Le temps devant soi: jeunes et amateurs de montres
Les labels horlogers tentent, parfois désespérément, de cibler les jeunes générations. Comment, à l’appui de modèles coûteux, peuvent-ils y parvenir? Il n’en existe pas moins de jeunes amateurs d’horlogerie. Trois vingtenaires témoignent de leurs passion pour les montres mécaniques.
ROBIN VAN LAER – 26 ANS – MERKSEM – SPÉCIALISTE PRODUITS CHEZ POLESTAR
Comment cela a-t-il débuté?
“J’étudiais la gestion de PME à Anvers, et un camarade de classe a acheté une Rolex Daytona, réf. 116520, à cadran blanc. Cette montre a déclenché ma passion et, très vite, s’est imposé à moi le désir d’en faire quelque chose – la gestion de PME n’était pas pour moi. J’ai donc suivi une formation d’horloger.”
Votre première montre?
“Une Tissot Visodate. Dans ma recherche d’une première “vraie” montre, j’en suis rapidement venu à Tissot, synonyme pour moi de rapport qualité-prix. A 18 ans, je ne disposais pas d’un énorme budget, cette montre était parfaite pour débuter.”
Comment vivez-vous votre passion?
“Je ne travaille plus en tant qu’horloger, mais je suis le président du Belgium Watch Club. Nous sommes un groupe de passionnés qui aimons parler de montres. Et nous organisons des événements où les personnes extérieures au club sont les bienvenues. Une manière de faire de nouvelles rencontres et de pouvoir parfois découvrir des montres uniques.”
Qu’est-ce qui rend les montres si fascinantes à vos yeux?
“Le fait que, dans ce monde numérique, les modèles mécaniques soient encore tenus en si haute estime. Leur principe de base est le même depuis les années 1800. Le savoir-faire qui entre dans leur fabrication est phénoménal. Il existe tant de complications différentes – chronographe, calendrier perpétuel, phase de lune… – fonctionnant de manière entièrement mécanique et tirant leur énergie du mouvement du poignet grâce au remontage automatique. Le fait qu’il y ait un si grand nombre de pièces minuscules, assemblées à la main, devant être parfaitement lubrifiées et ne disposant d’aucune marge d’erreur me fascine.”
Votre montre la plus spéciale?
“Ma Méraud Bonaire. La marque Méraud a été lancée par Stijn Busschaert que j’ai rencontré via le Belgium Watch Club et qui est devenu un ami. La Bonaire a été la première montre signée Méraud. Et je possède le numéro de série 000 – un merveilleux petit plus.”
La montre ultime?
“Une F.P. Journe Résonance, de préférence parmi les premières générations.”
Votre marque horlogère favorite?
“Les montres de F.P. Journe ont un style et un caractère que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Le label conçoit essentiellement des montres classiques dotées de très belles complications, mais sa collection compte aussi des montres sportives atypiques. Dont la Centigraphe Sport. Un chronographe précis au centième de seconde, autrefois conçu entièrement en aluminium (boîtier, bracelet et calibre) et qui pèse 55 grammes.”
Comment les marques peuvent-elles se connecter avec les jeunes générations?
“La démarche d’Omega et de Swatch pour la Moonwatch est excellente, selon moi: lancer une montre abordable qui ait un lien avec un segment supérieur. Un manière de fidéliser les jeunes et de faire en sorte qu’ils rêvent du real deal. Une marque peut aussi créer du lien par de petits événements locaux chez des joailliers et y impliquer les clubs horlogers.”
Que signifie le temps pour vous?
“Il est l’un des biens les plus précieux parce qu’il ne peut s’acheter.”
Votre moment favori?
“Chaque passionné de montres répondra 10h10 qui dessine la plus belle symétrie sur le cadran et rend le logo visible.”
MATHILDE HESP – 24 ANS – BRUXELLES – HORLOGÈRE
Comment cela a-t-il débuté?
“Par hasard. Il me fallait opter rapidement pour un cours IATA et j’ai choisi une formation d’horloger parce que je pensais que cela pourrait correspondre à mon caractère. Je suis très consciencieuse et patiente. Et de fait, dès la première leçon pratique qui portait sur une petite horloge de voyage, j’ai été captivée.”
Votre première montre?
“Je ne possède pas une grande collection. La seule que je porte et à laquelle je suis très attachée, est une petite Omega De Ville ancienne que j’ai reçue de ma grand-mère lorsque j’ai commencé mes études. Je suis plus intéressée par le fait de réparer une montre, de la faire exceller. Je préfère travailler sur son mécanisme que la porter.”
Comment vivez-vous votre passion?
“Je travaille dans une boutique de luxe à Bruxelles. Je peux y acquérir de l’expérience dans un environnement professionnel – j’ai pu ainsi suivre des formations de marques prestigieuses par lesquelles je suis fascinée. J’ai aussi ouvert mon propre atelier en tant qu’indépendante, ce qui me permet de me familiariser avec d’autres types et marques de montres. Je partage ma passion sur les réseaux sociaux – sur Instagram (@horlo_gical), une plateforme qui compte une belle communauté de passionnés. J’y ai découvert l’existence de plusieurs autres femmes horlogères, bien que j’en connaisse peu en Belgique.”
Qu’est-ce qui rend les montres si fascinantes à vos yeux?
“Leur mécanique, leur fonctionnement. Plus elles sont petites et/ou complexes, plus elles m’intriguent.”
Votre montre la plus spéciale?
“Je ne suis pas une grande collectionneuse. Sur ma table de travail se trouvent quelques modèles anciens, essentiellement des Pontiac. Ce sont les montres vintage qui me plaisent le plus. Je suis assez fière d’une Omega pour hommes, entièrement en or et assez ancienne. La façon dont le cadran s’est transformé avec le temps est magnifique.”
La montre ultime?
“En tant que femme et dès le début de mes études, j’ai été fascinée par le calibre 101 de Jaeger-LeCoultre. Mais je pourrais pointer nombre d’autres montres.”
Votre marque horlogère favorite?
“Omega. Pour sa diversité, ses mécanismes, sa Moonwatch, ses anciens modèles.”
Comment les marques peuvent-elles se connecter avec les jeunes générations?
“En proposant une gamme à un prix plus accessible et en organisant des événements destinés à un public plus large.”
Que signifie le temps pour vous?
“Il peut arriver qu’il me fasse peur – il passe tellement vite. Cela peut amener à trop réfléchir, ou à empêcher de sortir de sa zone de confort. Je transforme cette peur en élément positif: elle m’incite à profiter de chaque seconde, à repousser mes limites et à vivre la vie avec plus de légèreté et de recul.”
Votre moment favori?
“La tombée de la nuit. L’air libère alors une autre sorte d’énergie.”
MORRIS STEVENS – 27 ANS – BERCHEM – KEY ACCOUNT MANAGER CHEZ RENÉ STEVENS (SPRL)
Comment cela a-t-il débuté et quelle a été votre première montre?
“Chaque année, lorsque nous partions en vacances en famille, nous achetions une Swatch. Et l’enfant que j’étais se réjouissait davantage de la visite à la boutique Swatch que des vacances. Ces montres, je les ai encore. Et je les porte régulièrement. L’amour pour cette marque m’est resté. Quelques années plus tard, j’ai acheté un modèle d’un niveau supérieur: une Omega de 1970 dotée d’un magnifique cadran blanc en nid d’abeille. Depuis, je n’ai jamais cessé de rechercher des montres intéressantes. Tout collectionneur le confirmera: on cherche toujours à retrouver la sensation du premier achat.”
Comment vivez-vous votre passion?
“Peu importe l’âge, le budget, l’étendue des connaissances que l’on a, il est toujours agréable de converser avec des personnes partageant la même passion et que l’on ne rencontrerait jamais autrement.”
Qu’est-ce qui rend les montres si fascinantes à vos yeux?
“Leur caractère intemporel, tant en matière de design que de fonctionnement. Un téléphone ou un appareil photo sorti il y a deux ans fait figure de technologie dépassée et a déjà perdu largement de sa valeur. Mais des montres de 60 ans d’âge ou plus peuvent encore se porter aujourd’hui, valant même parfois davantage que lorsqu’elles étaient neuves. Elles ont souvent accompagné des personnes toute une vie durant.”
Votre montre la plus spéciale?
“Dans les années 1980, certaines entreprises avaient pour habitude d’offrir une montre à leurs employés après plusieurs années de service ou au moment de leur départ à la retraite, en reconnaissance de l’ensemble d’une carrière. Généralement, il s’agissait d’un modèle d’une marque populaire – Omega, Rolex, Bulova, Seiko… – dont le cadran était estampillé du logo de l’entreprise, et le fond, gravé d’un texte de remerciement. D’une telle montre, on sait tout – qui l’a reçue, à quelle date, et combien de temps son propriétaire a travaillé dans l’entreprise – et voilà que 40 mystérieuses années plus tard, il en est une de l’autre bout du monde qui s’est retrouvée entre mes mains.”
La montre ultime?
“Il est agréable de rêver à des montres dotées d’une infinité de complications et aussi coûteuses qu’une maison, mais je ne me sentirais pas à l’aise d’en porter une en rue. Pour moi, la montre ultime est celle à l’appui de laquelle se construisent des souvenirs. Que l’on porte lors de son mariage, de la naissance d’un enfant, de moments spéciaux. Et donc avec laquelle on gardera toujours un lien particulier.”
Votre marque horlogère favorite?
“Je suis un grand fan des horlogers indépendants. Ces labels – MB&F, Akrivia, H. Moser & Cie, F.P. Journe… – n’ont aucun compte à rendre à une société mère et maintiennent délibérément une production limitée. Ce qui leur autorise une énorme liberté créative.”
Comment les marques peuvent-elles se connecter avec les jeunes générations?
“En demeurant à l’écart du battage médiatique et en développant leur propre identité de marque. De nombreux labels proposent des copies de ou des hommages à des modèles populaires. Il s’agit souvent de produits manquant d’inspiration et qui finissent par se ressembler tous.”
Votre moment favori?
“Celui de l’apéritif.”
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