Christophe De Caevel
Les appels à projet, ce fléau wallon
L’Union des villes et communes de Wallonie dénonce l’inflation des appels à projets lancés par la Région. Ils génèrent de lourdes charges administratives pour des résultats pas toujours pertinents ni très transparents.
Les appels à projets, vous ne voyez quasiment plus que cela dans les décisions du gouvernement wallon. En apparence, c’est une bonne chose : cela donne à chacun la chance de rentrer un projet et d’obtenir les subsides régionaux promis. Dans la pratique, c’est catastrophique. Il y a une telle avalanche d’appels que cela annule l’effet d’ouverture du jeu de ce mécanisme. Ceux qui sont bien aiguillés par le pouvoir régional –les amis de mes amis- parviendront à naviguer dans le nombre et la complexité de ces appels et à décrocher les subsides.
L’union des villes et communes de Wallonie s’est fendue d’un courrier incendiaire contre les effets pervers de ce « tsunami permanent d’appels à projets ». Elle dénonce l’aspect chronophage du mécanisme, tant pour les pouvoirs locaux qui remplissent les dossiers et les bureaux d’études qui les aident dans cette tâche (ce qui, au passage, entraîne une dépense supplémentaire) que pour l’administration wallonne, chargée de traiter les dossiers.
Si cela prenait du temps pour la bonne cause, pourquoi pas ? Mais ce n’est même pas le cas. Bien au contraire, à lire l’argumentaire de l’UVCW :
-Le recours systématique aux appels à projets « excite la concurrence entre pouvoirs locaux », alors qu’il faudrait plutôt des synergies pour réduire les coûts et améliorer la gouvernance.
-Il place la Région en « arbitre », prêt à « sanctionner la moindre petite erreur dans une dossier », plutôt qu’en conseiller des pouvoirs locaux.
-il attise l’effet d’aubaine « au lieu de financer des actions locales mûrement réfléchies dans un cadre structurel ». En d’autres termes, une commune ou un cpas ne lance pas un projet parce qu’elle le trouve utile et prioritaire mais simplement parce qu’il est bien financé par la Région. « Cela accentue l’incompréhension des citoyens confrontés à des travaux « inutiles » (là un passage pour piétons éclairé en rase campagne, là une halte bucolique sur une voie rapide…), assène l’Union des villes et communes. On travaille ainsi sur des projets qui ne sont pas vraiment ceux dont on a besoin.
-Les appels ne sont pas toujours très transparents et « n’ont pas fait l’objet d’une information cohérente et claire en amont pour mettre l’ensemble des pouvoirs locaux sur un pied d’égalité et en ordre de marche pour concourir ». C’est peut-être le point le plus assassin du courrier de l’UVCW : sous couvert d’ouverture à tous, le pouvoir régional renforce en fait le favoritisme. Cela vaut pour les communes mais aussi pour toutes les associations et instances diverses susceptibles de répondre à ces innombrables appels à projets.
La solution : un droit de tirage
L’Union des villes et communes, dont la démarche est partagée par la Fédération des CPAS ainsi que celles des directeurs généraux et des receveurs, avance une alternative : un système de droits de tirage. « Il se basera sur une procédure simple d’octroi sur base de critères préétablis, sans procédures administratives lourdes de contrôle en s’appuyant sur une réelle confiance dans les pouvoirs locaux », écrivent-ils.
Le problème, c’est que les droits de tirage réduiraient le pouvoir des ministres, leur emprise sur l’affectation concrète des moyens régionaux. Ils ne sont donc guère enclins à glisser vers ce système, même si la plupart d’entre eux ont été bourgmestres ou échevins pendant de longues années et ont sans doute aussi pesté contre la multiplication et la complexité des appels à projets. Manifestement, la fameuse expérience de terrain, si souvent évoquée pour justifier les cumuls de mandats, n’a pas toute la pertinence qu’on lui prête parfois. A cet égard, il est piquant de relever que le courrier de l’UVCW est adressé à Christophe Collignon, ministre des pouvoirs locaux, qui est par ailleurs bourgmestre empêché de Huy. A ce titre, il est quasiment cosignataire de la lettre au ministre.
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