Amid Faljaoui
Les Européens sont des herbivores entourés de carnivores
Dans un monde où les grandes puissances imposent leurs règles, Emmanuel Macron avertit que l’Europe doit cesser d’être naïve pour protéger son avenir. Face aux politiques protectionnistes des États-Unis et à la concurrence chinoise, l’Union européenne doit s’unir et adopter une position de force, sous peine de devenir un simple musée pour les touristes du monde entier.
À chaque rencontre ici à Bruxelles, je constate que la grande majorité de mes interlocuteurs, sans que je n’aie besoin de le mentionner, se disent très attristés par la perspective de Donald Trump à la Maison Blanche. C’est certes une maigre consolation, mais j’en profite pour rappeler les mots de Gérard Araud, ancien ambassadeur de France à Washington, qui soulignait combien la différence entre Démocrates et Républicains reste finalement mince pour l’Europe : « Trump nous claquera la porte sur les doigts, et Kamala Harris, elle sera plus polie, elle fermera la porte en nous disant… au revoir ». Difficile d’avoir une métaphore plus claire.
“Les carnivores gagneront”
Emmanuel Macron a tenté de sensibiliser ses collègues européens réunis à Budapest ce jeudi et vendredi en partageant une autre métaphore frappante. Il a déclaré : « Le monde est fait d’herbivores et de carnivores. Si on décide de rester des herbivores, les carnivores gagneront. Je pense qu’au moins, ce serait pas mal de choisir d’être des omnivores. » En d’autres termes, Macron nous rappelle que l’Europe se montre encore trop naïve et qu’il est urgent d’agir.
Naïveté européenne
De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis favorisent les produits fabriqués sur leur sol avec des milliards de dollars d’argent public. C’est Biden, un démocrate, qui a poussé cette politique plus loin que jamais. À l’est, la Chine exporte massivement des produits fabriqués à bas coût grâce à des subventions publiques. Cette semaine encore, Michelin a annoncé la fermeture de deux usines en France, un exemple frappant de la concurrence chinoise.
La naïveté européenne est omniprésente. Les eurodéputés ont récemment voté l’interdiction de la vente de voitures thermiques à partir de 2035, sans réaliser qu’ils ouvraient ainsi grand la porte aux véhicules électriques chinois. Les consommateurs européens eux-mêmes sont victimes de la stratégie chinoise : non seulement les pneus chinois sont moins chers que les pneus rechapés par Michelin, mais les fabricants chinois dissimulent leur origine derrière des noms neutres ou anglo-saxons. Certains sons italiens, comme Rovelo, Mazzini, et Atturo, tandis que d’autres paraissent américains ou britanniques, comme Tracmax, Kinforest, ou Firemax. Pourtant, ce sont bien des pneus chinois.
Face aux superpuissances, une Europe unie est essentielle
Entre la métaphore des herbivores et carnivores de Macron et la réalité, tout dépendra de la volonté de l’Europe de parler d’une seule voix. Henri Kissinger avait déjà compris cela il y a bien longtemps. Il affirmait que pour régler un problème avec les États-Unis, il fallait un seul numéro : celui de la Maison Blanche. Pour la Chine, il fallait celui de Pékin ; pour la Russie, celui de Moscou. Mais pour l’Europe, se demandait Kissinger, qui doit-on appeler ? Le président du Conseil européen ? La présidente de la Commission européenne ? Paris ? Berlin ?
Face à un Donald Trump doté de tous les pouvoirs — exécutif via la Maison Blanche, législatif via le Congrès, judiciaire avec les juges qu’il a nommés, et même économique avec les géants de la tech — l’Europe devra parler d’une seule voix. Sinon, comme le disait Alain Minc, elle pourrait devenir un musée à ciel ouvert, visité par les classes moyennes chinoises. Et franchement, n’avons-nous pas envie d’un autre destin pour nos enfants ?
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