Carte blanche

A la traîne sur IA, l’Europe mise gros sur les technologies quantiques

L’Europe veut prendre sa revanche. Sur les semi-conducteurs, elle a perdu pied. Sur l’intelligence artificielle, elle peine à suivre le rythme. Mais sur le quantique, elle compte bien être à l’avant-poste de la prochaine révolution industrielle.

En juillet 2025, la Commission a présenté sa stratégie quantique européenne. Objectif : transformer l’avance scientifique du Vieux Continent en avantage économique. Le pari est audacieux, mais pas infondé : la physique quantique est née en Europe au siècle dernier. L’ambition, aujourd’hui, est de l’industrialiser. Pourquoi ? Parce que le quantique pourrait rebattre toutes les cartes. Ces technologies s’appuient sur des principes physiques contre-intuitifs – superposition, intrication – mais aux applications bien réelles : calculs ultra-complexes, cybersécurité inviolable, intelligence artificielle boostée, modélisation climatique, médecine de précision…

Selon McKinsey, le marché mondial pourrait peser 1.300 milliards de dollars d’ici 2035. Mais pour cela, il faut sortir le quantique du laboratoire. C’est précisément ce que veut l’UE. Sa stratégie repose sur cinq piliers :

1.La recherche, pour conserver l’avance scientifique.
2.Les infrastructures, pour héberger et faire tourner les premiers ordinateurs quantiques.
3.L’écosystème industriel, avec un soutien affirmé aux start-up et scale-up.
4.Les usages stratégiques, notamment pour la défense et l’espace.
5.Les compétences, via la création d’une European Quantum Skills Academy.

L’Europe avance. Elle est le seul acteur mondial à travailler simultanément sur les cinq grands modes technologiques d’ordinateurs quantiques. Plusieurs États membres, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, ont déjà lancé leur propre plan national. D’autres suivent, comme la Belgique avec le Quantum Circle. Mais le risque est connu : lenteur, dispersion, complexité réglementaire. Face à une Chine ultra-coordonnée et à une Amérique tirée par ses Gafam, l’Europe ne peut se permettre une division. Il faut harmoniser les efforts, mutualiser les moyens, aligner les stratégies nationales.

Côté entreprises, l’urgence est là. Car pour l’instant, trop de dirigeants ignorent encore ce qu’est le quantique, ou repoussent à plus tard. Pourtant, les usages concrets arrivent. Prenons la finance quantique : modélisation de risques ultra-précise, simulations de crise en temps réel, portefeuilles dynamiques, détection de fraude prédictive, création de produits sur mesure… Le gain potentiel est immense. Et il n’est pas réservé aux banques d’investissement : les assureurs, les fintechs, les fonds de pension sont tout autant concernés.

Certes, les défis techniques restent nombreux : instabilité des machines, rareté des talents, coûts élevés, empreinte énergétique… Mais comme pour l’IA ou le cloud, ceux qui expérimentent tôt prennent une longueur d’avance difficile à rattraper. Dans cet univers en expansion, une seule chose est certaine : le facteur temps est stratégique. En physique quantique, c’est une variable clé. En géopolitique aussi.

L’Europe a trop souvent brillé en R&D sans réussir à transformer l’essai. Cette fois, elle dispose d’un alignement rare entre vision politique, expertise scientifique et volonté industrielle. Reste à passer à l’échelle. Vite. Avant que les autres ne prennent le monopole du futur.

Par Frédéric Van Weyenbergh, cofondateur et managing partner de quantonomiQs

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