24 heures à Luxembourg : féminisme (un peu), art (beaucoup) et Moscow Mule (passionnément)

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Dotée d’un patrimoine artistique très varié et de nombreux espaces verts, Luxembourg est une capitale active et chaleureuse qui accueille une énorme communauté d’expatriés. Du 8 au 10 novembre se tenait la Luxembourg Art Week. Le prétexte tout trouvé pour traverser la frontière.

Bordé par la Belgique à l’ouest, l’Allemagne à l’est et la France au sud, le Grand-Duché de Luxembourg est une destination touristique de proximité, forte d’une culture hybride aux influences germaniques et latines. C’est aussi le plus petit membre fondateur de l’Union européenne et Luxembourg, sa capitale et sa plus grande ville, abrite plusieurs institutions de l’UE comme la Cour de justice (CJUE) ou la Banque européenne d’investissement (BEI).

Gender fact

Le week-end dernier, nous avions choisi de voyager en voiture et repéré le parking Knuedler, idéalement situé sous la place Guillaume II. Face au panneau “Place réservée aux dames”, nous avons appris de la bouche du gardien qu’au Luxembourg, la plupart des parkings proposent des emplacements réservés à la gent féminine. Plus larges, mieux éclairées et proches des sorties piétons ou des caisses automatiques, ces places permettent de renforcer la sécurité des femmes seules ou avec enfants. Une mesure sexiste ou bienveillante, à vous de juger.

Les préliminaires

Si vous lisez régulièrement cette rubrique 24 heures, vous savez sans doute que nous aimons nous poser autour d’un (bon) café avant d’explorer une (nouvelle) ville. Le Konrad est un lieu plein de charme comme on les aime. Ici on s’installe à une table haute pour savourer un cappuccino à la mousse de lait onctueuse mais légère. Parmi les collations sucrées et salées servies tout au long de la journée, on opte pour un morceau de carrot cake, un gâteau réconfortant riche en noix et bêtacarotène. Les canapés dépareillés, le papier peint vintage et la play-list latino finissent de planter le décor. De quoi nous faire perdre toute notion du temps et de l’espace.

Un casino reconverti

C’est au Casino Luxembourg que nous démarrons notre parcours artistique. Installé dans l’ancien Casino Bourgeois, bâtiment historique du 19e siècle, ce Forum d’art contemporain ne possède pas de collection permanente et a fait le choix de donner libre cours à la diversité des démarches actuelles. La preuve en est l’exposition If Then Else imaginée par le collectif belge Lab[au]. Le trio composé de Manuel Abendroth, Jérôme Decock et Els Vermang s’interroge sur la relation entre art et langage à travers les supports les plus variés. Qu’il s’agisse de textiles, de pigments, de végétaux ou de panneaux d’affichage, chacune des oeuvres est une réflexion sur les mots et les signes, le sens et la façon dont les objets et les formes finissent par composer un langage propre. Ou comment la logique algorithmique et la pensée conceptuelle se rencontrent au coeur d’une exposition qui nous a beaucoup touchés.

If Then Else
If Then Else© Casino Luxembourg

Autre moment phare de notre visite, l’installation vidéo Too much and not enough de l’artiste coréenne basée à Montpellier Mona Young-Eun Kim hébergée dans la salle VR du Casino, un espace exclusivement dédié à la réalité virtuelle. En enfilant le masque VR, nous sommes propulsés à Venise, au milieu des touristes et des magasins de luxe, guidés – ou désorientés, c’est selon – par les commentaires de l’artiste qui alterne anglais, français et coréen. Sur fond des Quatre Saisons de Vivaldi, la vue à 360 degrés nous transporte tantôt dans les rues bondées de la Sérénissime, tantôt sur les plaines paisibles de la toute proche île de Murano. Une expérience immersive totale.

Mona Young-Eun Kim, Too much and not enough, installation vidéo en réalité virtuelle à 360 degrés, 2019.
Mona Young-Eun Kim, Too much and not enough, installation vidéo en réalité virtuelle à 360 degrés, 2019.© Casino Luxembourg

MNHA vs MUDAM

Entre l’ancien et le moderne, nous n’avons pas pu nous résoudre à trancher. Après être sortis bredouilles de Beim Renert, un bistro luxembourgeois typique où toutes les générations d’habitués et de touristes se côtoient mais dont les cuisines étaient malheureusement fermées à notre arrivée et nous être rabattus sur Beet, un restaurant végétalien aux falafels divins, nous nous sommes dirigés vers le Marché-aux-Poissons et son Musée National d’Histoire et d’Art. Comme son nom l’indique, le MNHA est le repaire des amateurs d’histoire, de préhistoire et d’archéologie. Nous nous sommes concentrés sur les étages consacrés aux beaux-arts, et plus particulièrement sur la section des arts anciens, où nous avons admiré quelques belles pièces de Rubens et Ribera entre autres. Mention spéciale à l’accrochage, à hauteur d’homme, qui permet de profiter pleinement des détails et des textures.

Ensuite, direction Kirchberg, l’un des 24 quartiers de Luxembourg, qui abrite notamment les bâtiments des institutions européennes. Les férus d’art y sont aussi les bienvenus, depuis l’inauguration en 2006 du Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean. Joyau architectural implanté dans le Park Dräi Eechelen, le MUDAM abrite une remarquable collection d’art contemporain, où aucun grand nom ne manque à l’appel, de Marina Abramovic à Wim Delvoye, en passant par Sophie Calle ou encore Daniel Buren.

L’oeuvre d’art, un capital (plaisir)

Niele Toroni, Untitled, Empreinte de pinceau n° 50 répété à intervalles réguliers de 30 cm, Acrylic on Wood, Diamètre : 53 cm, 1997
Niele Toroni, Untitled, Empreinte de pinceau n° 50 répété à intervalles réguliers de 30 cm, Acrylic on Wood, Diamètre : 53 cm, 1997© Galerie Albert Baronian/Yoko Uhoda

De Daniel Buren, il a été indirectement question à la Luxembourg Art Week puisqu’il est à l’origine du mouvement B.M.P.T. – qui prônait l’art sans affect – avec trois autres artistes dont Niele Toroni que l’on a retrouvé sur le stand de la galerie belge Albert Baronian/Yoko Uhoda basée à Knokke.

Initié en 2015 par le galeriste luxembourgeois Alex Reding, la Luxembourg Art Week mêle de grandes galeries nationales et internationales établies à des oeuvres à des prix abordables de la main d’artistes moins connus. En arpentant les allées, nous avons eu la bonne surprise de croiser Albert Baronian, galeriste bruxellois au long cours qui a tenu à souligner l’intérêt de cette manifestation : “C’est une foire à taille humaine, moins stressante financièrement que les événements de plus grande ampleur. On peut y mettre en avant de jeunes artistes aux côtés de valeurs établies. C’est avec plaisir qu’on y revient, notamment pour aller à la rencontre des collectionneurs luxembourgeois qui se rendent régulièrement à Knokke. C’est essentiel pour des pays comme la Belgique, le Luxembourg ou une région comme le Grand Est français, qui représentent des marchés assez limités et ont tout intérêt à collaborer.” Il a aussi rappelé que l’art est avant tout une question de plaisir. “Il importe d’investir dans une oeuvre pour les sensations qu’elle procure plutôt que pour l’investissement qu’elle représente.” Ne perdons néanmoins pas de vue qu’il est possible de combiner les deux, comme l’ont indiqué les organisateurs de la Luxembourg Art Week.

Paname

C’est au Paname, qui tire son nom de l’argot utilisé pour désigner Paris et, par extension, la place (de Paris) où il se trouve, que nous avons terminé la journée. Bar où l’on mange un bout plutôt que restaurant où on boit un coup, nous y avons siroté un Moscow Mule et un Pimm’s dans un cadre lumineux qui fait la part belle au végétal, au bois et au laiton. Comme le chantait Léo Ferré, “Paname, ce soir j’ai envie de danser”.

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