Quelles expositions sont programmées en Europe cet automne ? Voici notre sélection, parfois en dehors des sentiers battus, ou plus près de chez nous.
1. OLLYWOOD IN THE PICTURE
À Berlin, la Helmut Newton Stiftung met en scène 100 ans d’Hollywood. Né à Berlin en 1920 sous le nom de Helmut Neustädter, Helmut Newton a surtout fait fureur en tant que photographe de mode. Il a fui l’Allemagne en 1938, est devenu Australien, est décédé en 2004 à Los Angeles dans un accident sans tiers, probablement en raison d’une crise cardiaque.
Helmut Newton domine l’exposition à Berlin, mais il est épaulé par de célèbres collègues. Paillettes et glamour dégoulinent des images, et les stars du cinéma sont radieuses et dévoilent leurs villas à Beverly Hills — des perles architecturales du modernisme. Mais l’exposition “Hollywood” met aussi en lumière les aspects plus sombres de l’industrie cinématographique: la pornographie et la prostitution. Quelques séries de photos de rue mettent à nu une ville glauque qui attire les indigents.
Si Berlin vous semble trop loin, découvrez Helmut Newton jusqu’au 25 septembre à Knokke-Heist, dans le bâtiment fraîchement rénové Ravelingen, avec l’exposition “Legacy” (et plus de 300 photographies). Mais ne vous y trompez pas, Hollywood sera à Berlin cet automne.
“Hollywood” — Musée de la photographie, Berlin — jusqu’au 20 novembre 2022.
2. UNE LUEUR DANS LA PÉNOMBRE
Avec “Penumbra”, la Fondazione In Between Art Film présente huit excellentes vidéos, pour trois heures intenses de sensations cinématographiques. L’atmosphère exaltée du décor, le Complesso dell’Ospedaletto, enrichit l’expérience et le cadrage des films nous relie à l’anatomie de l’environnement. Les artistes (originaires d’Italie, de Chine, du Brésil, du Royaume-Uni, d’Afghanistan et de Lituanie) éclairent avec courage la dualité de l’époque contemporaine: vulnérabilité et immunité, vérité et fiction, destruction et attachement, solitude et collectivité.
Et tant que vous êtes à Venise: la 59e Biennale bat toujours son plein. Les expositions phares (Giardini, Arsenale) sont d’une grande beauté. Par ailleurs, ce sont surtout les expos “Open-End” de Marlène Dumas au Palazzo Grassi ; “This is Ukraine: Defending Freedom” à la Scuola Grande della Misericordia ; et “Uncombed, unforseen, unconstrained” au Conservatorio di Musica Benedetto Marcello di Venezia (des bribes de musique s’envolant de fenêtres grandes ouvertes) qui sont inoubliables.
“Penumbra” – Complesso dell’Ospedaletto, Venise – jusqu’au 27 novembre 2022.
59e Biennale de Venise — jusqu’au 27 novembre.
3. UN APPEL À L’ATTENTION
Pas une exposition cette fois, mais un musée. Le nouveau National Museum of Art, Architecture and Design d’Oslo a ouvert ses portes le 11 juin. Les architectes allemands Kleihues + Schuwerk ont conçu ce bâtiment de 54 600 m2 sur la St Olavs Plass, dans le quartier populaire d’Aker Brygge, avec une vue spectaculaire sur le fjord.
Le musée abrite plus de 400 000 oeuvres d’art, dont 6 500 sont exposées dans la collection permanente. Les plus célèbres sont “Le cri” (“Skriket” en norvégien) et “La Madone” d’Edvard Munch, et “Vinternatt i Rondane” (“Nuit d’hiver dans les montagnes”) de Harald Solhberg.
À l’automne, on y exposera des illustrations de contes norvégiens (“East of the Sun and West of the Moon”, jusqu’au 30 décembre) et des gravures de Giovanni Battista Piranesi (18e siècle) qui ont marqué de leur influence la photographie, le cinéma, la peinture, la littérature et l’architecture (jusqu’au 8 janvier 2023). La Triennale d’architecture d’Oslo s’y invite jusqu’au 29 janvier 2023 et du 3 novembre 2022 au 12 février 2023, Laure Prouvost présentera une installation dans la Grande Salle de Lumière.
National Museum of Art, Architecture and Design, Oslo.
4. LA RÈGLE DE TROIS
Il n’y a pas une, mais trois raisons de visiter le Victoria And Albert Museum de Londres (V&A pour faire court) cet automne.
La première, en guise d’avant-goût: l’exposition acclamée “Fashioning Masculinities: The Art of Menswear”, qui a fait couler beaucoup d’encre au printemps, restera ouverte au public pendant quelques semaines encore.
La nouvelle exposition “Hallyu! The Korean Wave” s’intéresse au succès fulgurant de la culture sud-coréenne dans les médias grand public. La mode a été lancée à la fin des années 90, principalement par le biais de la musique pop. La K-Pop a déversé sur le grand public des groupes comme Psy, BTS et Blackpink et il en redemande. Parallèlement, la Corée du Sud excelle aussi dans plusieurs domaines culturels: cinéma, théâtre, beauté et mode.
Et (le choc des cultures pourrait-il être encore plus flagrant? ) aux côtés de la Corée du Sud, l’Afrique aussi se montre sous son meilleur jour au V&A. “Africa Fashion” couvre le monde de la mode sur le continent africain du milieu du 20e siècle à nos jours. L’affirmation de la couleur, de la joie et de la vitalité. Overwhelming!
“Fashioning Masculinities: The Art of Menswear” – jusqu’au 6 novembre 2022 ” Hallyu! The Korean Wave” – du 24 septembre 2022 au 25 juin 2023.
“Africa Fashion” – jusqu’au 16 avril 2023.
Victoria And Albert Museum, Londres
5. CERCLES, CIRQUE
Il ne faut pas toujours aller loin pour être à l’étranger. Prenez le Musée Matisse au Cateau-Cambrésis, lieu de naissance du peintre français, à un jet de pierre de la frontière. Il abrite 170 oeuvres du maître, une invitation aux excursions transfrontalières.
Pour vous convaincre, le musée propose deux expositions temporaires. “Harmonie des Sphères” réunit des oeuvres abstraites géométriques d’Auguste Herbin, Geneviève Claisse et Jean Dewasne, trois artistes du nord de la France férus de sciences exactes. Ils explorent la forme du cercle, leurs compositions entrent en résonance avec les photographies que le spationaute français Thomas Pesquet a faites à bord de la Station spatiale internationale (ISS). L’artiste qui s’inspire de la science et celle du scientifique qui traduit sa fascination de l’espace par la photographie: une rencontre fascinante.
L’exposition “Cirque!” voit le cirque comme une muse. Tériade, de son vrai nom Efstratios Eleftheriadis (1897-1983), invitait les peintres (Chagall, Léger, Matisse, Rouault…) à s’exprimer sur l’univers des clowns, des acrobates et dresseurs de lions. En piste!
“Harmonie des Sphères” — jusqu’au 6 novembre 2022.
“Cirque” — jusqu’au 31 décembre 2022.
Musée Matisse, Cateau-Cambrésis
6. LA NATURE? BIEN SÛR!
Maintenant qu’ils sont menacés, nous reconnaissons les arbres comme des oeuvres d’art de la nature. Une source d’inspiration. Les expositions sur les arbres fleuriss(ai)ent. Il est trop tard pour voir “Boomdromen” au musée Emile Verhaeren de Sint-Amands, mais vous avez encore le temps de visiter “La forêt magique” au Palais des Beaux-Arts de Lille ce week-end.
Mais le véritable paradis terrestre de l’art végétal est le musée Kröller-Müller. Déjà rien que par son emplacement: en plein coeur de la Veluwe. (Le musée plaît aussi aux amateurs d’architecture)
L’exposition “Botanischer Wahnsinn!” (une exclamation de Joseph Beuys lorsqu’en 1976, il essayait en vain de dénicher un rare rhododendron nain japonais dans la végétation de Halifax, au Canada) présente une sélection kaléidoscopique d’oeuvres d’art ayant pour sujet les plantes. Cinq points de vue: scientifique, ethnologique, idéologique, éthique, régénératif. Résultat? De nombreuses nuances de vert. Conclusion? Les plantes sont des êtres intelligents. “Botanischer Wahnsinn!” inaugure une série d’expos écologiques au musée Kröller-Müller.
“Botanischer Wahnsinn” – Musée Kröller-Müller à Otterlo – jusqu’au 30 octobre 2022.
“La forêt magique” — Palais des Beaux-Arts, Lille — jusqu’au 19 septembre 2022.
7. ESPRITS CONFUS
Le voyage le plus lointain, c’est à l’intérieur de soi-même. Sous le titre “VERBINDING (verbroken) / (dis)CONNECTED”, la quatrième triennale de l’Universitair Psychiatrisch Centrum Duffel (UPC) explore l’époque instable dans laquelle nous vivons. L’avenir s’annonce incertain. Il alimente la peur et l’humain se sent désoeuvré, seul, déraciné. Ces changements rapides et successifs empêchent l’apparition de motifs. L’humain perd pied.
Une fois de plus, l’équipe de curateurs a réuni un groupe d’artistes qui s’inspirent de la société: Anouk Declercq, Artur Zmijewski, Marina Abramovic & Ulay, Kris Martin et Gao Brothers ne sont que cinq noms parmi de nombreux autres.
C’est à ce point que l’art peut nous questionner. Mais l’art relie aussi, aux origines, l’homme à lui-même. Prenez donc aussi le temps de découvrir “De Kapel van het Niets –La chapelle du néant”, l’oeuvre/église de Thierry De Cordier dans le domaine de l’UPC. Vous pourrez vous y émerveiller d’un silence à ciel ouvert. Peu de visites d’églises vous marqueront à ce point.
“VERBINDING (verbroken) / (dis)CONNECTED” – Universitair Psychiatrisch Centrum in Duffel – jusqu’au 20 novembre 2022 (du mercredi au dimanche, de 13 h à 17 h).
8. VIVE LES BALKANS
En vous dépêchant un peu, vous ne manquerez pas la 15e édition de la foire d’art quinquennale Documenta, probablement l’expo la plus controversée de 2022. Elle est réalisée par le collectif indonésien Ruangrapa, qui a brisé tous les codes culturels occidentaux. Jusqu’au 25/9, l’art sera abordé de façon totalement anticonformiste à Kassel.
La Documenta a aussi fait polémique dans le monde politique en raison de caricatures antisémites. C’est aussi de politique qu’est empreinte la 14e édition de Manifesta, la biennale européenne nomade. “Manifesta 14 Phristina” traduit l’exigence des citoyens kosovars d’occuper l’espace public (“Public After All” est le nom du volet urbanistique) et de désigner leur capitale d’open-minded metropol.
Une sélection radicale locale vient pimenter le calendrier artistique: sur les 103 participants, 39% sont d’origine kosovare, et 26% ont des racines dans les Balkans. Pourtant, l’exposition principale “The Grand Scheme of Things” interroge la relation entre le Kosovo et l’Europe et critique âprement les restrictions de voyage pour les Kosovars dans la zone Schengen.
“Manifesta 14 Phristina” — Pristina — jusqu’au 30 octobre 2022.
“Documenta” — Kassel — jusqu’au 25 septembre 2022.
9. LA POÉSIE AU PINCEAU
D’accord, vous pouvez admirer les oeuvres d’artistes belges dans les musées du monde entier et sentir votre coeur se gonfler de fierté, et à juste titre. Ann Veronica Janssens expose à Avignon, Berlinde De Bruyckere est à Montpellier et Mondrian est exposé à la fantastique Fondation Beyeler de Bâle, ce qui donne lieu à un affrontement mémorable.
Mais pourquoi ne pas traverser les frontières pour découvrir un artiste venu de loin? Pour la première fois, l’oeuvre de Milton Avery est exposée de ce côté-ci de l’Atlantique (à la Royal Academy of Arts de Londres). Milton Clark Avery (1885-1965) est considéré comme l’un des plus grands coloristes nord-américains du 20e siècle. D’ailleurs, The New York Times remarquait que “Seul Matisse, qui a été pour lui une source d’inspiration, a fait mieux”. Tons harmonieux, formes simples: contempler Avery est un baume pour l’âme. Mark Rothko disait: “À chaque coup de pinceau, Avery célèbre le monde avec une poésie qui pénètre chaque pore de la toile.”

Milton Avery, American Colourist — Royal Academy of Arts, Londres — jusqu’au 16 octobre 2022.
Ann Veronica Janssens — “entre le crépuscule et le ciel” — Collection Lambert,Avignon — jusqu’au 9 octobre 2022.
Berlinde De Bruyckere, “Piller | Ekphrasis” – MO.CO, Montpellier – jusqu’au 2 octobre 2022.
www.moco.art/fr
Piet Mondrian, “Mondrian Evolution” — Fondation Beyeler, Bâle — jusqu’au 9 octobre 2022.
10. FEMMES COLLECTIONNEUSES
En partenariat avec le Louvre, La Boverie plonge dans l’univers de la dynastie Rothschild. Depuis le 19e siècle, la famille Rothschild est légendaire dans l’histoire de nos sociétés. Cette dynastie est devenue au fil du temps synonyme de réussite dans le monde de la finance, mais aussi de richesse intellectuelle et artistique.
Cette exposition mettra en lumière neuf femmes de la famille française. Ignorées par l’histoire de l’art, ces femmes ont été des collectionneuses, bâtisseuses, mécènes et héritières, qui ont contribué d’une manière significative à l’enrichissement du patrimoine historique et des collections des musées français par leurs dons et legs considérables.
À travers une sélection de plus de 350 oeuvres issues d’une quarantaine d’institutions et de collections privées françaises, l’exposition témoigne de l’histoire du goût et du collectionnisme au fil des 19e et 20e siècles. Des oeuvres de toutes époques et de tous horizons: des manuscrits médiévaux, des collections de bijoux et de porcelaines, des objets d’art africain et d’Asie de l’Est et du Sud-Est aux grands artistes, tels que Fragonard, Chardin, Delacroix, Cézanne, Claudel, Rodin, Monet, Schiele…
C’est la première d’une série d’expositions par laquelle La Boverie entend mettre en valeur les collections en 2022-23.
“Collectionneuses Rothschild. Mécènes et donatrices d’exception” – La Boverie, Liège — du 21 octobre 2022 au 26 février 2023.







