Dans les coulisses d’un hôtel cinq étoiles
Entre tradition et modernité, le Palace de Menthon grouille de beau monde et bruisse d’activités. Mais la renommée de cet hôtel de luxe ne s’est pas faite en un jour. Et c’est à la directrice de montrer l’exemple. Moments forts d’une profession trépidante.
Il est 7h30 et le soleil se lève sur le lac d’Annecy. “Même si notre plage privée est fermée à cette époque de l’année, j’y passe chaque matin pour m’assurer qu’aucun dégât – chute d’arbre ou autre – n’est survenu. Je constate ensuite l’avancement des travaux au centre de séminaires, puis je passe par le restaurant et la salle du petit-déjeuner. Enfin, je salue les réceptionnistes avant de me rendre dans mon bureau, où je commence par lire le document de clôture de la veille”, explique Anne Dumez, directrice opérationnelle du Palace de Menthon.
Ici l’activité ne s’arrête jamais
Les pieds dans l’eau, mais pas les doigts de pied en éventail
Diriger un établissement de standing n’est pas une sinécure. Mais la Belge Anne Dumez (53 ans) n’en est pas à son coup d’essai. Elle a notamment été aux commandes du Radisson Blu Palace Hotel à Spa avant de se retrouver en 2017 à la tête d’un hôtel en Guadeloupe puis en France pour le compte du groupe suédois Langley. Directrice du Palace de Menthon depuis août dernier, elle est entrée en fonction en pleine saison d’été. “Le taux d’occupation de l’hôtel avoisinait les 90%. Nous avons ensuite enchaîné avec les vacances de la Toussaint et les fêtes de fin d’année. Ici l’activité ne s’arrête jamais.”
À 9h15, la directrice pilote le Morning Meeting. Cette réunion matinale, qui a lieu tous les jours de l’année dans tous les hôtels du monde, traite des événements de la veille, du jour même et du lendemain. Elle réunit les différents chefs de service qui prennent la parole à tour de rôle pour indiquer des problèmes techniques, un séminaire d’entreprise, le taux d’occupation, etc. Anne enchaîne alors avec le Revenue Meeting. Lors de ce call hebdomadaire, la directrice et trois employées s’entretiennent avec des responsables du groupe basé à Lyon. Les principaux sujets abordés sont les tarifs et les réservations, et force est de constater que l’atmosphère est tendue en raison de la distance qui sépare la théorie de l’opérationnel.
Détenu par le groupe français Lavorel et situé à Menthon-Saint-Bernard, à vingt minutes d’Annecy, le Palace de Menthon bénéficie d’un emplacement exceptionnel entre lac et montagnes. Caractérisé par son imposante façade, il possède 67 chambres et suites, une villa privative, un restaurant, deux bars, un centre de séminaires, un espace de bien-être et un port privatif avec plage. “L’hôtel occupe entre 50 et 80 personnes en pleine saison. Trouver du personnel compétent et motivé est le défi le plus complexe de l’hôtellerie.”
Trouver du personnel compétent et motivé est le défi le plus complexe de l’hôtellerie
Entre deux rendez-vous et après avoir jeté un oeil par la fenêtre pour vérifier que la pause cigarette – qu’elle considère comme une injustice par rapport aux non-fumeurs – ne s’éternise pas, Anne parcourt ses e-mails à haute voix. “Un ancien employé qui a besoin d’une attestation, la responsable informatique qui demande mes identifiants pour l’ordinateur du bar et du restaurant, le directeur RH qui indique que la période d’essai de deux travailleurs est terminée, des collaborateurs qui souhaitent des cartes de visite, la directrice du Black Bass (un autre hôtel cinq étoiles du groupe situé à Annecy, NDLR) qui s’interroge sur les dates de contrat d’un employé que nous nous partageons, les chiffres d’affaires des bons-cadeaux, les triangles et gilets jaunes obligatoires dans les voitures de société…”
Uniquement des e-mails urgents assortis d’un point d’exclamation rouge qui attendront pourtant d’être traités car Thomas vient d’entrer dans le bureau d’Anne pour être promu chef bagagiste. Une nouvelle que la directrice annonce avec convivialité et rigueur. “J’attends de vous que vous fédériez votre équipe et ne restiez pas sans rien faire. Il faut monter l’exemple avec le sourire.”
De l’art de montrer l’exemple
“Je suis directrice, mais aussi serveuse, réceptionniste, bagagiste… Car en tant que responsable, dans n’importe quel métier, il est essentiel de montrer l’exemple. Je ne peux pas imposer à une femme de chambre de nettoyer une salle de bains dans un délai imparti si j’en suis moi-même incapable”, poursuit Anne qui a passé les réveillons de Noël et de nouvel an au Palace aux côtés de ses équipes, loin de sa famille et ses amis belges. “Une directrice doit être là quand il faut et ne pas être là quand il ne faut pas. Après un record de fréquentation pendant les deux semaines de vacances scolaires, j’ai passé trois jours en Belgique avec mes proches.” Un statut d’expatriée qu’elle revendique tout en nuance : “Sur le plan privé, je suis expat car je travaille énormément et n’ai pas (encore) d’amis ici. En revanche, je ne me sens pas étrangère professionnellement parlant. Car un hôtel, qu’il soit situé en Belgique, en Guadeloupe ou en Haute-Savoie, rencontre exactement les mêmes problèmes.”
En tant que responsable, il faut montrer l’exemple
“Appelez-moi Anne”
Le souci du personnel est inscrit dans les gènes de cette directrice. Vers 11h45, elle descend au réfectoire pour s’assurer que tout le monde est bien nourri car le chef dispose d’un budget serré pour préparer les repas des employés, qu’elle invite par ailleurs à l’appeler par son prénom. “Et à 16h, il faudra vider un bureau qui va servir de réserve pour le bar et prendre les mesures pour commander des étagères, sans oublier l’analyse des horaires de la semaine prochaine”, explique-t-elle visiblement très émue tout en racontant son métier trépidant.
Nous profitons d’un moment d’accalmie en début d’après-midi pour aller boire un café au sublime bar de l’hôtel. Anne a-t-elle un leitmotiv ? “Plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui. Certains clients trouvent nos chambres trop petites. Or, elles ont une taille standard et offrent surtout une très belle vue sur le lac. Je ne dois pas entrer dans leur jeu, sinon je me perds. Cela dit, je ne suis pas Wonder Woman et ces critiques de vive voix ou en ligne me touchent bien entendu”, répond-elle tandis que du coin de l’oeil, elle semble avoir repéré un peu de poussière sous le bar.
Il n’y a pas de petits profits, même dans un hôtel cinq étoiles
De retour dans son bureau, un empilement de boîtes nous intrigue. “Ce sont des machines Nespresso”, répond Anne. “La consommation élevée des capsules dans les chambres nous coûtait non seulement très cher, mais elle réduisait aussi notre chiffre d’affaires au bar. Nous avons donc installé de nouvelles machines à café moulu et revendons les anciennes sur Leboncoin.fr.” La preuve que, même dans un hôtel cinq étoiles, il n’y a pas de petits profits, comme en témoigne également le poste de Cost Controller que la directrice vient de créer pour vérifier toutes les factures entrantes. La preuve aussi que c’est le travail qui paie. Toujours.
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