Typhanie Afschrift

Le prix des cadeaux

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Les faux cadeaux sont un des éléments qui creusent encore plus les déficits budgétaires des entités publiques.

On savait depuis longtemps que les passagers de la Stib, les transports intercommunaux bruxellois, ne payaient pas le coût réel du service de transport qui leur est offert par cette société publique. Mais la quotité de ce coût qu’ils paient réellement ne cesse de diminuer. Et aujourd’hui, on apprend qu’en moyenne, le client moyen de la Stib ne paie que 25% du coût réel de son transport.

Cela est dû à la politique d’abonnements gratuits ou pour un prix symbolique à destination de catégories entières de la population comme les jeunes et les personnes âgées de plus de 65 ans. La Stib se prive de recettes pour une énorme proportion de clients potentiels. Ce système crée une véritable discrimination, ce qui ne devrait pas être acceptable pour une société publique.

On sait bien qu’il n’existe pas de services publics gratuits.

De la part des autorités, qui financent cet énorme déficit, c’est évidemment une façon de se faire bien voir de la population dont une large part reçoit ainsi un “cadeau”, des services “gratuits”, ou présentés comme tels. Or, on sait bien qu’il n’existe pas de services publics gratuits. Il n’y a que deux solutions: soit le service est payé par son utilisateur, soit il est payé par le contribuable. Il n’est jamais gratuit ; s’il est à charge du budget, il est financé par les impôts.

La question n’est donc pas de remercier l’Autorité de faire un cadeau à certaines personnes mais de se demander s’il y a une justification à le faire. Il s’agit là d’une véritable redistribution. Or, contrairement à ce qu’on affirme en général, les redistributions ne se font pas toujours des riches vers les pauvres. On constate ici que la redistribution se fait en faveur des personnes qui utilisent les transports en commun.

Cela signifie d’abord que les premières victimes de la décision sont les personnes qui n’utilisent pas ceux-ci. Il peut s’agir des automobilistes qui sont les victimes habituelles des politiques publiques puisqu’ils sont noyés sous des multiples taxes qui servent à financer, notamment, les transports en commun. Et ce qui peut surprendre à Bruxelles, c’est que ceux qui circulent seulement à vélo financent aussi une politique dont ils ne bénéficient jamais.

Mais la discrimination se fait aussi au détriment des personnes qui, tout simplement, ne circulent pas ou circulent très peu, comme beaucoup de personnes âgées qui n’osent plus sortir de chez elles par perception d’insécurité ou pour des raisons médicales. Ou encore des personnes qui habitent très près de leur travail et ont peu de raisons de circuler: ces personnes paient pour les autres alors que sur le plan écologique, ce sont celles qui causent le moins d’émissions puisqu’elles ne circulent presque pas.

C’est un problème récurrent qui résulte de la proportion des politiciens à la démagogie.

Enfin, en sanctionnant la tranche d’âge de 26 à 65 ans qui comprend évidemment une proportion de travailleurs beaucoup plus importante que les autres, les autorités publiques favorisent par principe ceux qui ne travaillent pas par rapport à ceux qui travaillent. La tarification existante implique par conséquent de nombreuses discriminations, qui ne peuvent toutes se justifier par une politique publique consistant à favoriser les transports en commun.

Tout cela est bien connu et ce n’est pas propre à la politique du gouvernement bruxellois et de sa société de transport. C’est un problème récurrent qui résulte de la proportion des politiciens à la démagogie. En offrant un service prétendument gratuit mais payé par “les autres”, ils achètent la satisfaction et peut-être les votes de certains citoyens électeurs. Le coût est bien entendu supporté par d’autres mais ceux-ci le voient beaucoup moins parce qu’il est noyé dans la masse, de plus en plus considérable, des dépenses inclues dans le budget. Les faux cadeaux sont un des éléments qui creusent encore plus les déficits budgétaires des entités publiques.

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content