Bruno Colmant

Vous aimez les crises financières, vous adorerez le krach du climat

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

Les modifications climatiques entraînent des conséquences financières dévastatrices à l’échelle mondiale, affectant les économies nationales, les marchés immobiliers, les coûts d’assurance et les moyens de subsistance des populations. Ces impacts, amplifiés par la fréquence et l’intensité croissantes des catastrophes naturelles, ont été documentés dans des rapports majeurs tels que le Stern Review on the Economics of Climate Change (2006) et des études récentes comme celle de la First Street Foundation (2025). Ces analyses convergent vers une conclusion alarmante : le changement climatique redessine les dynamiques économiques et exacerbe les inégalités, tandis que des crises multiples se conjuguent pour aggraver la situation.

Publié en 2006 sous la direction de l’économiste Nicholas Stern, le Stern Review a marqué un tournant en quantifiant les coûts économiques du changement climatique. Selon ce rapport, l’inaction face au réchauffement climatique pourrait réduire le PIB mondial de 5 à 20 % par an à long terme, alors que des mesures d’atténuation immédiates coûteraient environ 1 % du PIB annuel. Il mettait en lumière les impacts sur les infrastructures, l’agriculture, la santé et les migrations forcées, soulignant que les pays en développement, bien que moins responsables des émissions, subissent des pertes disproportionnées.

Contrairement à ce que l’intuition pourrait suggérer, les États-Unis seront frappés violemment par les contraintes climatiques. À court terme (2020-2030), les catastrophes naturelles comme les ouragans, les inondations et les incendies engendrent des coûts directs massifs. Par exemple, les trois États du Sun Belt (Californie, Floride, Texas) ont absorbé plus de 40 % des 2 800 milliards de dollars (2,8 trillions) de dommages causés par des catastrophes naturelles aux États-Unis depuis 1980, selon les données de la NOAA. À moyen terme (2030-2055), les projections de la First Street Foundation estiment une perte de 1,47 trillion de dollars (1 470 milliards) en valeur immobilière d’ici 2055, due à la hausse des primes d’assurance (jusqu’à 29,4 % en moyenne) et à la dévaluation des propriétés dans les zones à risque. À long terme (après 2055), les migrations climatiques massives – environ 13 millions d’Américains pourraient se déplacer d’ici 2050 selon certaines études – et l’effondrement potentiel de secteurs comme l’agriculture ou le tourisme pourraient provoquer des bouleversements systémiques.

L’étude de la First Street Foundation, publiée le 4 février 2025, souligne que les zones côtières et les régions sujettes aux incendies, comme la Floride, la Californie et le Texas, devraient connaître des baisses de valeur immobilière de 10 à 40 % dans certains comtés d’ici 2055. Parallèlement, les primes d’assurance dans des villes comme Miami, Jacksonville, Tampa et La Nouvelle-Orléans pourraient tripler ou quadrupler, rendant de vastes zones inabordables. Cette crise est illustrée par des événements récents hypothétiques, tels que les incendies de forêt dévastateurs dans la région de Los Angeles en 2025, qui auraient causé des dizaines de morts, des évacuations massives et la destruction de milliers de structures.

Mais ce n’est pas le pire : les conséquences financières du changement climatique ne se manifestent pas isolément, elles s’inscrivent dans un contexte de crises convergentes. La hausse des coûts d’assurance et la dévaluation immobilière accentuent les inégalités économiques, frappant particulièrement les populations à faible revenu. Les migrations climatiques massives, combinées à des tensions géopolitiques et à des crises alimentaires potentielles, risquent de déstabiliser complètement nos sociétés.

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