“Ma propre chambre est une prison.” Dixit Marcio Kogan. “A l’époque où j’ai aménagé mon appartement, dans les années 1970, cet espace était tenu pour peu important.” Il en va autrement aujourd’hui, et le lit Brasilia que
l’architecte brésilien a conçu pour Minotti lui a valu le Wallpaper* Award du “Best Quite Space”. Car “être seul est devenu un luxe”
Qui, en termes de décoration d’intérieur, pense “calme et sérénité” tourne rapidement son regard vers le minimalisme. Le minimalisme pur n’est toutefois pas dans les goûts de Marcio Kogan, architecte réputé originaire de São Paulo. Sa salle de séjour – vue lors de l’entretien via Zoom – paraît compter un mur plein de souvenirs, parmi lesquels des voitures
miniatures et même le célèbre masque du film Scream. “Ce mur parle de moi. Il avait déjà cette allure-là bien avant que Zoom ne soit inventé (rires).”
DORMIR À LA JAPONAISE
La collaboration entre Marcio Kogan et le label de luxe italien Minotti date, elle aussi, d’avant la pandémie. “Il y avait eu un premier contact il y a huit ans environ, qui a mené plus tard à la collection Quadrado en version outdoor.”
Caractérisée par un quadrillage en bois inspiré des caillebotis de bateaux de plaisance, cette ligne a connu d’emblée un grand succès. Tout comme la collection Brasilia, dessinée, elle aussi, par Marcio Kogan et relevant du même esprit (la structure quadrillée fait place à un lattis). La création la plus récente est le lit Brasilia, une pièce de mobilier luxueuse comprenant une tête de lit enveloppante en bois et un matelas bas semblant flotter au-dessus du sol. “J’aime les lits bas. Un peu à la façon dont dorment les Japonais. Selon moi, ce lit aurait pu être plus bas encore mais je comprends que cela ne convienne pas à tout le monde. Travailler à la conception d’un lit est intéressant parce qu’il n’en existe que peu sur le marché qui soient de qualité. Trouver un bon lit s’avère compliqué. J’en parle en connaissance de cause – j’en conçois sur mesure pour chaque projet quasiment.”
Un bureau installé dans la chambre peut mettre à mal notre repos
L’effet de légèreté – presque de flottement – du lit Brasilia est caractéristique de l’ADN du bureau d’architectes de Marcio Kogan, le Studio MK27. Tout comme l’est l’utilisation de bois. Chaleur et simplicité, inspirés du modernisme brésilien. “Nous sommes des enfants de ce mouvement artistique des années 1950 et 60. Une période magique pour le Brésil. Bien que nous vivions relativement isolés du reste du monde, des choses merveilleuses ont été réalisées au cours de ces décennies. Pas uniquement sur le plan de l’architecture. Ce fut aussi une période faste en matière de musique. Etudiant, je me suis, bien sûr, opposé au style
architectural dominant – c’est propre à la jeunesse – mais j’ai très vite compris combien une combinaison de qualité, de chaleur et de retenue pouvait être puissante.”
ESPACE DE QUIÉTUDE
Le Studio MK27 est un bureau prestigieux qui développe des projets publics dans le monde entier – dont le complexe d’habitations Somosaguas dans la banlieue de Madrid, l’aménagement intérieur de la boutique MiCasa Vol.C à São Paulo et le Patina Hotel aux Maldives. Mais il est plus connu encore pour ses villas très inspirées, jouissant d’une situation particulière et destinées à des maîtres d’ouvrage exigeants. “Nos clients savent ce qu’ils veulent. Et nous sommes, bien sûr, les premiers à observer les tendances en cours dans la façon dont les gens vivent et travaillent.” Le bureau d’architectes évalue ainsi les priorités. “Dans une habitation, le confort est l’élément le plus important. C’est aussi le cas dans la chambre à coucher. L’intégration de tables de nuit dans la structure enveloppante de la tête de lit en est un exemple.”
Marcio Kogan a vu croître l’importance accordée à l’ambiance relaxante de la chambre à coucher. “Dans les années 1970, l’accent était mis davantage sur les espaces favorisant la convivialité. La salle de séjour était devenue le centre de l’habitation, se voyant accorder toujours plus d’espace et d’attention, souvent au détriment de la chambre. Aujourd’hui, nous observons l’inverse: les espaces dans lesquels nous pouvons nous retrouver seuls sont plus importants. Dans le monde connecté actuel, c’est loin d’être acquis.” Ce n’est pas un hasard si le magazine international de design Wallpaper* utilise pour ses Awards non pas le titre “Bedroom” mais “Quiet Space”. “La chambre fait de plus en plus souvent office d’espace de ressourcement mental.” Mais ce n’est pas si simple. Durant la pandémie, l’architecte a vu nombre de ses clients installer un bureau dans leur chambre. “Le calme que l’on y trouve est fragile et peut être compromis par une telle démarche.”
Marcio Kogan ne dispose lui-même que d’une très petite chambre. “Un produit des années 1970, elle aussi (rires).” A la question de savoir à quoi ce designer créatif rêve encore, il a d’abord cette réponse littérale: “Je rêve souvent que je perds tout – mon téléphone portable, notamment”. Puis, à celle de ses ambitions professionnelles, il poursuit en riant: “La collaboration avec Minotti perdure – je travaille sur une collection entièrement nouvelle. Par ailleurs, j’ai une longue liste de projets en attente. Je n’éprouve pas le besoin de concevoir de grandes choses. Je me sentirai très satisfait si je peux continuer à proposer une architecture de qualité dans laquelle le public se sent bien. C’est là notre modeste contribution à un monde meilleur.”
