Eddy Caekelberghs
Xi Jinping, le chef de l’orchestre diplomatique mondial
La nouvelle intervention directe du président chinois, qui a parlé à Zelensky, pourrait signifier que l’étoile de Poutine pâlit.
Xi Jinping a son troisième mandat dans la poche. L’étape suivante, c’est de consolider sa stature de leader mondial. Détrônant au passage la Maison-Blanche, renvoyée au statut de quasi-belligérant en Ukraine et donc incapable d’incarner, à cette heure, une stature de peace building.
Un camouflet pour Biden
Xi Jinping ne doit pas obtenir des résultats tangibles. Pour l’instant, ces “simples” démarches font de lui le chef de l’orchestre diplomatique mondial. A ce jour, il semble avoir obtenu déjà les voies du dialogue improbable entre les pires ennemis d’hier: l’Iran et l’Arabie saoudite. L’alliance du pétrole roi qui pourrait bouleverser la donne au Moyen-Orient, y compris en termes de puissances nucléaires. S’attaquer à l’Iran serait s’attaquer au leadership chinois, avis à Israël et aux Etats-Unis. Mais en plus, embarquer à bord du navire chinois le vieil allié saoudien des Américains, c’est un camouflet pour Joe Biden.
Et cela installe Xi Jinping dans un jeu au moins à parts égales avec ce “maître” ou “gendarme” du “vieux monde” qu’il souhaite déclasser. Et voilà le président chinois qui, refusant tout signal ou propos clair sur le conflit ukrainien tant à Joe Biden qu’aux Européens (Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen en tête), prend langue par téléphone avec le président ukrainien et le fait savoir. Il rappelle son inquiétude de toute utilisation de l’arme nucléaire et en appelle à la négociation.
L’argument du risque nucléaire maintient à équidistance critique tant Moscou que Washington et l’Otan, tandis que l’appel aux négociations indique que Xi Jinping veut une paix favorable au commerce mondial dont il a besoin mais sans déshabiller son nouveau vassal russe.
Des considérations économiques
Kiev ne place pas de grands espoirs dans la Chine, constate le politologue ukrainien Volodymyr Fessenko sur sa page Facebook: “Je ne pense pas que l’Ukraine attende de la Chine qu’elle contribue à une paix équitable… Pékin considère l’Ukraine comme une alliée des Etats-Unis et ne jouera donc pas en notre faveur. Quant à l’Ukraine, il est préférable que la Chine endosse le rôle de pacificateur plutôt que d’alliée militaire de la Russie. C’est le principal argument en faveur du jeu des négociations entre Kiev et Pékin”.
Il n’est pas étonnant que Volodymyr Zelensky et Xi Jinping se soient parlé au téléphone, estime par ailleurs la BBC: “Il est possible que le président chinois ait pris goût au rôle de médiateur international important, mais des considérations économiques peuvent également avoir joué un rôle. Après des années de mesures strictes liées à la pandémie de coronavirus, l’économie chinoise est encore affaiblie. Elle dépend du commerce d’exportation et tant que la guerre en Ukraine se prolongera, elle ne sera pas en mesure de se rétablir complètement”.
Pendant ce temps-là, Poutine attend
Quoi qu’il en soit, cette nouvelle intervention directe du président chinois pourrait aussi signifier que l’étoile de Vladimir Poutine pâlit.
“La conversation révèle avant tout la faiblesse de Poutine”, estime d’ailleurs le journaliste russe en exil, Alexander Pliouchtchev, dans un post Telegram repris par le portail Ekho: “La conversation de Volodymyr Zelensky avec Xi Jinping constitue un important succès de politique étrangère pour le président ukrainien, permettant à l’Ukraine de narguer Poutine: ce dernier considère Zelensky comme une marionnette et laisse entendre que s’il devait avoir un interlocuteur avec qui s’entretenir, ce serait les Etats-Unis. Volodymyr Zelensky tend ainsi un miroir à Poutine et le présente comme la marionnette de Xi Jiping. Mais contrairement à lui, il parvient à négocier avec ‘le patron’, tandis que Vladimir Poutine attend toujours l’appel des Etats-Unis, et que même l’Europe, pourtant patiente, ne l’appelle plus”.
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