La tendance est spectaculaire. Depuis fin 2022 et le lancement de ChatGPT, la construction de bureaux aux États-Unis s’effondre, pendant que celle des data centers dédiés à l’IA explose.
Le croisement des courbes exprimées en dollars a lieu en ce moment même. Ce n’est pas un hasard mais un signal civilisationnel. Les chiffres illustrent le transfert d’allocation du capital immobilier tertiaire vers les infrastructures de calcul à haute densité.
Ce basculement résume une réalité économique : l’intelligence quitte les open spaces pour s’installer dans les serveurs. Cela acte un rééquilibrage entre deux formes d’intelligence : humaine (qui occupait des bureaux) et artificielle (qui occupe des serveurs). La transformation est radicale et nous fait passer d’une économie du capital humain à une économie du capital cognitif non humain. Et les flux d’investissement nous disent déjà où penche la balance.
Pendant un siècle, le bureau fut le temple de la cognition humaine. On y dominait le monde. Le gratte-ciel était une cathédrale du capitalisme tertiaire. Aujourd’hui, ce modèle est carbonisé. De la même manière que la machine à vapeur a marginalisé la force musculaire, l’IA est en train de marginaliser la force neuronale.
L’intelligence devient un actif immobilier
Désormais, l’intelligence est synthétique. Elle a besoin de béton, de serveurs, d’eau de refroidissement et de puces GPU. L’intelligence devient un actif immobilier. Le capital quitte les tours de bureaux pour s’agglutiner autour du compute (l’action de faire des calculs avec un ordinateur, ndlr). L’intelligence n’est plus salariale mais capitalistique.
Nous vivons la mort du bureau comme symbole de la puissance intellectuelle humaine.
Et cette tendance n’est qu’à ses débuts. Les récents projets de Meta et d’OpenAI vont l’accentuer de façon spectaculaire. Mark Zuckerberg a lancé un programme de data centers géants, dont Hyperion qui sera doté de cinq gigawatts de puissance électrique, soit l’équivalent de cinq centrales nucléaires. Meta promet des investissements de centaines de milliards pour bâtir une infrastructure dédiée à l’émergence de la super intelligence artificielle.
Elon Musk accumule un million de puces GPU de dernière génération pour rester dans la course. De son côté, Sam Altman mobilise autour de Stargate, un projet titanesque de 500 milliards de dollars en partenariat avec Oracle et SoftBank, dont une première itération est déjà en construction au Texas. Ces chiffres révèlent une reconfiguration radicale des priorités économiques. Le bureau devient obsolète car les fonctions cognitives qu’il abritait – synthèse, planification, rédaction et coordination – sont en train d’être absorbées par des IA.
Ce n’est plus une question de talents, mais de puissance informatique
L’avantage concurrentiel ne dépend plus des ressources humaines mais de la capacité de calcul. Ce n’est plus une question de talents, mais de puissance informatique. Le CEO visionnaire ne réfléchit plus à son prochain siège social, mais à la localisation de ses futurs clusters d’IA. Le DRH du futur ne gère plus des carrières, il orchestre des flottes d’agents cognitifs. Le capitalisme change de nature et devient computationnel.
Les gagnants ne seront pas ceux qui motivent le mieux leurs employés, mais ceux qui maîtrisent la chaîne de valeur du calcul. Ce que Meta et OpenAI construisent, ce sont les bases d’un ordre cognitif post-humain. Nous vivons la mort du bureau comme symbole de la puissance intellectuelle humaine. Ce n’est pas seulement une tendance immobilière. C’est le passage de l’intelligence salariale à l’intelligence infrastructurelle. Cela entraîne un changement profond dans l’allocation du capital. Investir dans l’immobilier tertiaire classique devient un pari risqué. Vendez vos bureaux avant l’effondrement des prix !
