Olivier Mouton
Polémique De Croo : oui à la croissance qualitative, non à la décroissance
Les propos du Premier ministre ont le mérite de clarifier un débat. Les masques tombent. S’il convient d’accélérer la transition économique, la décroissance risque d’engendrer un double désert.
En quelques heures, la politique belge s’est transformée en champ de bataille. Les propos du Premier ministre, Alexander De Croo, appelant à une « pause » dans les normes environnementales provoquent une levée de boucliers à gauche et un soutien appuyé à droite. Avec des nuances qui sont pourtant importantes à entendre.
“Ne pas séparer les crises”
Pour Alexander De Croo, il convient donc de ne pas “surcharger” la législation en renforçant les normes en matière d’azote, de restauration de la nature et de biodiversité, en plus des objectifs concernant les émissions de CO2. Le risque, plaide-t-il, c’est que l’industrie ne pourrait plus suivre, et les objectifs de réduction de CO2 ne seront pas atteints. En clair, priorisons le combat contre le réchauffement climatique.
Réplique générale, parmi les partisans du climat : « Séparer la crise climatique de l’effondrement de la biodiversité est la pire des solutions, clame Nicolas Van Nuffel, président et porte-parole de la Coalition Climat. Le problème du dépassement des limites planétaires est systémique, les solutions doivent être systémiques. »
“Agir AVEC les entreprises”
Nicolas Van Nuffel ajoute, très justement, très justement : « La réponse aux résistances n’est pas la marche arrière mais un réel accompagnement des secteurs en transition. La transition juste, c’est agir AVEC les entreprises, les travailleurs, le monde agricole. »
Dans le déluge de réactions, d’autres vont toutefois plus loin et plaident en faveur d’un ralentissement de la machine. Ainsi en est-il d’Adélaïde Charlier, porte-parole francophone des Jeunes pour le climat. « Notre Premier Ministre croit encore aux contes de fées, plaide-t-elle. La croissance infinie dans un monde fini est une hérésie, et la croissance verte (le découplage entre croissance et consommation de ressources) ne passe pas le test de la science… »
Aruna De Wever, ancienne porte-parole flamande qui a quitté le mouvement voici un an, a également adressé un plaidoyer en faveur de la décroissance dans son discours devant le parlement européen : « La croissance infinie dans un monde fini n’est pas seulement un mythe, c’est également extractiviste et durement oppresseur »,a-t-il signifié, en faisant le lien avec la colonisation.
« Quelle folie!, s’exclame en retour Corentin de Salle, directeur du Centre d’études du MR. Le problème du climat, c’est le suprématisme blanc et le néocolonialisme ? Elle vit à quelle époque ? Elle raconte absolument n’importe quoi et les gens applaudissent servilement pour montrer qu’ils sont dans la camp du bien. »
Cela illustre la polarisation du débat. Son caractère irrationnel, aussi. Avec, à la clé, une radicalisation des mouvements.
L’heure est à la coalition
L’heure n’est pourtant pas à l’affrontement, il est à la coalition de toutes les énergies en faveur d’une croissance qualitative, revisitée certes avec des critères environnementaux, mais tenant compte de la nécessité d’accompagner une transition. En accélérant le pas ? Oui. Mais pas en multipliant les législations qui, à terme, risquent de le ralentir faute d’entreprises et d’acteurs en capacité d’agir.
Opter volontairement pour la décroissance serait une erreur grave. Tout d’abord, cette incantation revêt souvent d’une hypocrisie réelle : les comportements de ceux qui plaident en faveur de cela sont rarement conséquents avec leurs propos. Surtout, ce serait préjudiciable tat pour le climat que pour l’économie et l’emploi : le risque ultime serait une double peine, un désert social sur un désert planétaire.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici