Amid Faljaoui

Des médias boycottent X, par vertu auto-proclamée ou par peur de ne plus contrôler l’opinion ?

Alors que certains médias européens boycottent X, anciennement Twitter, pour ses dérives et son rôle dans la désinformation, la majorité des rédactions restent actives sur la plateforme. Entre pragmatisme et dépendance, X demeure un outil incontournable pour le journalisme, les débats politiques et la veille sociétale.

La presse européenne n’aime pas Elon Musk. Du moins, une partie de la presse quotidienne. Depuis que l’homme le plus riche du monde a repris X, l’ancien Twitter, il y avait déjà de de grands débats au sein des rédactions pour savoir s’il fallait déserter ou pas cette plateforme d’information accusée d’avoir dévié de son objectif depuis son rachat par Elon Musk à coups de milliards de dollars.

De fait, au cours de ces derniers jours, des quotidiens comme le Guardian en Grande-Bretagne, la Vanguardia en Espagne, Ouest-France et Sud-Ouest en France ont décidé de boycotter la plateforme X, accusée d’être en vrac : une plateforme toxique, un réseau social truffé de fake news et de manipulations complotistes et j’en passe. Bien entendu, les quotidiens cités restent encore minoritaires à ce jour, mais comment les autres organes de presse justifient-ils le fait de rester sur une plateforme jugée toxique par d’autres confrères ?

Fausses nouvelles et rumeurs nauséabondes

La raison la plus souvent invoquée est que déserter le terrain des réseaux sociaux reviendrait à abandonner les internautes aux fausses nouvelles et aux rumeurs nauséabondes. Les dirigeants de ces quotidiens nous disent qu’ils y restent pour « y essaimer des informations fiables ».

De son côté, Elon Musk n’en a cure de ces départs. La raison ? Le patron de Tesla et de SpaceX a déjà montré à plusieurs reprises le mépris ou le dédain qu’il a à l’égard des médias traditionnels. Musk n’a pas hésité à le prouver en changeant ses algorithmes de manière à faire chuter drastiquement la visibilité des médias traditionnels sur X. Pour être honnête, les médias pourraient aujourd’hui tous boycotter X car le trafic que la plateforme de Musk leur apporte sur leurs propres sites média est déjà réduit à peau de chagrin.

D’où la question légitime : pourquoi restent-ils sur X ? Surtout si en le quittant, il n’aura aucun impact sur l’audience des médias en question ? Mais parce qu’aujourd’hui, une bonne partie de l’écosystème médiatique et politique se retrouve sur la plateforme X. D’ailleurs les femmes et hommes politiques qui lisent cette chronique le savent bien. Faute de moyens financiers et de temps, la presse quotidienne réagit moins aux communiqués de presse et ne se déplace plus aux rares conférences de presse.

Pourquoi rester sur X ?

En revanche, lorsqu’un politique lâche un tweet un peu controversé, la réaction est immédiate, pavlovienne même ! Le journaliste contactera aussitôt l’auteur du tweet et sollicitera sa réaction espérant ainsi créer le buzz en alimentant la polémique. De fait, lorsqu’un politique n’a plus accès aux médias traditionnels, il n’a pas d’autres choix que de se réfugier sur les réseaux sociaux. Et le plus visité par le petit monde médiatico-politique reste – eh oui – encore et toujours X. Et je n’évoque même pas ces groupes militants pour lesquels X est un canal d’accès indirect aux journalistes et aux politiques.

Par ailleurs, s’il est vrai que la plateforme X est dénigrée par certains médias, ces derniers devraient aussi être honnêtes et reconnaitre qu’ils l’utilisent quotidiennement pour faire de la veille. Autrement dit, pour savoir ce qui se dit ou ce qui se pense au sein de la société. En pratique, bien que détestée par certains médias, la plateforme X sert en réalité de terreau fertile pour démarrer des enquêtes ou plus simplement pour être une fenêtre ouverte sur le monde, une sorte de sondage permanent et gratuit qui ne nécessite pas de devoir arpenter les rues de nos villes pour savoir ce que le citoyen pense de ceci ou cela. Bref, c’est un outil dont il est difficile de se passer. 

Au fond, je me demande aussi si le départ médiatisé de ces quotidiens de X n’est pas aussi l’expression d’un autre malaise de la presse quotidienne. A savoir, qu’elle a perdu le contrôle de l’opinion, après avoir perdu le monopole de l’information. D’ailleurs, l’élection de Trump a montré que les médias ont beau être unanimes contre un candidat, l’opinion n’en tient pas compte et vote à rebours des consignes de ces médias. Triste constat ou début d’une réflexion ?

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