Amid Faljaoui

Trump taxe, la Mafia encaisse

Chaque fois que l’Amérique ferme une frontière, la mafia ouvre un tunnel. C’est mécanique, presque mathématique. Et c’est ce que nous rappelle Roberto Saviano dans une tribune incisive publiée dans le Financial Times.

Saviano, c’est ce journaliste italien qui vit reclus sous protection policière depuis plus de vingt ans. Pourquoi ? Parce qu’il a révélé, dans Gomorra et ZeroZeroZero, ce que peu de journalistes osent écrire : la mafia n’est pas un folklore, c’est un business model. Et elle aime par-dessus tout… les occasions offertes par les États.

Or, les droits de douane imposés par Donald Trump sont précisément cela : une aubaine.

En avril, l’ancien président américain a remis en marche sa machine à tarifs punitifs, relançant une guerre commerciale tous azimuts. Le but affiché ? Protéger l’industrie américaine. Mais l’effet de bord, lui, est bien connu de ceux qui travaillent dans l’ombre : à chaque barrière dressée, un tunnel se creuse. Les produits deviennent plus chers ? Le marché gris se réveille. Et quand le marché gris ne suffit plus, c’est le marché noir qui prend le relais, avec ses logisticiens de l’illégal, ses routes bien huilées, et ses milliards qui circulent sans TVA ni douane.

Saviano rappelle un précédent : l’Embargo Act de 1807, imposé par Jefferson. Résultat ? Une explosion de la contrebande entre le Canada et le Vermont. Autre cas d’école, en pleine Grande Dépression : la loi Smoot-Hawley, qui a augmenté les tarifs douaniers sur plus de 20.000 produits. Là encore, les mafias italiennes ont flairé l’opportunité. Elles sont devenues les intermédiaires invisibles d’un commerce devenu officiellement impossible.

Et aujourd’hui, rien n’a changé. Les routes utilisées pour faire entrer des faux sacs à main ou de la cocaïne sont désormais prêtes à faire passer des marchandises légales mais surtaxées : carrelage chinois, textile, électronique. La mafia n’a même pas besoin de s’adapter. Elle n’a qu’à élargir ses palettes.

Les ports les plus rapides deviennent les plus risqués. Long Beach, Houston, Savannah… Ces hubs logistiques, choisis pour leur efficacité, deviennent des trous dans la raquette pour les douanes. Car, comme l’explique Saviano, les trafiquants ne cherchent pas les ports les plus corrompus, ils cherchent les plus rapides. Le crime aime les procédures express.

Et ce n’est pas une théorie. Une entreprise américaine a été récemment condamnée pour avoir importé du carrelage chinois en le déclarant  “Made in Malaysia”. En Utah, une famille entière a été inculpée pour avoir fait entrer illégalement près de 2.900 cargaisons de pétrole brut en partenariat avec un cartel mexicain. Même le marché de l’énergie devient un terrain de jeu pour la contrebande.

Alors, Trump est-il naïf ? Ne voit-il pas que ses tarifs nourrissent le crime organisé ? Peut-être le voit-il très bien. Peut-être que cette contrebande l’arrange. Après tout, cela permet aux entreprises américaines de rester compétitives, tout en gardant un levier politique contre les pays visés par les sanctions. Légalement, on ferme la porte. Officieusement, on laisse la fenêtre ouverte.

Et ce n’est pas une première. Roy Cohn, ancien mentor de Trump dans les années 1970, était l’avocat de la mafia new-yorkaise. Il avait une devise simple : il y a la loi… et il y a la pratique.

Trump applique les deux.

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