Churchill disait : « Je ne crois pas aux statistiques, sauf si je les ai trafiquées moi-même. » Trump, lui, applique la formule à la lettre. Le problème, c’est qu’il entraîne avec lui la crédibilité du dollar et de la première économie mondiale.
Donald Trump a encore frappé. En quelques jours, il a réussi à faire vaciller deux piliers de l’économie américaine : la banque centrale (FED) et les statistiques officielles. Comment ? En virant d’abord la patronne du Bureau des statistiques du travail, coupable d’avoir publié un chiffre décevant sur l’emploi. Puis en limogeant Lisa Cook, une gouverneure de la FED, officiellement pour une affaire de prêt immobilier, mais en réalité parce qu’elle refusait de baisser les taux au claquement de doigts présidentiel.
Dit comme ça, cela ressemble à une querelle politique de plus. Mais en réalité, c’est bien plus grave. Parce que ce que Trump met en cause, ce n’est pas seulement une personne : ce sont les données statistiques elles-mêmes.
Or, les chiffres économiques, c’est un peu comme l’oxygène pour un corps humain : tant qu’il est pur, on respire, tout fonctionne. Mais si on le pollue, tout s’étouffe. Et Trump, lui, n’a pas sorti un filtre à air : il a ouvert grand les pots d’échappement.
Prenez les statistiques de l’emploi : elles permettent aux marchés financiers de savoir si l’économie ralentit ou repart. Elles guident les investisseurs, elles orientent les décisions d’embauche ou d’investissement. Si demain ces chiffres deviennent suspects, si l’on pense qu’ils sont trafiqués pour plaire au président, alors c’est tout l’édifice de la confiance qui s’écroule. C’est comme conduire une voiture avec un tableau de bord trafiqué : vous croyez avoir encore de l’essence, et vous finissez en rade au milieu de l’autoroute.
Même chose avec la FED. La banque centrale a été conçue pour être indépendante, précisément pour éviter que les gouvernants ne jouent avec les taux d’intérêt comme on joue avec une console de jeux. Quand les taux sont fixés de manière neutre, les marchés financiers se fient à la règle du jeu. Mais si l’on croit que ces décisions sont dictées par un tweet rageur, l’incertitude devient permanente. Et l’incertitude, dans la finance, ça se paie cash : c’est de la volatilité, des taux plus élevés et, in fine, une économie qui boîte.
En clair, les États-Unis commencent à ressembler à ce qu’on appelle un marché émergent. Vous savez, ces pays où l’on doute des chiffres, où les banques centrales sont aux ordres, où la monnaie se déprécie au rythme des humeurs du président. Hier, c’était l’Argentine ou la Turquie. Aujourd’hui, c’est Washington. Wall Street n’a plus besoin d’exotisme pour vibrer : il a, hélas, trouvé sa dose de chaos à domicile.
Le paradoxe est cruel : en voulant maîtriser lui-même les chiffres, Trump les rend suspects. En voulant contrôler la FED, il la décrédibilise.
Trump croit montrer sa force. En réalité, il scie la branche sur laquelle repose la puissance américaine : la confiance. Car si les investisseurs internationaux commencent à douter des chiffres et de l’indépendance de la FED, c’est le dollar lui-même qui en sort fragilisé. Et le dollar, ce n’est pas seulement une monnaie : c’est le logiciel qui fait tourner l’économie mondiale. Quand ce logiciel plante, c’est la planète entière qui rame.
Le paradoxe est cruel : en voulant maîtriser lui-même les chiffres, Trump les rend suspects. En voulant contrôler la FED, il la décrédibilise. Et ce faisant, il donne au monde entier l’image d’une Amérique qui ne joue plus avec des règles transparentes, mais avec des dés pipés.
Comme disait Churchill : « Je ne crois pas aux statistiques, sauf si je les ai trafiquées moi-même. » Trump, visiblement, est en train de transformer la première puissance économique du monde en marché émergent… ou en république bananière.
Tic. Toc. Tic. Toc.