Pierre-Henri Thomas

Michel Barnier peut-il sauver la politique française ?

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Les commentaires vont bon train en France depuis la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre par le Président Emmanuel Macron.

Est-ce vraiment la fin d’une crise de gouvernement débuté au début juillet, lorsque les élections législatives surprises déclenchées par le Président de la République pour clarifier la situation l’avaient au contraire embrouillée encore davantage ? Aucun des trois camps – la gauche regroupée sous la bannière du Nouveau Front populaire, le Rassemblement national et ses alliés d’extrême-droite, et les centristes du gouvernement démissionnaires )- n’avait pu émerger. Certes, aux points, la gauche l’emportait légèrement, mais pas assez pour asseoir une majorité parlementaire, malgré les déclarations de ses responsables exigeant la nomination de Lucie Castets, haut fonctionnaire inconnue jusqu’alors, au poste de chef de gouvernement.  

Peu de cartes en main

Est-ce que Michel Barnier, vieux briscard de la politique française, plusieurs fois ministre, deux fois commissaire européen, cauchemar ambulant des Britanniques puisque c’est lui qui a négocié d’une main de fer la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, pourrait réussir là où les autres ont échoué ?

A priori, il ne semble pas avoir beaucoup de cartes en main : il est une des rares étoiles encore scintillantes au sein du LR, le parti de droite français qui a récolté moins de 6% des voix et n’a que 39 sièges sur les 577 que compte l’assemblée.

Mais on connaît son intelligence tactique, son talent de négociateur, de diplomate, de rassembleur, son charisme vieille France qui peut encore impressionner et son carnet d’adresses européen qui devrait servir la France au moment délicat où celle-ci est l’objet d’une procédure pour déficit excessif.

A haut risque

Mais il reste l’arithmétique, qui ne ment pas. Pour ne pas être déjugés, Michel Barnier et son gouvernement devront convaincre plus de la moitié des 577 députés de l’assemblée. Son camp (le parti Ensemble de l’ancienne majorité et les Républicains) rassemble à peine 190 élus. Il leur faut donc en trouver une centaine de plus. Soit à la carte, en allant chercher, pour chaque vote, une majorité ad hoc. Soit, mais c’est peu probable, en étendant un accord de majorité qui, immanquablement, devrait briser certaines lignes. Car il faudrait s’entendre, soit avec le Rassemblement national, qui aujourd’hui est dans la position confortable d’arbitre, soit avec un groupe de sociaux-démocrates, qui devraient alors quitter l’alliance à laquelle ils avaient participé et se faire agonir d’injures par leurs anciens alliés du NFP.

La tâche est donc à haut risque pour un gouvernement qui, pour chaque décision, devra trouver une majorité spéciale, et qui, s’il déplaît trop l’un ou l’autre camp, risque de se voir destitué rapidement. Comme le NFP ne devrait sans doute quasiment jamais voter pour lui, le levier du pouvoir, finalement, se trouve aux mains de l‘extrême-droite qui peut jouer les faiseurs ou les tombeurs de roi.

A ce jeu, Michel Barnier a sans doute un atout dont disposent peu d’hommes politiques français : son expérience dans les couloirs des institutions européennes qui a renforcé sa « culture du consensus ». Une culture qui vient de loin. « Ne sois jamais sectaire, c’est une faiblesse », lui aurait dit sa mère. Mais sera-ce suffisant ?

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