Amid Faljaoui
Taxer les banques : bonne idée pour pavoiser auprès de la population mais après ?
Le gouvernement fédéral a enfin bouclé son budget 2024. Ma chronique n’a pas pour but de revenir sur toutes les mesures prises, je me contenterai d’en épingler une seule : la taxation des banques. Avec une mesure qui devrait ramener 150 millions d’euros à l’Etat fédéral.
A dire vrai, l’information n’est pas une surprise. Après l’Italie, l’Espagne, la Hongrie, les Pays-Bas, c’était au tour de la Belgique de taxer ses banques. Le président de Vooruit avant ses déboires alcooliques ne s’en était pas caché.
D’ailleurs, c’est un secret de polichinelle, cette liste de pays taxant les « méchants banquiers » va s’allonger de semaine en semaine. Motif ? La tentation est trop grande. D’abord, parce qu’elles sont soupçonnées par les députés de tous bords d’avoir bénéficié d’une rente exceptionnelle en raison de la hausse des taux d’intérêt mais sans avoir répercuté cet avantage auprès des ménages. En clair, d’avoir trop tardé à remonter la rémunération des dépôts alors qu’ils estiment que la hausse du taux des crédits a été immédiate.
Et puis, cette manne céleste arrive à point nommé avec des Etats qui ont des difficultés à boucler leurs budgets. La population suit le raisonnement des politiques car le banquier est un personnage qui n’a jamais été aimé. Et exactement comme pour les énergéticiens lorsque les prix de l’électricité ont flambé, cette même population a l’impression que les banquiers ont affiché des profits indécents et ignoré l’appel des politiques à relever la rémunération des comptes d’épargne. Bref, c’est l’arroseur arrosé.
En réalité, les banquiers échappent au pire car ils bénéficient de la jurisprudence de l’Italie. Le gouvernement de la péninsule a en effet voulu aller encore plus loin que la Belgique en taxant à hauteur de 40% les surprofits des banques italiennes. Mais les déclarations chocs du gouvernement Meloni ont rapidement fait pschitt ! D’abord, parce que le cours des actions bancaires italiennes a immédiatement plongé. Ensuite, parce que la Banque centrale européenne a crié au loup. Et le résultat ? Le gouvernement italien a dû rétropédaler en proposant au secteur soit de payer la taxe, soit… d’augmenter ses réserves en capital.
Et donc, oui, en résumé, cette taxe de 150 millions d’euros permettra à notre coalition Vivaldi de pavoiser auprès de la population sans vraiment résoudre le problème de manque de concurrence dans ce secteur, même si une ligne est consacrée à ce sujet dans le communiqué de presse.
Ensuite, pareille taxation montre que les banquiers ne savent pas communiquer et qu’ils ont fait preuve, les uns d’arrogance, les autres d’autisme. Ils auraient pu rappeler par exemple leur soutien sans faille à notre économie durant le covid. Ils auraient pu expliquer qu’en Belgique comme en France, la situation est différente des autres pays concernés par cette taxation. En Espagne et en Italie, par exemple, lorsque les taux augmentent, la population est étranglée car les crédits octroyés sont souvent à taux variables alors qu’en Belgique ou en France, ces prêts sont très majoritairement à taux fixes, ce qui veut dire que le risque de taux est pris en charge par la banque et non pas par les ménages ou les entreprises. Les mêmes banquiers auraient aussi pu ajouter que les deux grands défis de notre époque – la révolution numérique et la révolution environnementale – sont certes portées par les ménages et les entreprises, mais que sans l’aide des banques, ces deux révolutions majeures n’auront pas lieu. Mais soit, comme le disait Napoléon Bonaparte, « n’interrompez jamais un ennemi qui est en train de faire une erreur ». C’est ce que font les gouvernements en Europe avec les banquiers en ce moment.
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