Lynn Tytgat (TheMerode) : « Dans tous mes emplois, je ressens une quête de connexion »
Lynn Tytgat est la nouvelle CEO du members club TheMerode à Bruxelles. Âgée d’à peine 39 ans, son CV est vertigineux : l’ONU à New York, l’UNESCO à Paris et la VUB à Bruxelles. Avec un grand dénominateur commun dans tous les postes occupés : la création de liens.
Pas de public exclusivement masculin ni de débats à connotation politique au sein de TheMerode. En mettant l’accent sur les interactions humaines et la désintoxication numérique, le members club apporte une bouffée d’air frais dans le monde des clubs privés. Une jeune femme, Lynn Tytgat, est désormais à la tête de TheMerode. Elle a gagné ses galons, notamment en tant que chercheuse à l’Université des Nations unies et coordinatrice de weKONEKT Brussels, un projet de la VUB et ULB. Aujourd’hui, elle enseigne toujours une heure par semaine à la VUB, fait partie des 40 under 40 de Belgique et siège aux conseils d’administration de l’Ancienne Belgique, de MAD et de Cinematek. « Il y a beaucoup de pollinisations croisées. J’aime la comparaison avec de petits radars, qui coïncident pour faire tourner la grande machine dans laquelle je m’engage. On apprend beaucoup sur les nouvelles tendances, sur la façon dont les autres organisations se développent et je partage moi-même beaucoup d’informations. Dans tous mes emplois, je ressens très clairement une chose : dans notre monde polarisé d’aujourd’hui, où nous fonctionnons en silos, tout le monde cherche à créer des liens les uns avec les autres. Il y a un besoin de se rencontrer, de s’écouter. Comme le disait le Dalaï-Lama : lorsque vous parlez, vous ne faites que répéter quelque chose que vous connaissez déjà. Mais si vous écoutez, vous pourrez apprendre quelque chose de nouveau. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai accepté le poste de CEO. TheMerode est unique en son genre à Bruxelles. C’est the place to be, mais aussi quelque chose qui n’avait pas encore été créé. Le club veut bâtir des ponts, rassembler des voix différentes. Rester dans sa chambre d’écho avec des personnes partageant les mêmes idées est facile. Parfois, ne pas chercher la confrontation est une bonne chose. Mais il faut être conscient que d’autres avis existent. Pour ne pas ouvrir les yeux du jour au lendemain et se demander comment on en est arrivé là. Que ce soit dans le domaine politique ou social. TheMerode veut créer une communauté. Inutile d’étaler les chiffres de la solitude. Il y a aujourd’hui un grand besoin d’un endroit où aller pour rencontrer d’autres personnes en quête de connexion. Des conférences et des expositions y sont organisées, et on peut y déjeuner ou y travailler. J’aime la comparaison avec une boule à facettes. Nous offrons beaucoup de choses. »
‘Les artistes repensent les choses. Ils ne considèrent pas tout comme acquis’
Brusseleir
« Je veux laisser mon empreinte à TheMerode en renforçant le lien avec l’Europe. De grandes décisions sont prises chaque jour ici à Bruxelles, des décisions qui ont un impact sur notre vie. Il serait dommage de ne pas faire entendre ces voix dans TheMerode et de ne pas dialoguer avec d’autres secteurs. Je veux également sortir des murs de notre beau bâtiment au travers d’excursions, mais je veux aussi que les membres apprennent à mieux connaître Bruxelles. J’aime notre ville hyperdiversifiée. Après Dubaï, Bruxelles est la ville la plus diversifiée au monde, avec quelque 184 nationalités. Chacun est une minorité et cela donne une certaine humilité. Je suis une ambassadrice de Bruxelles. Je participe étroitement aux préparatifs de la candidature de Molenbeek au titre de capitale européenne de la culture. Notre offre artistique et culture est réellement incroyable. Je suis heureuse de contribuer à promouvoir cette visibilité. Mon engagement à Bruxelles s’est considérablement accru lorsque j’ai coordonné le projet weKONEKT pour la VUB.
Léonard de Vinci
‘Jeter des ponts est le dénominateur commun de tout ce que j’entreprends’
La rectrice de l’époque, feu Caroline Pauwels, m’avait demandé de renforcer le lien entre Bruxelles et l’université et de rapprocher l’art et la science. La VUB a été baptisée d’après Bruxelles, mais 70 % de nos étudiants n’y habitent pas. En tant qu’université, nous devons saisir cette opportunité et assumer notre responsabilité. Nous avons développé plus de 300 partenariats dans la ville sur une période de huit ans et envoyé 6 000 étudiants hors campus chaque année. Au début de chaque année universitaire, nous organisons une conférence d’ouverture intitulée Mindblowers avec KVS, au cours de laquelle des artistes et des universitaires se partagent la scène. Nous avons travaillé autour de différents thèmes tels que la résistance, l’imagination ou le pouvoir. Artistes et scientifiques ont toujours abordé ces thèmes sous le prisme de leur expertise : il y a eu des conférences, mais aussi de la musique, de la danse et du théâtre. Comment trouver un terrain d’entente entre l’art et la science ? Je cite souvent l’exemple de Léonard de Vinci, un artiste qui était aussi un scientifique. Il a dit : ‘J’ai besoin de connaître l’anatomie pour sculpter et j’ai besoin de la perspective pour peindre.’ Face aux défis auxquels le monde est confronté aujourd’hui, il faut être capable de jeter des ponts entre les disciplines et les secteurs pour trouver des réponses qui sortent des sentiers battus. Les artistes repensent les choses. Ils ne considèrent pas tout comme acquis. »
Mentor Caroline
« Caroline Pauwels a joué un rôle très important dans ma carrière. Ce qu’elle m’a inculqué, c’est la combinaison d’une vision, de valeurs et d’une bonne gouvernance. Réunir les trois n’est pas évident, mais il faut s’y efforcer en dépit des éventuelles voix qui se lèvent pour dire : ‘Il en a toujours été ainsi, pourquoi changer ?’ Il s’agit également d’oser repenser le statu quo pour et avec les générations futures. Caroline a été ma patronne avant de devenir mon mentor. Je pense encore à elle tous les jours. Je me demande souvent ce que ferait Caroline à ma place. Je suis plus motivée que jamais pour poursuivre ce qu’elle a commencé. Elle savait trouver un parfait équilibre entre la visibilité et l’humilité, même en tant que leader. Caroline m’a également montré que c’était possible, en tant que femme. D’ailleurs, il y a aussi des hommes extraordinaires qui m’ont aidée dans mon parcours. Les femmes ne sont pas les seules à devoir monter au front pour défendre les autres femmes. Nous devons le faire ensemble. Ce mentorat a été très important pour moi et je veux l’offrir aux autres à mon tour. »
Intergénérationnel
« Jeter des ponts est le dénominateur commun de tout ce que j’entreprends. Je crois que cela me vient de mon grand-père. Il a servi dans la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a toujours gardé contact avec des individus de l’autre camp. Il a maintenu le dialogue. C’est aussi comme ça qu’il a pu être averti à plusieurs reprises et retarder sa déportation. Il a finalement été arrêté et emmené à Dachau. Il y a passé un an et demi avant d’être libéré par les Américains. Il ne faut pas forcément être d’accord avec les autres mais, pour lui, maintenir ce dialogue et façonner ainsi la société de manière constructive est très important. Je crois que les traumatismes se transmettent d’une génération à l’autre et mon grand-père a beaucoup influencé ma façon de penser aujourd’hui. Le contexte de Bruxelles y est aussi pour quelque chose. Si vous n’avez pas envie d’être en contact avec les autres, vous n’apprécierez jamais Bruxelles, car tout le monde est différent. Les avis différents sont importants, même dans mon travail. Je pense qu’il est important d’avoir une vision et de promouvoir un fonctionnement participatif. Mais en tant que leader, c’est à vous qu’incombe la responsabilité ultime. Lorsque des décisions sont prises, c’est moi qui en suis responsable. »
par Kristin Stoffels image Martin Pilette
Lynn Tytgat
. A effectué un stage diplomatique aux Nations unies à New York dans le domaine des droits sociaux et économiques et des droits de l’homme.
. A travaillé à Paris pour l’UNESCO et comme chercheuse à l’Université des Nations Unies.
. A été coordinatrice du projet weKONEKT.brussels
. Professeure invitée à la VUB.
. Siège aux conseils d’administration d’AB, de Cinematik et de MAD
. CEO de TheMerode
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