, des clients avec lesquels nous collaborons et des membres de notre équipe. Il n’y a pas de place pour la négativité. Nous devons tous être sur la même longueur d’onde.»

Mas Creations

«En 2020, notre passion nous a menés à lancer notre label ‘Mas Creations’. Il s’agit de projets d’architecture d’intérieur visuels très personnels, d’installations et d’objets qui se situent à la frontière entre l’art, le design et la technologie. Notre core business reste le design d’intérieur pour les clients de Masquespacio, mais nous avions besoin d’une activité dans laquelle nous exprimer pleinement. Avec Mas Creations, nous pouvons mettre en valeur et faire évoluer notre style indépendamment d’une mission ou d’une collaboration. C’est très libérateur. C’est un projet qui va s’épanouir, car il a énormément de potentiel. C’est aussi une façon de présenter au monde notre vision des couleurs, des formes, des matériaux et de la création d’une atmosphère. L’année dernière, nous avons présenté une expo en solo à la semaine du design de Milan. En plus du design et de l’impression 3D, nous nous intéressons également aux NFT et à l’intelligence artificielle. Nous avons donc été repérés par toute une communauté du métavers. Ce sont des choses qui m’intéressent beaucoup et qui nous donnent accès à un nouveau monde que nous pouvons contribuer à créer. En même temps, nous sommes également attirés par l’extrême opposé du spectre: encore plus de handmade, réaliser des designs et des projets aux formes organiques, en coopération avec des artisans locaux. Avec Mas Creations, par exemple, nous allons relancer une nouvelle collection dont nous produirons la majeure partie en interne. Nous venons d’acheter les machines nécessaires. L’objectif est de choisir résolument la durabilité et de maîtriser l’ensemble de la ligne de production. Avec Masquespacio, nous allons également essayer d’améliorer la durabilité des projets commerciaux. En ce moment, nous travaillons sur le projet d’une ferme biologique pour un client du sud de l’Espagne. Comme vous pouvez le constater: la normalité, ce n’est pas notre tasse de thé.» (rires)