Philippe Ledent
Réforme des pensions: tout reste à faire
Hasard du calendrier, le gouvernement fédéral a abouti à un accord sur les pensions la veille de la publication du rapport annuel du Comité d’étude sur le vieillissement (CEV). L’attention a évidemment été focalisée sur la “réforme” du gouvernement. Pourtant, la qualité de celle-ci ne peut, d’un point de vue économique, qu’être évaluée au regard des prévisions sur le coût du vieillissement. Il est donc intéressant de les confronter.
Si la croissance n’est plus au rendez-vous, les dépenses des pensions et des soins de santé liés au vieillissement n’en seront pas moins présentes. Exprimées en pourcentage du PIB, elles exploseront.
Bien que les évaluations doivent encore être affinées, la réforme des pensions est censée réduire leur impact sur les finances publiques de 0,5% du PIB. En supposant évidemment que la réforme ait les effets escomptés, notamment sur le maintien à l’emploi grâce au bonus de 22.000 euros net… Mais cet impact n’est que peu de choses au regard du coût estimé du vieillissement. En effet, selon le dernier rapport du CEV, les dépenses en matière de pensions vont passer de 10,9% du PIB en 2022 à 13,4% en 2050. Et si l’on tient compte de toutes les dépenses impactées de près ou de loin par le vieillissement (soins de santé, etc.), celui-ci représente actuellement 25,7% du PIB mais devrait atteindre 30,1% en 2050, soit 4,4 points de plus d’un PIB calculé, par ailleurs, de manière plutôt optimiste.
La réforme aurait donc le mérite d’alléger un peu ce chiffre. Mais pas si vite: les projections du CEV prennent en compte toute une série d’hypothèses. Notamment celle que le taux d’emploi des personnes de 55 à 66 ans augmentera drastiquement dans le futur, passant de 58,6% de la population de cette tranche d’âge à 68,6% en 2030 et à 76,2% en 2050. On sait qu’il y aura une évolution positive du taux d’activité en raison d’un effet de composition et du passage de l’âge légal de la pension à 66 et ensuite 67 ans.
Mais derrière cette trajectoire, il y a implicitement aussi l’hypothèse que des mesures seront prises pour réformer en profondeur le marché du travail et ainsi atteindre de tels niveaux d’activité (pas seulement pour les 55-66 ans d’ailleurs). Le bonus pension et les autres mesures auront probablement un impact, mais ne vont-elles pas juste aider à atteindre cette hypothèse optimiste d’évolution du taux d’activité plutôt que de l’améliorer encore? Or, cette trajectoire optimiste est déjà utilisée pour calculer le coût du vieillissement. Donc, l’effet net de la réforme sur la trajectoire prévue risque, au final, d’être très faible.
Le défi des soins de santé
Admettons cependant que la réforme abaisse le coût des pensions de 0,5% du PIB chaque année. Il resterait alors 2% du PIB de coût additionnel à financer (13,4% – 0,5% – 10,9%)… Et c’est une estimation plutôt optimiste.
Ensuite, il faudra encore s’attaquer au défi que représentent les soins de santé, le deuxième grand contributeur au coût du vieillissement. Et enfin, il faudra se demander comment on arrivera à générer l’hypothèse prise d’une croissance économique de 1,5% par an, qui requiert notamment une croissance de la productivité de 1,3% par an à moyen terme, chose que l’économie belge n’a plus réalisée depuis bien longtemps. Mais si la croissance n’est plus au rendez-vous, les dépenses des pensions et des soins de santé liées au vieillissement n’en seront pas moins présentes. Exprimées en pourcentage d’un PIB moins élevé, elles exploseront. En conclusion, et pour rester bref: tout reste à faire.
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