Amid Faljaoui

Trump, le PDG des PDG

Donald Trump ne gouverne pas seulement les États-Unis : il entend aussi diriger les entreprises, comme s’il était le patron des patrons. De Walmart à Intel, il impose ses vues aux PDG américains par tweets, menaces et pressions publiques. Une dérive qui questionne les limites du pouvoir présidentiel dans une économie de marché.

C’est officiel : Donald Trump ne se prend plus seulement pour le président des États-Unis… mais aussi pour le patron des patrons. Le boss des boss. Le PDG de tous les PDG. Il n’y a qu’à se souvenir de son dernier coup d’éclat : il a demandé publiquement la démission du patron d’Intel. Rien que ça. Parce que, selon lui, ce PDG aurait eu, je cite, “trop de liens avec la Chine”. Aucun procès, aucune enquête, aucune preuve, juste un tweet présidentiel qui demande la tête d’un dirigeant d’une des entreprises les plus stratégiques des États-Unis. Depuis lors, l’affaire s’est calmée, mais elle en dit long sur la manière de gouverner de Donald Trump.

Et ce n’est pas une première crise autoritaire. Comme le raconte le Wall Street Journal, Trump s’est déjà permis de dire à Walmart, le géant de la distribution, d’absorber les hausses de prix dues aux droits de douane. Il a sommé les laboratoires pharmaceutiques américains de baisser leurs prix. Il a poussé les constructeurs automobiles à ne pas augmenter leurs tarifs. Et il a même suggéré à Coca-Cola de changer son sucre, en lui demandant d’utiliser du sucre de canne au lieu du sirop de maïs. Bref, il ne gouverne pas seulement le pays, il veut aussi piloter l’économie, entreprise par entreprise. À la voix, à l’instinct, à la méthode Trump.

Ce qui est nouveau, ce n’est pas qu’un président intervienne dans l’économie — Roosevelt ou Obama l’ont fait aussi. La vraie rupture, c’est qu’aujourd’hui Trump n’attend plus d’être actionnaire ou en situation de crise. Il intervient même quand l’État n’a pas un centime dans l’entreprise. Et surtout, il le fait seul. En public. Devant tout le monde. Comme s’il dirigeait un pays comme on dirige un groupe coté en Bourse.

Et ce qui est encore plus inquiétant ? C’est que ça marche. Les PDG ne mouftent plus. Ils évitent de le contrarier. Ils évitent les sujets sensibles. Ils engagent des lobbyistes proches de son entourage. Certains vont jusqu’à le caresser dans le sens du poil à sa résidence de Mar-a-Lago en Floride. Parce qu’ils savent qu’un mauvais mot de Trump peut leur coûter très, très cher.

Le plus grave dans tout ça, ce n’est pas seulement le style autoritaire. C’est le précédent que ça crée : on entre dans une logique où le président — n’importe quel président américain demain — pourrait décider, seul, qui doit diriger Intel, Ford, Pfizer ou Goldman Sachs. Pas parce que la boîte est en faillite. Pas parce qu’il y a une menace nationale. Mais juste parce que ça ne lui plaît pas. Ou parce que ça plaît à ses électeurs.

Le plus grave dans tout ça, ce n’est pas seulement le style autoritaire. C’est le précédent que ça crée : on entre dans une logique où le président pourrait décider, seul, qui doit diriger Intel, Ford, Pfizer ou Goldman Sachs.

On appelle ça comment, déjà, quand le pouvoir politique commence à piloter les entreprises à la place du marché ? Ah oui : du capitalisme d’État. Mais version Trump : sans plan, sans cohérence, sans contre-pouvoirs internes. Un capitalisme à la carte. À la tête du client.

Et c’est là que les comparaisons avec la Chine deviennent intéressantes. Parce que Trump admire Xi Jinping. Il le dit. Il envie sa capacité à décider vite, à imposer sa volonté, à écraser l’opposition, y compris dans le monde économique. Il envie ce contrôle centralisé, vertical, sans discussion. Alors il fait pareil, à sa manière. Il obtient des “golden shares”, autrement dit des actions privilégiées, dans certaines entreprises, il menace les autres, il récompense ses alliés. Exactement comme Pékin. Ou presque.

Sauf que les États-Unis ne sont pas la Chine — ou pas encore. Et que cette manière de faire pose une question vertigineuse : où s’arrête le pouvoir d’un président dans une économie de marché ? Est-ce qu’on veut d’un chef de l’État qui choisit les dirigeants comme on nomme des ministres ? Est-ce qu’un désaccord commercial devient une affaire d’État ? Est-ce que l’entreprise privée existe encore quand elle dépend d’un tweet présidentiel ?

Comme le faisait remarquer le Financial Times, Donald Trump agit plus comme un boss de la mafia que comme président. Sa politique se résume à de l’extorsion et au chantage à ciel ouvert. Et quand un président choisit les PDG, ce n’est plus du capitalisme, c’est du… casting !

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