Bruno Colmant
The Dark Side of the Moon-ey
Albert Einstein aurait dit que le temps avait été inventé pour que tout ne se passe pas au même moment. La monnaie est, quant à elle, une expression humaine qui se juxtapose sur la ligne de temps… pour que tout ne se passe pas non plus en même temps.
La monnaie accumulée forme l’expression d’un capital qui est normalement l’expression d’un travail passé. Cette même monnaie est gagée sur un travail futur. La monnaie n’existe donc que dans un vecteur… de temps. Et l’homme a inventé un prix au temps, qui est le taux d’intérêt.
On attribue la paternité de la phrase “Le temps, c’est de l’argent” au philosophe américain Benjamin Franklin (1706-1790), qui voyait l’augmentation du capital monétaire comme un devoir moral. Cette phrase ramène à l’intérêt qui est le prix monétaire du temps. Pourtant, elle recouvre peut-être un champ de réflexion plus profond. En effet, le temps n’est pas conceptualisé. Il est abstrait et insaisissable, tandis que la monnaie est une formulation conventionnelle. Le temps n’a pas de valeur, car on ne peut ni le vendre ni le donner. Cependant, l’usage du temps a une valeur. Il s’agit du temps de fabriquer un bien et de produire un service ou le temps de déconstruire un bien (date de péremption). Le temps efface des valeurs et en magnifie d’autres. Benjamin Franklin avait-il imaginé que les taux d’intérêt deviendraient un jour négatifs après inflation, c’est-à-dire que la monnaie se détruirait avec le passage du temps, dans un engouffrement narcissique du présent ? C’est peu probable.
Et finalement, c’est peut-être Pink Floyd, dans sa chanson biblique “Time” de l’album Mythique “Dark Side of the Moon”, publié il y a exactement un demi-siècle, qui avait raison : “Et tu cours, et tu cours pour rattraper le soleil mais il coule. Il court pour revenir derrière toi. Le soleil est le même, le souffle court…”
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